mardi 9 février 2016

L’ambassadeur des États-Unis à Tel-Aviv crève l’abcès




On savait le président Obama secrètement excédé par la politique de Netanyahou à l’égard des Palestiniens. Son ambassadeur à Tel-Aviv, lui, s’est montré beaucoup plus explicite.
Organisée à Tel-Aviv le 18 janvier, la prestigieuse conférence de l’Institut national des études stratégiques (INSS) est le rendez-vous incontournable des pontes de l’appareil sécuritaire et autres chefs de la classe politique...



Parmi les temps forts, le discours de l’ambassadeur américain, qui s’apparente d’ordinaire à un exposé de la politique de Washington dans un Moyen-Orient toujours aussi effervescent. Pour les Israéliens, il permet de mesurer l’état des relations bilatérales avec leur allié.


Le dossier palestinien au cœur du discours de Shapiro


Volontairement rassurant au sujet de l’application de l’accord sur le nucléaire iranien, Dan Shapiro n’a en revanche pas ménagé l’État hébreu sur le dossier palestinien. « Nous sommes d’abord préoccupés et perplexes face à la stratégie israélienne en matière de colonisation », a-t-il lancé, dénonçant en particulier l’annexion de terres palestiniennes en zone C, laquelle couvre 60 % de la Judée-Samarie, quelques jours après qu’Israël s’est emparé de 150 ha de terres agricoles près de la ville de Jéricho.
« De trop nombreuses attaques contre les Palestiniens ne font pas l’objet d’enquêtes rigoureuses de la part des autorités israéliennes, a poursuivi l’ambassadeur. Il semble y avoir deux normes pour appliquer la loi : l’une pour les Israéliens, l’autre pour les Palestiniens. » Son réquisitoire s’est achevé par une question lourde de sous-entendus : « Quel est le plan d’Israël pour résoudre le conflit ? »
Surpris par la charge, le bureau de Benyamin Netanyahou a fustigé des propos « inacceptables » et de toute évidence malvenus « à l’heure où l’on enterre la maman de six enfants, assassinée » dans une énième attaque au couteau. « Le responsable de l’impasse diplomatique est l’Autorité palestinienne, qui continue d’inciter à la violence et refuse de négocier », conclut le communiqué du gouvernement.
La charge de Shapiro a également donné lieu à des réactions outrancières. Interrogé par la télévision, Aviv Bushinsky, ancien porte-parole de Netanyahou, a qualifié l’ambassadeur américain de « yehudon » (« petit juif »).


Dan Shapiro, « l’ami d’Israël »


Dan Shapiro, 46 ans, est issu d’une famille juive de l’Illinois. Ce père de trois filles, hébréophone depuis ses études à l’université de Jérusalem, a toujours été présenté comme un « ami d’Israël », y compris lors de ses travaux pour le Conseil de sécurité nationale. En 2007, Barack Obama en avait fait l’un de ses plus proches collaborateurs sur le Moyen-Orient.
Vue des États-Unis, sa nomination comme ambassadeur à Tel-Aviv, en août 2011, a été décrite comme une tentative d’adopter le « modèle Martin Indyk ». Cet autre diplomate juif américain, ancien lobbyiste pro-israélien, avait été l’émissaire de John Kerry au moment où les États-Unis tentaient de réanimer le processus de paix avec les Palestiniens.
Sauf qu’aucun représentant de l’actuelle administration américaine n’a eu les faveurs des deux gouvernements Netanyahou. Certains ministres nationalistes croient même avoir démasqué « Hussein » Obama, un président pro-arabe, et ne lui pardonnent pas sa politique de rééquilibrage dans la région.
Non seulement Dan Shapiro n’a pas trahi les nouveaux fondements de la politique étrangère américaine, mais il a compris qu’à travers la presse israélienne – dont il accepte volontiers les sollicitations, à la différence de ses prédécesseurs -, il détenait un canal diplomatique parallèle pour s’adresser à l’État hébreu.
Sa relative popularité auprès de l’opinion israélienne lui autorise quelques commentaires de politique intérieure, par exemple quand il a émis des craintes pour la démocratie à la suite du vote de la « loi sur la transparence » qui contraint les ONG israéliennes à rendre publics leurs financements. Netanyahou, qui côtoie Shapiro depuis ses navettes au Proche-Orient avec l’ancien émissaire américain George Mitchell, a tenu à recevoir l’ambassadeur pour apaiser les tensions. L’entretien, de trente minutes, a été qualifié d’« amical ».


Source Ferloo