lundi 29 février 2016

Le traitement des eaux usées en Israël, voyage de presse du Bnai Brith et de Norbert Lipszyc



Suite au voyage de presse organisé par Norbert Lipszyc, président de la SPNI France et blogger pour crisedeleau, et par Véronique Hauptschein (Bnai Brith), voyage dont Israël Science Info était partenaire média, l’un des nombreux journalistes français qui a participé au voyage, Francis Pisani, a publié un passionnant article sur lemonde au titre accrocheur « Qui veut boire l’eau des égouts ? »...



 En boire ou pas ? C’est en me posant cette question que je viens de visiter Shafdan, la plus grande station d’épuration d’eaux sales d’Israël et la plus avancée de la région.
De quelle eau s’agit-il ? De celle qui sort des douches, lavabos, éviers et autres toilettes des villes du coin, à laquelle s’ajoutent les eaux rejetées par les différentes industries locales.
Pour résoudre les problèmes dus au manque d’eau, les Israéliens ont recours à trois solutions : les économies, la désalinisation et la purification des eaux usées. A Shafdan, comme dans toutes les entreprises de ce genre, l’objectif est de réduire la contamination par les eaux sales et de les réutiliser le mieux possible.
Selon Meir Ben Noon, chargé des visites du centre, 99,8 % de ce qui sort des égouts est effectivement de l’eau. Le plus gros problème provient des ordures qu’elle trimballe : 40 tonnes (dont 30 de lingettes) sont récupérées chaque jour dans les tuyaux. On y trouve parfois de l’or voir des téléphones cellulaires et, une fois au moins, une bicyclette.
Tous les solides sont retirés au bout de quelques heures. Les boues sont transformées en engrais organiques et données gratuitement aux agriculteurs de la région.
L’usine de Shafdan occupe 200 hectares et fonctionne avec 50 salariés. Tout est géré par des ordinateurs qui contrôlent vannes, machines et filtres. Le nettoyage est confié à des processus biologiques avant réinsertion dans le sol. Le gros avantage du dispositif étant, pour Meir Ben Noon, que « cela ne requiert ni salaires ni retraites ».
Il ajoute que son pays « est leader mondial en matière de récupération des eaux usées. 85 % de l’eau des égouts est recueillie et purifiée. En deuxième position Singapour est loin derrière, suivi de l’Espagne, troisième avec 27 % », qui pourrait bientôt être dépassée par la Jordanie.
Malgré les arguments pour prouver la pureté de l’eau traitée, celle-ci n’est employée que pour l’agriculture.
« C’est Mekorot, l’autorité de l’eau qui a décidé de l’utiliser pour irriguer le désert du Néguev », explique Meir Ben Noor. « Nous ne buvons pas cette eau mais nous pourrions », ajoute-t-il en nous montrant des bouteilles dont une seule est remplie d’un liquide saumâtre : « 1 000 bouteilles d’eau provenant des égouts deviennent 1 000 bouteilles d’eau buvable. »


Des eaux de qualité « potable » ou « buvable »


Israël n’est pas seule sur ce chemin. Les touristes qui s’aventurent jusqu’en Australie doivent savoir qu’ils ont « peut-être bu de l’eau recyclée ». Qu’ils se rassurent, l’ONG locale Choice estime que « les problèmes pouvant provenir de [ce type d’eau] ne tiennent ni à la faisabilité technologique ni à la science qui ont fait leurs preuves.
Le point d’achoppement est l’acceptation par la communauté et la confiance dans les autorités ». Pour le moment, l’eau retraitée (en provenance, essentiellement, des eaux de pluie récupérées) est d’abord redirigée vers l’irrigation et l’usage industriel.
Ailleurs dans le monde, l’eau des égouts est utilisée comme eau potable dans différents comtés américains comme Orange en Californie, Scottsdale en Arizona, ou à Windhoek, capitale de la Namibie, Londres et surtout à Singapour.
Soucieuse de trouver une formule capable de rassurer la population, cette ville-Etat du sud-est asiatique, a choisi le nom de NEWater pour désigner les eaux qui ne sont plus nouvelles mais qu’un ensemble de technologies avancées a permis de transformer en « eaux de qualité potable».
Elle couvre ainsi 35 % de ses besoins avec pour objectif d’atteindre 80 % en 2060 (pour mieux négocier avec la Malaisie qui lui fournit une bonne partie de son eau dans le cadre d’un accord qui expire en 2061) explique George Madhavan de la Public Utility Boards (PUB).
Répétée à l’envi sur bien des sites et de multiples présentations, la formule en Israël est plutôt : « eau de qualité buvable » (drinkable quality water), ce qui ne donne pas l’impression d’être exactement la même chose qu’« eau potable ». La technologie, celle de Shafdan en tout cas, est impressionnante. Le résultat semble convaincant et nous serons sans doute un jour contraints de boire de cette eau.
Mais reconnaissons que l’employer pour l’agriculture tout en disant qu’elle est buvable invite au doute. Ceci dit, nous ferions bien, en France, de tirer parti de ces expériences dans l’agriculture… en attendant qu’elles gagnent les villes. »


Source Israel Science Info