dimanche 14 février 2016

Kibboutz Hanita : douze Suisses fêtent leur 50 ans en Israël




L’un des kibboutzim les plus au nord d’Israël est devenu, il y a un demi-siècle, la nouvelle patrie de douze Suisses. Nous avons rendu visite au groupe israélo-suisse qui a traversé les changements d’époque en même temps que le kibboutz...Decouverte...



La petite baraque blanche isolée est plantée au milieu du kibboutz Hanita. Seul un fauteuil roulant électrique occupe le grand parking. Plus rien ne rappelle que cet endroit fut, il y a plusieurs décennies, l’épicentre de la vibrante communauté  du kibboutz. Dans cette baraque, on pouvait inscrire son nom sur une liste afin de réserver l’une des 15 voitures du kibboutz.
"Cela remonte à loin. Aujourd’hui, plus de 90 pour cent des kibboutznikim ont leur propre véhicule“ raconte Yochi. Cet Israélien d’origine suisse vit depuis cinquante ans dans l’un des kibboutzim les plus au nord du pays. Il est pratiquement impossible de se rapprocher davantage de la frontière libanaise. Le grillage encerclant le kibboutz est non seulement destiné à éviter que les promeneurs ne glissent sur le versant abrupt de la colline mais il sert également de clôture frontalière.
Le Liban commence pratiquement à la porte du kibboutz. Une colline avec une antenne radio fait office de rempart. Si des roquettes devaient de nouveau être lancées, elles ne feraient que survoler Hanita „beezrat Hashem“ (avec l’aide de D.ieu). Globalement, toutefois, la vie dans le kibboutz est plutôt paisible. Hanita est une oasis de paix avec une vue superbe sur les vertes collines du nord, sur la mer et sur les plantations de bananes recouvertes de bâches grises du kibboutz.


Un souffle nouveau et un sang neuf autour du noyau dur


Yochi, le maire du kibboutz, roule avec allant, empruntant les petites rues et les artères plus larges. Il connaît l’histoire de chaque bâtiment et il connaît pour ainsi dire aussi chaque habitant. Il lance un joyeux „shalom“ aux promeneurs rencontrés cet après-midi.
Et chacun lui retourne son salut. Une ride soucieuse barre soudain son front lorqu’il aperçoit une gamine qu’il ne reconnaît pas immédiatement. A Hanita les gens sont très solidaires. Le kibboutz compte 180 membres à part entière. Avec leurs enfants, les volontaires et les familles récemment installées, la population totale est de quelque 600 personnes.
Hanita a été créé avant même la reconnaissance de l’Etat d’Israël. Depuis 1938, le kibboutz est spécialisé dans la culture des bananes, des avocats et des légumes mais aujourd’hui les principaux employeurs sont un atelier d’enduction et une fabrique de lentilles de contact.


La ligne bleue


La station de location de voitures abandonnée, l’amphithéâtre qui tombe lentement en ruines, la maison du volontariat effondrée, la laverie fermée et la cantine qui n’est plus ouverte qu’à midi pourraient laisser penser que Hanita se meurt lentement.
Mais rien n’est plus faux. Le kibboutz a parfaitement réussi la transition entre le modèle socialiste de ses débuts et une organisation financièrement solide car presque entièrement privatisée. Les anciennes maisons pour enfants et adolescents ont laissé place à des jardins d’enfants et des garderies, une petite maison de retraite, un grand court de tennis, une nouvelle piscine et soixante-dix nouvelles maisons financées par des fonds privés.
"Toutefois, ces maisons sont à l’extérieur de la ligne bleue“ explique Yochi en empruntant la rue résidentielle. La „ligne bleue“ délimite le tracé du kibboutz à ses origines. Les nouvelles maisons sont plus grandes, plusieurs voitures sont garées devant chaque entrée et les pelouses sont jonchées de jouets et de vélos. „Nous avons maintenant une population nettement plus jeune“ explique Yochi (71 ans).
L’âge moyen des kibboutznikim du début est en effet de plus de 65 ans. Certaines des nouvelles maisons sont habitées par les enfants des kibboutznikim revenus après plusieurs années d’absence. La présence de ces jeunes familles est bénéfique à cette communauté soudée, elle apporte un souffle nouveau et un sang neuf au kibboutz.


La vie suisse dans le kibboutz


Les douze Suisses qui viennent de fêter leur cinquante ans dans le kibboutz constituent un îlot bien intégré au sein de la communauté. Ils sont presque tous venus dans le cadre d’un voyage organisé par le mouvement de jeunesse suisse „Brit Hazofim“ et sont restés soit par amour, soit parce qu’ils étaient sionistes dans l’âme.
Ce soir, Yochi, Corinne Meck et Yehuda Pruschy ainsi que leur partenaire israélien se sont réunis autour d’une tasse de café et d’un gâteau marbré. Tous ont vu le kibboutz évoluer au fil du temps : nouveaux postes de travail dans de nouvelles fabriques, époque où le volontariat battait son plein, mariages, grossesses, congés familiaux et innombrables discussions. Une question importante au sein du kibboutz portait sur la manière d’évaluer les propriétés immobilières, sur ce qu’il était possible d’hériter et sur la somme d’argent à verser à celui qui quittait le kibboutz – le destin de Hanita dépend du résultat des votes et des décisions à la majorité qualifiée ainsi que de la volonté de survivre de ses habitants.
Une chose est sûre, même si le modèle socialiste a pratiquement disparu, le goût de la discussion lui est resté, mais aujourd’hui on débat confortablement assis dans des fauteuils en cuir et plus autour d’un feu de camp.  A noter que la question des propriétés immobilières a été réglée de la manière suivante : celui qui quitte le kibboutz reçoit de l’argent, celui qui reste habite sa propre maison qu’il peut léguer à ses enfants.


Nouvelles tâches


Agée de 59 ans, Corinne, qui vit au kibboutz depuis 40 ans, est la plus jeune du noyau dur. Venue à l’époque pour effectuer une période de volontariat d‘un an elle est restée et a épousé Giora qu’elle a connu au kibboutz. Au début, elle avait quatre heures d’hébreu par jour à l’oulpan du kibboutz suivies de quatre heures de travail dans le kibboutz.
"Je me souviens avoir été affectée à la récolte des citrons, mais ma carrière a été extrêmement brève car j’ai reçu quelque chose dans l’oeil“ raconte-t-elle en riant. Les autres ont déjà entendu cette histoire plusieurs fois. En fait, chaque membre du groupe pourrait raconter sa propre histoire sur ses débuts dans l’agriculture.
Yehuda qui porte une grande kippa plus par sionisme que pour des raisons religieuses a pris le bateau à Naples pour Haïfa en 1966.  Le kibboutz l’a affecté à la cueillette des oranges mais comme il est daltonien il lui était impossible de distinguer les fruits verts des fruits mûrs, ce qui a donné le coup de grâce à sa carrière de ramasseur d’oranges. Le noyau dur est vite d’accord sur ce point : les Suisses sont tout aussi capables que les autres de travailler manuellement mais il est clair qu’avec eux se chargeant de la plupart des tâches administratives et financières du kibboutz, celles-ci sont en de très bonnes mains.


Pas de maison d’enfants mais une maison des jeunes


Corinne et Giora ont cinq enfants dont aucun n’a habité dans la maison d’enfants. Même constat pour les deux enfants de Yochi et Hanna. Les enfants vivaient à la maison et, une fois adolescents, ils se sont installés dans la maison des jeunes.
Les parents se lancent alors dans une grande discussion pour savoir quel enfant a fréquenté quelle classe et à quelle date. Les personnes extérieures ne pourront jamais percer le mystère de la vie en kibboutz, de ces vies indissolument liées où chacun compte et a son rôle à jouer mais se définit par rapport aux autres. Pour en revenir aux adolescents qui ont vécu dans la maison des jeunes, il leur était possible de rentrer chez leurs parents  quand ils le voulaient, et ils étaient „condamnés“ à y rentrer quand ils se conduisaient mal. En effet, la punition reçue était de coucher chez les parents et pas dans la maison des jeunes.
Les enfants de Corinne ne parlent plus le suisse allemand. „Je le regrette un peu, car la langue maternelle c’est quand même important“ dit Corinne qui parle un hébreu parfait. Elle explique en suisse allemand et en hébreu ce qu’est le vrai gâteau marbré et pourquoi il a la forme du kougelopf sans en être un pour autant.
C’est ce mélange entre la Suisse et Israël qui caractérise Hanita ce soir. Ou, pour en rester au gâteau marbré, la culture israélienne et la culture suisse ont formé en l’espace de 50 ans une entité indissoluble qui prend toute sa saveur au sein de cette communauté.


Source Israel Suisse