dimanche 16 décembre 2012

Devenir membre de la CPI pourrait causer plus de tort aux Palestiniens qu’à Israël



La tentative réussie de Mahmoud Abbas pour obtenir le statut d’observateur non-membre à l’Organisation des Nations Unies apporte une nouvelle opportunité aux Palestiniens : devenir admissible à la Cour pénale internationale de La Haye, qui est habilitée à enquêter sur les pires crimes internationaux.
Bien que les critiques d’Israël aient longtemps espéré de voir les dirigeants israéliens jugés par la Cour, Israël n’a jamais ratifié le traité de la CPI, et les territoires palestiniens, en tant qu’ « entité non-étatique », n’ont jusqu’à présent pas été en mesure de le ratifier, laissant leur conflit hors de portée.
La nouvelle reconnaissance des Palestiniens par l’ONU peut changer cela et a ravivé les craintes israéliennes quant à des poursuites unilatérales devant la CPI. À la lumière de ces préoccupations, certains dirigeants occidentaux auraient demandé à des responsables palestiniens de s’abstenir. Cependant, en réalité, l’adhésion à la CPI peut s’avérer plus compliquée pour les Palestiniens, les forçant, eux aussi, à prendre la responsabilité de leur conduite.

Les poursuites des crimes du Hamas à venir pourraient se développer plus facilement que les poursuites similaires de crimes israéliens.

Des responsables palestiniens ont longtemps demandé à la Cour d’engager des poursuites pour des crimes commis par les forces israéliennes dans la bande de Gaza au cours de l’opération Plomb Durci en 2008-2009, et les hostilités les plus récentes dans la bande de Gaza peuvent donner lieu à de tels appels. Jusqu’à présent, cependant, le procureur du tribunal a refusé d’agir, car seuls les Etats peuvent ratifier la loi de la CPI. Si la CPI obtient une juridiction sur un Etat palestinien nouvellement reconnu, le tribunal serait en mesure d’examiner les crimes commis sur le territoire palestinien.
En raison des complications juridictionnelles de la situation palestinienne, les actions passées, comme les crimes commis par les deux parties lors de l’Opération Plomb Durci ou encore la violence récente dans la bande de Gaza, ne seraient probablement pas poursuivis. Mais Israël peut en effet se trouver au centre d’un examen approfondi pour les éventuels crimes à venir.
Pourtant, la CPI n’est pas le Tribunal de Nuremberg, qui a condamné des Allemands, mais n’a pas tenu compte des crimes des Alliés. Et même si certains dirigeants le préfèreraient autrement, la compétence de la CPI ne se limite pas à une des parties d’un conflit. Lorsque l’Ouganda a renvoyé son propre conflit à la CPI en 2004, sa motivation était sans doute la poursuite des dirigeants de l’Armée de résistance du Seigneur, mais une fois que le tribunal s’est déclaré compétent, le procureur a également réussi à enquêter sur les crimes probables perpétrés par les forces gouvernementales.

En d’autres termes, le Hamas ne peut pas s’attendre à un laissez-passer gratuit, à l’avenir, pour des bombardements sur des civils israéliens ou encore pour l’utilisation de Palestiniens non-combattants comme boucliers humains.

En fait, le statut de la CPI peut donner l’avantage à Israël sur les poursuites futures, tout en mettant le Hamas dans une situation probablement désavantageuse. En effet, Israël a déjà mené des enquêtes et entrepris des actions disciplinaires concernant le comportement de ses forces militaires à Gaza, la peur de l’implication de la CPI pourrait même inciter Israël à en faire davantage. Le Hamas, en revanche, n’a fait aucun effort pour faire face à de telles allégations de crimes de guerre.
Etre membre de la CPI apporte aussi avec elle des obligations qui peuvent ne pas s’avérer difficiles à respecter pour les Palestiniens. Les membres de la CPI s’engagent à coopérer avec la cour, et comprend le respect des mandats d’arrêt et une aide dans les enquêtes. Un nouvel Etat palestinien pourrait être appelé à fournir des preuves contre, et même à rendre certains ressortissants palestiniens, comme les dirigeants du Hamas. En tant que membres d’une communauté internationale qui s’intéresse à la justice, tous les États doivent respecter les mandats de la CPI comme une question de principe, mais Israël – qui à l’origine a signé à la CPI, mais a ensuite cherché à retirer sa signature – n’a pas d’obligation légale.

Ainsi, si un nouvel État palestinien rejoint la Cour, il assumera des fonctions juridiques qu’Israël ne partage pas.

La poursuite des personnes coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité – par toutes les parties d’un conflit – est un objectif extrêmement important, et pour lequel les défenseurs des droits de l’homme ont longtemps combattu. La CPI, qui a maintenant 121 Etats membres, offre un cadre équitable et public pour tenir coupable ceux qui sont responsables d’implication dans un génocide, dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Mais alors que les responsables palestiniens célèbrent leur nouvel état observateur non-membre de l’ONU et envisagent d’adhérer à la CPI, ils doivent comprendre que la justice n’est pas une rue à sens unique. Eux aussi, ils pourraient un jour se retrouver au banc de la cour.


Par Jennifer Trahan, professeur agrégé au Centre des affaires internationales à la NYU School of Continuing and Professionnal Studies (NYU-SCPS). Elle est également présidente de la branche américaine de l’Association du Barreau du Comité de la Cour pénale internationale.