Grégory Chelli, alias «Ulcan», s’était fait une spécialité du harcèlement violent sur Internet. Ses cibles : des militants, des journalistes mais aussi de simples particuliers. Installé en Israël, il ne sera pas présent lors de son procès ce jeudi.........Détails........
Il s'était fait un nom sur la Toile aux dépends de personnalités publiques, militants, journalistes, particuliers, ciblés par des canulars téléphoniques élaborés mais non moins violents.
Grégory Chelli, alias « Ulcan », est jugé ce jeudi au tribunal correctionnel de Paris pour une kyrielle de délits : appels malveillants, dénonciation de faits imaginaires, dénonciation calomnieuse, menace de commettre un délit, usurpation d'identité, violences...
Derrière ces qualifications juridiques, un harcèlement en règle dont avait notamment été victime Martine Aubry, la maire (PS) de Lille, partie civile.
Sioniste assumé, ancien membre de la Ligue de défense juive, Grégory Chelli s'est fait connaître à l'été 2014, en pleine guerre dans la bande de Gaza.
Le franco-israélien pirate alors des sites pro-palestiniens ou encore celui du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), en hackant leurs serveurs.
D'autres suivront. Depuis Ashdod en Israël où il vit, Ulcan vante ses exploits sur sa plateforme nommée « Violvocal », fédérant de nombreux admirateurs.
Il n'hésite pas à y revendiquer ses actions, en diffusant les enregistrements de ses canulars ou de ses coups de fil d'insultes, notamment à des journalistes.
Le «swatting», une technique aux conséquences parfois dramatiques
Sa spécialité ? Le « swatting », une méthode redoutable consistant à organiser une descente de forces de police au domicile de quelqu'un pour lui nuire. Au culot, Ulcan parvient à obtenir des informations personnelles sur ses cibles auprès des commissariats, en se faisant passer lui-même pour un policier.
Puis appelle les forces de l'ordre en usurpant identité et téléphone de l'intéressé, prétendant avoir commis un meurtre et être retranché, armé et prêt à en découdre.
Une technique extrême aux conséquences parfois gravissimes, utilisée notamment à l'encontre du site d'information Rue89, après la mise en ligne d'un portrait lui ayant déplu.
En août 2014, les parents de Benoît Le Corre, l'auteur de l'article, avaient ainsi été réveillés en pleine nuit par un assaut du GIGN. Cinq jours plus tard, le père du journaliste avait fait une crise cardiaque, dont il est décédé depuis. Des faits qui ont valu à Grégory Chelli un renvoi aux assises, annulé en décembre par la Cour de Cassation en raison d'un vice de forme sur le mandat d'arrêt émis par la France.
Installé en Israël, qui n'a pas d'accord d'extradition avec la France, Ulcan, 37 ans, qui encourt jusqu'à cinq ans de prison, ne sera ainsi pas présent au tribunal ce jeudi.
« Une forme d'impunité assez insupportable, qui lui a permis d'agir en roue libre », estime Pierre Haski, fondateur de Rue89 et lui-même victime de deux « swattings », en 2014 puis en 2015.
«J'étais censé avoir tué ma femme»
Il est minuit environ ce 1er août 2014, quand le téléphone de Pierre Haski sonne. Une fois, deux fois.
«Je ne connaissais pas le numéro mais à la troisième fois, j'ai décroché », raconte le fondateur de Rue89. « C'est un policier, qui me demande de sortir dans la rue ». D'abord sceptique, le journaliste s'exécute.
« Là, je découvre ma rue bloquée, avec des pompiers, une ambulance, des policiers en gilets pare-balles, avec des lampes, armés jusqu'aux dents et prêts à passer à l'assaut... J'ai eu un vertige de quelques secondes », raconte Pierre Haski, qui apprend qu'on a détourné son numéro de téléphone grâce à un logiciel pirate, et qu'il est censé avoir mortellement poignardé sa femme et être retranché chez lui.
« L'appel disait que j'étais armé et prêt à tirer si je voyais un policier entrer. Cela aurait pu très mal tourner », poursuit celui qui sera à nouveau victime en juin 2015. « Cette fois, j'étais censé avoir ouvert le gaz dans l'immeuble, en plus d'avoir tué ma femme... »
Une mésaventure particulièrement désagréable, sans commune mesure avec celle vécue par son journaliste, Benoît Le Corre.
«En ce qui me concerne, il n'y a rien d'irréparable ou d'impardonnable, tempère-t-il. Ce qui est arrivé à Benoît et sa famille est dramatique, cela nous a tous secoués.
A l'époque, on n'était pas encore préparés à l'idée que le cyber, ça peut être extrêmement violent », analyse l'actuel président de Reporters sans frontières. D'autant que, dénonce-t-il, Ulcan s'est largement vanté sur Internet de ses méfaits, « sans aucune réaction, pendant des mois, ni de la France ni d'Israël. Ça m'a sidéré.
A un moment, on a même eu la trouille qu'un de ses fans nous attende au coin de la rue pour nous casser la figure, ma femme ou moi ».
En juillet 2015, Grégory Chelli a toutefois passé deux jours en garde à vue, après la visite en Israël de Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères. Il se fait depuis plus discret.
Ulcan «nie une partie des faits»
A l'automne 2014, après la suspension du jumelage de Lille avec une ville israélienne, le hacker avait également ciblé sa maire Martine Aubry : appels malveillants, fausses commandes de pizzas, menaces de diffuser ses coordonnées personnelles et « swatting ».
«Heureusement, les policiers ont joint l'élu de permanence, puis Martine Aubry, qui leur a confirmé que non, son mari ne venait pas de la tuer à coups de couteaux... raconte son avocat Me Matthieu Henon. Elle a néanmoins été bouleversée et a eu très peur pour son vieux père, notamment en raison de ce qui était arrivé au journaliste de Rue89. »
«Il s'agit certes de canulars de très très mauvais goût, mais je n'ai pas l'impression de défendre un criminel de guerre », répond de son côté Me Gilles-William Goldnadel, l'avocat d'Ulcan, qui estime que le dossier est « vide ». Grégory Chelli « nie aujourd'hui une partie des faits ».
«Moi, j'appelle ça de l'agression téléphonique. Rien que ce nom, Violvocal, c'est d'une violence... » souffle Me Florence Dole, avocate d'un homme et de son épouse, résidant en Alsace, que Chelli avait pris — à tort — pour un internaute ayant diffusé des propos néonazis sur la Toile.
« En novembre 2014, ils se sont retrouvés avec des hélicos, trois brigades de gendarmerie, le procureur, le préfet, le maire devant chez eux... L'épouse a fait une crise de nerfs et lui avait dû être hospitalisé en psychiatrie », souligne l'avocate.
Source Le Parisien
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