Des médecins israéliens rapportent la survenue dans un hôpital pédiatrique d’une flambée épidémique de Covid-19 après qu’un enfant soit venu consulter, accompagné de sa mère. Et ce malgré le respect des mesures de protection habituelles : port du masque chirurgical et distanciation physique. Ces cas d’infection intra-hospitalière ont été rapportés le 27 janvier 2021 dans un article paru dans la revue en ligne Open Forum Infectious Diseases.........Détails........
C’est la première fois que l’on décrit dans la littérature médicale une flambée nosocomiale par le SARS-CoV-2 alors que le port du masque et la distanciation physique étaient respectés.
La description de ces cas plaide en faveur d’une transmission aéroportée du SARS-CoV-2, autrement dit d’une contamination par production d’aérosols infectieux.
Tout commence lorsqu’un petit garçon de trois ans est admis dans le service de pédiatrie générale du Schneider Children’s Medical Center de Petah Tiqva (Israël) pour être traité pour des crises d’épilepsie qui surviennent dans son sommeil. À cette occasion, un test RT-PCR pour le SARS-CoV-2 est réalisé. Le résultat revient négatif.
L’enfant quitte l’hôpital le jour-même. Quatre jours plus tard, sa mère présente des symptômes évocateurs de la Covid-19, elle est déclarée positive pour le coronavirus.
Les jours suivants, neuf patients se révèlent également infectés par le SARS-CoV-2. Parmi eux, six sont des professionnels de santé : quatre médecins, une infirmière, une diététicienne.
Tous étaient de service le matin dans le service lorsque l’enfant a été examiné, même si aucun n’a été en contact direct avec le jeune patient. Tous les soignants portaient un équipement de protection, notamment un masque chirurgical. Aucun sujet contact de ces membres du personnel ayant développé la Covid-19 n’a été contaminé. On ne compte donc aucune transmission secondaire dans le cercle familial de ces soignants.
Les trois autres personnes contaminées sont deux enfants et une maman qui se trouvaient dans la même pièce dans l’unité des soins pédiatriques. Il est à noter que la mère du garçon de trois ans a constamment porté un masque chirurgical. Six jours après sa sortie de l’hôpital, son enfant a, à son tour, été détecté positif pour le SARS-CoV-2.
Cinq et six jours plus tard, trois pédiatres ont développé la Covid-19. Deux étaient symptomatiques.
Un autre a été testé et a été trouvé positif pour le coronavirus après le dépistage de tous les membres du personnel de l’unité pédiatrique. L’enquête épidémiologique a révélé que le seul point commun entre eux est d’avoir croisé la mère et l’enfant de trois ans ce matin-là.
Deux médecins se tenaient à plus de deux mètres et n’ont pas eu de contact direct ni avec le bambin ni avec sa maman.
Le troisième pédiatre avait examiné l’enfant, mais n’avait pas été en contact avec sa muqueuse nasale et n’a pas réalisé de procédure générant des aérosols de la part du jeune patient.
Surtout, ces trois médecins portaient tous un masque en permanence. Leur rencontre avec la mère et son petit garçon a duré moins de dix minutes.
Un quatrième pédiatre et une infirmière ont également développé la Covid-19, respectivement six et sept jours plus tard.
Ils ont présenté de légers symptômes. Comme leurs collègues, ces deux soignants étaient restés peu de temps auprès de la mère et de son enfant, juste le temps de réaliser une prise de sang chez le bambin. La mère était restée dans la pièce lors du prélèvement sanguin.
Le pédiatre et l’infirmière portaient un équipement de protection et notamment un masque chirurgical.
L’enfant épileptique suivait par ailleurs un régime pauvre en glucides. Lors de son bref séjour à l’hôpital en ambulatoire, il a été vu par une diététicienne à deux reprises.
La consultation a duré à chaque fois environ quinze minutes. Cette professionnelle de santé, qui portait un masque, a maintenu une distanciation physique avec la mère de l’enfant. La diététicienne a manifesté des symptômes de la Covid-19 cinq jours plus tard, avec test PCR positif pour le SARS-CoV-2.
Des contaminations survenues dans une même unité au même moment
L’enquête épidémiologique a ensuite porté sur les quatre patients examinés en ambulatoire ce matin-là dans la même pièce où l’enfant de trois ans et sa mère avaient été reçus.
Il s’est avéré que trois d’entre eux (deux enfants et une maman) se sont par la suite révélés être positifs pour le SARS-CoV-2. Ces trois personnes n’avaient pourtant eu aucun contact direct avec le petit garçon et sa mère. Elles se tenaient à plus de deux mètres du petit garçon asymptomatique.
Par la suite, tout le personnel de l’unité pédiatrique, de même que tous les jeunes patients examinés ce matin-là et les adultes accompagnateurs, ont subi un test RT-PCR. Aucun autre cas de Covid-19 n’a été détecté.
Le fait que des membres du personnel de l’unité pédiatrique n’ayant pas été en contact avec la mère et son petit garçon, que d’autres patients et leurs parents accompagnateurs et que les sujets contacts des soignants contaminés aient eu un test PCR négatif indique fortement que la flambée épidémique a eu pour origine un super-contaminateur, c’est-à-dire une personne ayant une charge virale très élevée et qui a transmis le virus à de nombreux individus.
Il s’avère donc que les neuf cas de contamination par le SARS-CoV-2 survenus dans une unité pédiatrique sont sans doute liés à un événement super-contaminateur.
Transmission du SARS-CoV-2 par des aérosols
« Nous estimons que le fait que ces personnes ont été infectées alors qu’elles portaient des masques chirurgicaux et que la plupart d’entre elles se trouvaient à une distance de 1,80 mètre ou plus, sans contact direct avec le patient Covid-19, ne peut s’expliquer uniquement par la transmission du virus par des gouttelettes ou par contact.
Elle peut impliquer une transmission par voie aérienne du SARS-CoV-2 et renforcer l’hypothèse d’une infection par des aérosols lors d’événements de super-contamination », déclarent les auteurs.
Autre possibilité : une contamination par des surfaces ou des objets contaminés, ce que les hygiénistes appellent des fomites. « La contamination par fomites ne peut cependant pas expliquer l’infection des deux pédiatres et de la diététicienne qui n’ont pas eu de contact physique avec du matériel ou partagé le même équipement », font remarquer les auteurs.
Ceux-ci sont bien placés pour le savoir dans la mesure où certains d’entre eux ont été contaminés alors qu’ils respectaient bien les gestes barrières.
L’enfant de trois ans ne présentait pas de symptômes.
« Il n’a pas toussé, pas éternué, ni crié, ni même parlé », soulignent Lotem Goldberg et ses collègues.
« La source probable de cette flambée épidémique nosocomiale est la mère. L’enfant semble moins susceptible d’être la source en raison de son âge, du test Covid-19 négatif lors de son admission, du délai avant d’avoir eu un test RT-PCR positif et de l’évolution asymptomatique de l’infection », déclarent les pédiatres israéliens.
Ceux-ci estiment que la mère a provoqué la formation d’aérosols en parlant et que c’est elle qui serait donc à l’origine de cet événement de super-contamination, à l’instar de ce qui a été décrit dans d’autres cas de propagation de grande ampleur du virus, notamment dans un centre d’appel en Corée, une chorale aux États-Unis, un restaurant climatisé en Chine.
Par Marc Gozlan
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