dimanche 20 décembre 2020

Un chanteur tunisien menacé pour ses liens avec des Israéliens (Vidéo)


Alors que plusieurs Etats arabes ont normalisé ces derniers mois leurs relations avec Israël, en Tunisie, Noamane Chaari, lui, est la cible de menaces pour avoir enregistré un titre avec un chanteur israélien.......Détails & Vidéo........

L’histoire aurait pu être anecdotique si elle n’avait déclenché des menaces de mort : un chanteur tunisien met en ligne dimanche dernier 13 décembre, sur une plateforme bien connue, la vidéo d’un titre qu’il vient d’enregistrer en duo. La chanson, en arabe, parle de rêves de paix sur un air oriental. Dans le clip, des images d’oliviers, de bords de mer, de Tunis, de Jérusalem…
Mais voilà, Noamane Chaari a enregistré cette chanson avec le chanteur israélien Ziv Yehezkel, juif originaire d’Irak. 
Pis, ce titre est un appel à construire des ponts entre juifs et arabes. Alors que plusieurs Etats arabes, dont dernièrement le Maroc, viennent de normaliser leurs relations avec Israël, que Dubaï accueille ses premiers touristes israéliens, ce clip aurait pu passer comme le signe d’un nouveau rapprochement, culturel celui-là.
Pas en Tunisie. 
Depuis une semaine, Noamane Chaari subit au contraire une véritable levée de boucliers contre son titre, mais également contre sa personne. 
Invité d’une émission sur les ondes de la radio à succès Mosaïque FM, le jeune homme a été jeté à la vindicte populaire. 
Soulignant que l’auteur des paroles, un poète yéménite, a dû conserver l’anonymat pour ne pas risquer la décapitation dans son pays, l’animateur de l’émission Hedi Zaiem a lancé : 
« Qu’en sera-t-il de l’homme qui l’a chantée ? »
Menacé de mort, renvoyé par son employeur, la chaîne de télévision publique 1, Noamane Chaari dénonce l’acharnement dont il fait l’objet. Au téléphone, il nous explique :
« Ces derniers jours, j’ai été accusé d’espionnage, de trahison. Certains médias ont cherché délibérément à monter le public tunisien contre moi, y compris en appelant à la violence à mon encontre. »
Le chanteur est membre fondateur du Conseil arabe pour l’intégration régionale, qui œuvre au rapprochement entre Arabes et Juifs, y compris Israéliens.
Crime impardonnable en Tunisie. 
Le pays a gardé des liens très forts avec les Palestiniens depuis les années 1980 et l’installation à Tunis du siège de l’OLP en exil. Le président conservateur Kaïs Saïed, particulièrement militant sur ce sujet, ne parle que d’« entité sioniste ». L’Assemblée des représentants du peuple a officiellement condamné les récentes normalisations. 
Et la centrale syndicale UGTT a remis sur la table l’idée d’une loi criminalisant l’établissement de relations avec l’Etat hébreu. Sa branche dédiée aux professions musicales a d’ailleurs réuni en urgence son bureau exécutif pour évoquer le cas de Noamane.
Lui, refuse de considérer sa démarche comme un acte politique.
« Je suis simplement un artiste. Et en tant qu’artiste je ne reconnais ni frontières, ni distinctions entre religions, races ou nationalités. Ce sont mes principes artistiques. Et je vais continuer de les affirmer. »
Le chanteur préfère rappeler les siècles de coexistence pacifique entre juifs et musulmans en Tunisie « loin de cette période de racisme et de division. Encore récemment nous avons eu un ministre du Tourisme juif, René Trabelsi, et c’est une très bonne chose ».
Tandis que les attaques contre lui se multiplient sur les réseaux sociaux, le chanteur tunisien préfère évoquer ses soutiens :
« Plusieurs artistes ont posté publiquement des messages pour me défendre. Il y a des signes d’une évolution positive. 
Des personnes ont été choquées par les propos chauvins et violents prononcés contre moi à la radio et à la télévision. Ces émissions m’ont donné une plus grande audience, ont permis au public d’entendre ce que je chante, de connaître mon engagement pour la paix. »
Pour l’heure, le Syndicat tunisien des professions musicales vient de décider de retirer à Noamane Chaari sa carte professionnelle, gelant son activité pour trois ans. Dans son communiqué il menace des mêmes sanctions tout artiste qui oserait affirmer les mêmes positions.



Source L'Obs
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