lundi 28 décembre 2020

Trafic de tabac : qui est cet israélien qui fait trembler Philip Morris ?


Le 2 novembre, Raoul Setrouk, dirigeant d'un cabinet d'études, a porté plainte contre Philip Morris International (PMI). Le député écologiste François-Michel Lambert se dit prêt à saisir à son tour la justice française. L'homme d'affaire israélien résident en Suisse accuse Philip Morris International (PMI) de participer au trafic illégal de tabac........Détails.......

L'affaire pourrait ébranler un géant du tabac. Depuis plusieurs années, des chercheurs, des associations de prévention et une poignée de députés accusent cette industrie d'organiser elle-même une partie du commerce parallèle et de favoriser, en cassant ainsi les prix, une addiction mortifère.
Selon eux, une bonne partie des cigarettes low cost vendues à la sauvette à Paris ou à Marseille proviennent d'usines des grands groupes situées en Europe de l'Est ou au Maghreb ; elles seraient importées illégalement, donc hors taxes, par des intermédiaires en lien avec ces entreprises. Pour la première fois, un homme du sérail donne publiquement du crédit à ces soupçons.
Comme l'a révélé le site d'investigation suisse Gotham City, Raoul Setrouk, qui dirige la société d'études genevoise MSIntelligence (MSI), a porté plainte à New York le 2 novembre contre Philip Morris International (PMI). 
Le document judiciaire, que le JDD a consulté, recense les griefs de ce résident suisse de nationalité israélienne âgé de 50 ans. 
Il reproche notamment à la multinationale américaine un vol de propriété intellectuelle suivi d'une concurrence déloyale. Au fil de l'exposé du contentieux commercial, c'est un système de contrebande mondiale qui semble se dévoiler. Et tout un pan de ce tableau concerne la France.

PMI a intentionnellement et activement inondé le marché algérien de cigarettes bon marché, sachant qu'un flux régulier de ces cigarettes serait revendu en France

Sur la foi de données confidentielles dont il aurait eu connaissance au cours des études menées pour Philip Morris, Setrouk assure, par exemple, que la multinationale approvisionne elle-même le marché noir français depuis l'Algérie. Ces cigarettes "introduites clandestinement à travers la Méditerranée" représenteraient 4,5% du marché, provoquant une perte fiscale estimée à plus de 400 millions d'euros par an. 
Au total, la majeure partie des cigarettes non taxées du marché hexagonal serait composé de produits PMI. 
"PMI a intentionnellement et activement inondé le marché algérien de cigarettes bon marché, sachant qu'un flux régulier de ces cigarettes serait revendu en France", avance la plainte.
En outre, Raoul Setrouk, qui réclame 40 millions d'euros de dommages-intérêts à la multinationale, s'accuse d'avoir fraudé, dans les années 1990, pour le compte de son ancien partenaire commercial dont le siège est situé à New York, l'embargo commercial américain alors en vigueur en vendant des cigarettes en Libye.
Interrogé par téléphone en Israël, le consultant, qui aurait entretenu des liens étroits avec plusieurs cadres dirigeants du groupe (dont un vice-président), refuse le miroir qu'on lui tend : "Je ne suis pas un repenti de l'industrie du tabac. J'ai élaboré un outil de surveillance du marché et de la contrefaçon qui a été détourné de son objet." 
Il se dit victime d'une douloureuse "trahison professionnelle et humaine" après une relation d'affaires de vingt-cinq ans  : "Pour étayer la plainte, je n'ai pas eu le choix, il m'a fallu détailler l'historique de ma relation avec PMI.
" Au passage, celui qui a débuté comme distributeur de tabac à l'âge de 24 ans, révèle les coulisses du secteur. Ou comment PMI essaieraient de faire échec aux politiques publiques de lutte antitabac et de hausse des prix des cigarettes. 

Des poursuites lancées "indûment", selon Philip Morris 

Sollicité par le JDD, le groupe PMI reconnaît l'existence d'un litige, mais en donne une autre version. 
C'est sa filiale suisse qui aurait la première saisi la justice en portant l'affaire devant le tribunal civil de Lausanne, en avril 2020, à la suite de dysfonctionnements chez MSI et d'une condamnation pénale de Setrouk en France. 
Le consultant conteste : "Pour discréditer le message, on salit son émetteur. J'ai fait appel de cette condamnation et je précise que les accusations les plus importantes, qui n'ont rien à voir avec ma collaboration avec PMI, n'ont pas été retenues contre moi en première instance."
Concernant la plainte déposée à New York, Philip Morris indique que les poursuites ont été lancées "indûment" et qu'elles reposent sur des "allégations infondées", démentant toute "participation à un commerce parallèle illégal" : "Le seul but de ces accusations est de tenter de discréditer PMI en forçant notre entreprise à un règlement monétaire indu au profit de M. Setrouk."
Le groupe américain ajoute qu'il est engagé "depuis de nombreuses années dans la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac", "un fléau pour la société et l'économie" qui occasionne pour elle des "dommages ­commerciaux et moraux". 
S'agissant des produits venus d'Algérie, PMI précise organiser régulièrement des campagnes auprès des passagers des ferries vers la France pour les informer "des quantités maximales pouvant être importées pour la consommation personnelle".

François-Michel Lambert dénonce "une vraie inertie de l'Etat"

L'action conduite par Raoul Setrouk a suscité l'intérêt de l'association de prévention Alliance contre le tabac et celui du député écologiste (LEF) François-Michel ­Lambert. 
Cet élu des Bouches-du-Rhône engagé dans la lutte contre la contrebande a alerté le gouvernement, dès le 24 novembre, par une question écrite. "Les éléments semblent très solides, même si aucun élément matériel n'a pour l'instant filtré, déclare-t-il. Si des preuves venaient les étayer, ça confirmerait l'existence d'un trafic sciemment organisé."
Dans quelques jours, si la justice américaine décide de poursuivre PMI (qui a jusqu'au 4 janvier pour déposer ses contre-arguments), le parlementaire déposera de son côté une plainte en France, en vertu de l'article 40 du Code de procédure pénale, qui oblige toute autorité à dénoncer un délit porté à sa connaissance. 
"Il y a une vraie inertie de l'Etat, un manque de volonté politique, depuis des années, tonne Lambert. Les dégâts pour la santé sont considérables, tout comme les pertes fiscales, qui pourraient monter jusqu'à 5 milliards d'euros chaque année. 
C'est une manne considérable pour les comptes ­publics : c'est chaque année le montant total du plan de relance pour les hôpitaux!"
Serein malgré la riposte de Philip Morris, Raoul Setrouk annonce la mise en ligne prochaine d'un site d'analyse consacré au monde du tabac. 
Il a écrit à plusieurs parlementaires français, notamment au président (LR) de la commission des finances de l'Assemblée, Eric Woerth, qui lance une mission d'information sur les ventes de cigarettes. 
"Je pourrais expliquer comment fonctionne vraiment le marché du tabac et même à offrir les services de ma société au ministère des ­Finances pour l'aider à se prémunir contre ce trafic, prévient Setrouk. L'Etat aurait beaucoup à gagner à travailler avec nous." 
Pour l'instant, aucun des députés sollicités par lui n'a accusé réception de ses ­courriers. Sans doute attendent-ils que la justice américaine se soit ­prononcée sur la plainte.

Source Le journal du Dimanche
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