Une étude menée par le chimiste Yuval Goren de l’université Ben-Gourion du Néguev, en Israël, a permis d’authentifier une “bulle” remontant à Jéroboam II, souverain du royaume d’Israël au VIIIe siècle avant notre ère. L’historien et bibliste Michael Langlois, nouveau directeur de Réforme, souligne l’intérêt de cette trouvaille archéologique.......Détails.......
Qu’est-ce qu’une “bulle” en archéologie ?
Ce que l’on appelle “bulle” est un sceau, un petit morceau d’argile qui permet de sceller un document officiel. Parvenir à dater une bulle est donc intéressant car cela montre que des documents circulaient à l’époque.
C’est d’autant plus notable, dans le cas qui nous intéresse, que nous ne possédons plus aujourd’hui de papyrus datant de l’époque des royaumes d’Israël et de Juda, entre le Xe et le VIe siècle avant notre ère.
Certains biblistes interprétaient cette absence comme preuve que personne en Israël ne maîtrisait réellement l’écriture, et que la Bible, par conséquent, avait été rédigée bien plus tard que l’on pensait.
Comment expliquer cette absence de papyrus ?
Le papyrus est une plante, et comme tout support organique, il se désagrège avec le temps. En Égypte, les papyrus ont été mieux conservés car ils ont bénéficié du climat sec du désert.
Dans les montagnes de Judée et de Samarie, en revanche, il fait plus froid, pleut, il neige, donc les papyrus, mécaniquement, se désagrègent plus facilement avec les années.
De ces documents, il ne reste alors plus que ces petites bulles d’argile, matière minérale – au revers de ces bulles, on voit encore les fibres de papyrus sur lesquelles l’argile a séché.
Chacun de ces sceaux est donc l’indication qu’il y avait alors des centaines, des milliers de papyrus qui circulaient à l’époque.
L’histoire de cette bulle a quelque chose de rocambolesque…
En effet ! Elle n’a pas été découverte lors de fouilles archéologiques menées en bonne et due forme, mais a été achetée à un Bédouin sur le marché des antiquités dans les années 1980.
Son acheteur, qui l’avait acquise pour une poignée de pain, ne pensait pas qu’elle était authentique.
Il faut dire que les faussaires sont nombreux et habiles, et que le marché des antiquités est pour le moins florissant dans la région… Voilà pourquoi cet objet a subi toute une batterie de tests chimiques et minéralogiques, qui ont permis de confirmer son authenticité.
Que nous apprend cette bulle en particulier ?
Son inscription, quoique endommagée, pourrait être la même que celle d’un autre sceau ayant appartenu à un certain Shema, ministre du roi Jéroboam II, qui a régné au VIIIe siècle avant notre ère.
Cet autre sceau avait été découvert au début du XXe siècle par une expédition archéologique à Megiddo.
Ce qui est intéressant, c’est que Jéroboam II a régné non sur le royaume de Juda, mais sur celui d’Israël. Cette précision historique a son importance…
Pour quelles raisons ?
Dans la Bible, David et Salomon sont présentés comme les fondateurs d’un grand royaume.
Mais le texte biblique nous indique qu’à la mort de Salomon, alors que son fils devait lui succéder, l’un de ses ministres a fait un coup d’État pour s’emparer du pouvoir.
Il en a résulté un schisme avec la création de deux royaumes : au Nord, celui d’Israël, au Sud, celui de Juda. Ces deux royaumes, à la fois frères et rivaux, vont parfois se faire la guerre.
Nous connaissons bien mieux le royaume de Juda, car c’est celui des descendants de David et Salomon, il a pour capitale Jérusalem.
Du royaume d’Israël, dont la capitale était Samarie, on sait moins de choses, déjà parce qu’il n’a duré que deux siècles, contre quatre pour celui de Juda, mais aussi parce que la Bible elle-même n’est pas neutre sur la question.
Comment cela ?
Il s’agit notamment du livre des Rois. Les rédacteurs de ce dernier sont issus du royaume de Juda et portent donc un regard négatif sur le royaume d’Israël.
Ils ne cessent dès lors de condamner les rois en place au Nord, en arguant qu’ils sont impies et n’obéissent pas à Dieu, lequel avait promis à David une dynastie éternelle sur le trône de Jérusalem.
Jéroboam II est d’ailleurs dépeint sous une lumière assez peu flatteuse.
Que dit le texte biblique à son sujet ?
En 2 Rois 14, verset 24, on lit que ce souverain “fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur”, avant que soient rappelés les méfaits de ses ancêtres.
Dans le même temps, les auteurs du texte glissent en passant que ce roi a tout de même régné 41 ans, ce qui est considérable pour l’époque, et qu’il a accompli un certain nombre d’“exploits” et mené des guerres victorieuses, en s’emparant notamment de Damas.
Mais les rédacteurs ne s’étendent guère là-dessus, renvoyant le lecteur aux Annales des rois d’Israël, un texte aujourd’hui disparu. Tout ceci n’est bien sûr pas innocent : c’est l’indication que nous avons affaire là à un texte théologique.
Qu’est-ce à dire ?
Jéroboam II a régné plus de quarante ans et a remporté un certain nombre de succès militaires.
On pourrait donc s’attendre à ce qu’on célèbre son règne, mais c’est tout l’inverse. Pourquoi ?
Parce que le livre des Rois, cette grande fresque qui retrace un demi-millénaire d’histoire, n’est pas un livre neutre. Ses auteurs ont un message à nous faire passer : Dieu a choisi David et sa dynastie, et Dieu rejette le royaume du Nord, qui a voulu faire sécession.
Si la dimension théologique du livre des Rois est manifeste, n’est-il pas avant tout un livre historique ?
La Bible contient de nombreux genres littéraires. Il y a beaucoup de textes narratifs, qui n’ont aucune prétention à l’historicité.
C’est le cas, par exemple, de la fable de Yotam, en Juges 9, dans laquelle des arbres marchent, parlent, et sont à la recherche d’un roi.
Le livre des Rois, lui, a vraiment une prétention à l’historicité : ses auteurs écrivent des chroniques royales, comme c’était le cas ailleurs dans la région, en Babylonie ou en Égypte ; ils retracent l’histoire des origines d’Israël, de l’établissement de la royauté avec David jusqu’à la destruction de Juda par les Babyloniens.
Ce livre est riche en détails : on donne les années de règne des souverains et quand on mentionne un pharaon, on donne son nom, à l’inverse du livre de l’Exode, par exemple, où l’on parle du pharaon.
De fait, les découvertes archéologiques tendent à corroborer le cadre historique et chronologique des événements rapportés par le livre des Rois ; c’est donc une source d’information valable pour l’historien.
Source Reforme
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