dimanche 15 septembre 2019

"Suite française", adaptation réussie au théâtre


Certains oubliés se vengent de manière prodigieuse. Enfermé dans une petite valise pendant plus de soixante ans, un manuscrit inachevé d’Irène Némirovsky, déportée en tant que juive peu de temps après en avoir fini la rédaction, est finalement publié en 2004 sous le titre de Suite française. Il devient un best-seller et obtient le Prix Renaudot - ce qui ne va pas toujours de pair - de manière posthume. Une première !.......Détails........



Dix ans plus tard, cette fresque romanesque inachevée (deux tomes rédigés sur les cinq prévus) est adaptée au cinéma, lui conférant une aura populaire encore un peu plus importante. 
La voici au théâtre, mise en scène par Virginie Lemoine. Pari risqué donc, au moins d’un point de vue artistique.
Le premier volet (moins célèbre), Tempête en juin, se joue en début de soirée. Nous sommes en juin 1940. 
«La France est en flammes». À Paris, la population s’organise pour partir rejoindre des terres plus clémentes. Des familles, des couples, un curé avec un groupe d’enfants... Touché par la grâce, Franck Desmedt incarne tous les personnages avec rien, une valise, une chaise. 
Molière 2018 du comédien dans un second rôle pour Adieu Monsieur Haffmann, il fait revivre une période noire de notre Histoire à travers la «petite» histoire. Réaliste et éblouissant.
Une suite française est une suite sans en être une. On peut venir voir chaque spectacle séparément. L’action se déroule deux ans plus tard, dans le centre de la France. 
Chez les Angellier, l’ambiance est à couper au couteau. Madame (merveilleuse Béatrice Agenin) n’arrive pas à supporter la présence chez elle d’un officier de la Wehrmacht. 
Avaricieuse et bigote, elle traîne sa rigide silhouette dolente en filigrane derrière les papiers peints. 
C’est finement éclairé. On découvre son humanité à tâtons. Elle déteste sa bru, Lucile, dont le mari volage a été fait prisonnier, au moins autant que les nazis. Celle-ci tombe tout doucement amoureuse de l’ennemi.
Dans le rôle des épris, Florence Pernel et Samuel Glaumé n’ont rien à envier à Matthias Schoenaerts et Michelle Williams (qui incarnent les personnages sur grand écran). 
Ils sont grands, ils sont beaux. Ils ont de l’allure. Lui a du mérite. Jouer l’accent allemand pendant plus d’une heure n’est pas drôle. Ce pourrait être une mauvaise blague de repas de famille. 
Il le tient bien. Il est séduisant. Il joue du piano. Parle de Balzac et lui cite Corneille: «Dites-moi, Madame, que vous ne me haïssez point».
On en vient presque à oublier que la France est occupée. Au bourg, la résistance s’organise mollement. 
La femme du Maire (Guilaine Londez, formidable) prône la charité mais dénonce ses voisins. 
La grogne monte entre les bourgeois et leurs métayers. La guerre fait ressortir tous les mauvais côtés. Chez les Angellier, c’est à celui qui sera le moins aimable face aux envahisseurs. Et gare à ceux qui osent leur sourire. On épure avant l’heure.
Pour les amoureux, tout se dit à mi-mot. L’essentiel se devine. C’est Lost in translation sous l’Occupation. Le roman se prête bien au théâtre, se dit-on en sortant. 
Saluons plutôt le travail de Virginie Lemoine, qui fait tout tenir dans le salon bourgeois des Angellier. Sans mièvrerie, ni temps morts, ni fioritures. Sans beaucoup d’audace, non plus. 
On sent beaucoup de respect pour l’auteure et son histoire extraordinaire, elle qui mourut en 1942 à Auschwitz sans se douter de l’immense succès de sa Suite française.

Tempête en juin, du mardi au vendredi à 19h, le samedi à 15h et 19h. Suivi de «Suite française», du mardi au vendredi à 21h, le samedi à 16h45 et 21h, au Théâtre La Bruyère. 5, rue La Bruyère (IXe). Tél.: 01 48 74 76 99.

Source Le Figaro
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