Ayman Odeh, Israélien, arabe et communiste, a proposé au principal adversaire de Benjamin Nétanyahou (Likoud, droite dure), le président du parti Bleu et Blanc (centriste) Benny Gantz, de siéger dans un gouvernement de coalition modéré à la suite du scrutin.
Un (r)évolution qui mettrait fin à des décennies de marginalisation politique pour le peuple arabe. Et ferait tomber le Premier ministre actuel, en place depuis 10 ans.
Jeune génération
« L’offre d’Ayman Odeh de soutenir le principal opposant de Nétanyahou […] au poste de Premier ministre reflète le désir croissant de l’importante minorité arabe d’Israël de jouer un rôle plus actif dans la construction du pays », explique l’agence de presse AP.
Les Arabes israéliens, qui représentent environ 20 % des 9 millions d’habitants du pays, ayant été largement marginalisés, sur le plan politique, depuis la création de l’Etat hébreu en 1948.
« L’establishment juif, se méfiant d’inclure ceux qu’il percevait comme des adversaires, empêcha les partis dirigés par des Arabes d’entrer au gouvernement », rappelle AP.
Dans le même temps, les dirigeants arabes ont toujours refusé d’intégrer l’exécutif du pays, déclarant n’avoir « aucun intérêt à rejoindre un gouvernement par crainte de légitimer l’occupation militaire israélienne des zones palestiniennes, ou d’être perçus comme tolérants vis-à-vis des opérations militaires contre les Palestiniens », ajoute l’agence de presse.
L’Etat hébreu, sous Nétanyahou, n’a jamais renoncé à la construction de « villes » israéliennes en territoire palestinien, un argument dont il se sert d’ailleurs pour « draguer » les franges les plus extrêmes de la droite israélienne.
Mais avec une jeune génération beaucoup plus à l’aise avec la double identité israélo-arabe, la donne change, note AP.
« Les sondages montrent qu’une majorité écrasante de citoyens arabes souhaitent que leurs dirigeants se concentrent davantage sur la réduction de la criminalité, l’amélioration de l’éducation et la lutte contre la crise du logement, plutôt que sur la résolution du conflit israélo-palestinien ».
Non pour faire comme s’il n’existait pas, mais tout simplement parce que ce sont des sujets que l’on aborde, en règle général, quand on est aux manettes.
Troisième parti d’Israël
« Le message est que nous ne voulons pas seulement que vous soyez élus, nous voulons que vous exerciez une influence, a déclaré Thabet Abou Rass, codirecteur de l’Abraham Fund Initiatives, une organisation à but non lucratif chargée de la promotion de l’égalité en Israël.
Les Arabes n’ont pas cessé de soutenir les Palestiniens, mais ils savent que la paix prendra du temps.
Les autres questions sont plus urgentes », estime-t-il.
Comme, par exemple, celle de leur reconnaissance en tant que citoyens à part entière de l’Etat hébreu ; aujourd’hui, certains Israéliens considèrent les Arabes comme des « citoyens de seconde zone ».
Le droit de vote, tout de même, leur permet d’ « exister » et faire entendre leur voix.
Ou, au contraire, de s’abstenir de la donner. Aux législatives d’avril dernier, mécontents après l’adoption d’une loi très controversée définissant Israël comme l’Etat-nation du peuple juif, de nombreux membres de la minorité arabe du pays avaient boycotté les élections.
Résultat : un taux de participation à 49 %, contre 64 % lors du scrutin précédent, en 2015.
Si « le faible taux de participation, ainsi que les divisions entre les différents partis arabes, ont contribué à une mauvaise performance », rappelle AP – ces derniers n’ont remporté que 10 sièges sur 120, contre 13 il y a 4 ans -, l’issue pourrait être sensiblement différente le 17 septembre prochain.
Les 4 principales formations arabes étant désormais réunies sous la direction d’Ayman Odeh, les sondages prévoient que sa Liste unifiée devienne le troisième parti d’Israël en nombre de voix. Suffisant pour intégrer un gouvernement de coalition modéré avec Bleu et Blanc ?
Pas sûr : Benny Gantz pourrait vouloir se tourner en priorité vers d’autres partis juifs pour collaborer.
Potentiel du vote arabe
Ayman Odeh s’attend d’ailleurs plus à devenir la principale voix d’opposition de la prochaines législature qu’un membre de gouvernement.
Qu’importe, puisque cela lui offrirait une sacrée exposition médiatique, des consultations mensuelles avec le Premier ministre et le droit de réfuter ses discours au sein de la Knesset.
Une lueur d’espoir, toutefois, pour les Arabes : le leader de Bleu et Blanc, qui semble réaliser le potentiel du vote arabe, a commencé à faire campagne dans les communautés arabes.
Et a inclus Ayman Odeh dans les protestations de l’opposition. L’aube d’une petite révolution politique en Israël ?
Source Le Monde arabe
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