L’ascension de ce dernier n’a rien d’une surprise. Le jeune musicien, 30 ans à peine, fait déjà les beaux jours de ce bijou qu’est le Philharmonique de Rotterdam. Il est régulièrement invité, aussi, sur les plus grandes scènes, et le public du Victoria Hall a déjà pu mesurer à deux reprises l’étendue de ses talents à la tête de l’OSR.
Ancien contrebassiste au sein la formation basée à Tel-Aviv, pianiste brillant et chef dont on vante les qualités humaines, l’homme brille ces jours-ci à Verbier, où il alterne récitals et concerts avec des amis complices.
Ce soir, il reprend la baguette pour se placer à la tête du jeune orchestre du festival et aux côtés du pianiste russe Denis Matsuev.
On le rencontre attablé à un café de la station, détendu, affable, gros cigare à la bouche et propos d’une modestie étonnante.
En quoi votre manière de travailler ici, en particulier avec les jeunes musiciens de l’orchestre, est différente de ce que vous faites d’habitude?
À Rotterdam et en Israël, j’évolue avec ce qu’on peut appeler «mes orchestres». À Verbier, où je reviens pour la deuxième fois, il faut continuer à être curieux, à avoir envie de connaître les membres de l’orchestre, dont une partie se renouvelle à chaque édition du festival.
Cet élan vers l’autre me semble d’autant plus important que mon rôle de chef consiste précisément à pousser les musiciens à donner le meilleur d’eux-mêmes, à les inspirer et à créer les conditions permettant d’être à la hauteur des attentes.
Vous travaillez à Rotterdam et, dès la saison prochaine, vous prendrez la tête de l’Orchestre philharmonique d’Israël. Comment appréhendez-vous ces responsabilités?
De manière très naturelle, parce que je suis arrivé au sein de ces formations après une démarche presque organique, si on peut dire ainsi. Dans les deux cas, j’ai été choisi par les musiciens.
À Rotterdam, je ne connaissais personne et il s’est produit un coup de foudre immédiat. Dès la première répétition, j’ai su que j’avais envie de rester pour travailler plus longtemps avec ces musiciens. Avec le Philharmonique d’Israël, ce fut un tout autre genre d’histoire: ayant grandi à Tel-Aviv, j’ai suivi l’orchestre dès mon plus jeune âge.
Plus tard, j’ai intégré ses rangs en tant que contrebassiste, puis je l’ai fréquenté comme soliste au piano. Autant dire que, lorsque j’ai dirigé pour la première fois, je connaissais tout le monde, et tout le monde savait qui j’étais.
Peut-on décrire la réaction chimique qui s’est produite à Rotterdam?
Disons que lorsqu’on foule la scène pour la première fois et qu’on se retrouve face à un orchestre, on ne ressent pas nécessairement de bonnes sensations. Vous rejoignez 80 ou 100 musiciens et tout monde vous regarde; vous ne savez pas à quoi vous attendre.
Peut-être qu’ils ne vont pas être sympathiques avec vous, on peut imaginer toute sorte de scénario.
À Rotterdam, j’ai vu d’entrée des regards bienveillants et des sourires, et j’ai compris qu’on allait passer une belle semaine ensemble. Et c’est ce qui s’est produit. Aux premières notes, je me suis dit: «Oh, ça sonne tellement bien!»
Vous avez été l’assistant de Zubin Mehta, un mythe de la direction. Que vous a-t-il transmis de plus précieux?
J’ai grandi en regardant ses concerts avec le Philharmonique d’Israël. J’ai joué aussi sous sa baguette, et je peux vous dire que lorsque cela vous arrive, vous avez l’impression qu’il vous regarde en permanence, qu’il est avec vous durant tout le concert.
Tout le monde dans l’orchestre a ressenti cela sous ses ordres. Il a toujours fait en sorte de mettre l’orchestre à son aise. Je retiens cet enseignement, en sachant aussi qu’avec une telle formation instrumentale, il faut garder l’équilibre, savoir à la fois contrôler et laisser des plages de liberté.
Comment êtes-vous arrivé à la direction?
Vers l’âge de 14 ans, par pure curiosité, j’ai commencé à étudier des partitions d’orchestre.
C’était «Le Sacre du printemps», je m’en souviens parfaitement. Plus tard, je suis passé aux symphonies de Beethoven, et très doucement, j’ai construit et développé mes propres idées.
Cependant, je n’ai jamais rêvé d’être chef, à l’époque, j’aspirais plutôt à devenir un bon pianiste.
Pensez-vous qu’un jour, vous serez amené à choisir entre la carrière de chef et celle de pianiste?
En fait, depuis que j’ai gagné la Mahler Competition en 2013, j’ai eu un nombre toujours croissant d’invitations pour diriger des orchestres.
Cela s’est développé de manière naturelle et, durant plusieurs années, j’ai un peu laissé de côté le piano.
Aujourd’hui, ma carrière de soliste resurgit à nouveau, avec des récitals et des concerts à venir, avec Daniel Barenboïm et Valery Gergiev par exemple. La cohabitation des deux activités demeure compliquée.
Est-ce que cette surcharge vous pousse à faire comme Gergiev, qui dort par tranches?
Ah non, je dors très bien et j’adore dormir. C’est une de mes activités préférées.
Lahav Shani en concert (dir.) avec le Verbier Festival Orchestra et Denis Matsuev (piano), salle des Combins, mercredi 31 juillet à 19 h.
Source La Tribune de Geneve
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