Il existe des œuvres parfaites. Des créations qui, par leur puissance, leur urgence, transcendent mille petits défauts de détail. On peut pointer çà et là des fautes de goût, des maladresses, mais ce sont les poux dans la tête du lion: l’œuvre s’épure elle-même de ses scories et s’impose avec une évidence aveuglante. Telle est bien Tosca de Giacomo Puccini.......Détails.........
Il en fallait pourtant du métier (et du génie!) pour transformer en chef-d’œuvre cette pièce pataude de Victorien Sardou.
Toutes les ficelles du mélodrame dix-neuviémiste étaient pourtant réunies, et la pièce avait fait les beaux soirs des admirateurs de Sarah Bernhardt.
Mais, tout comme Verdi transforma en or le plomb de Dumas fils (La Dame aux camélias devenue Traviata), Puccini opéra la même transmutation alchimique avec cette pièce si datée.
Aucune cantatrice digne de ce nom (si tant est qu’elle en a la voix) ne saurait faire l’économie d’une Tosca.
Plane toujours l’ombre tutélaire de Maria Callas, qui donna à cette amoureuse passionnée et fantasque la profondeur d’une tragédie antique. Mais on ne peut limiter Tosca à une chanteuse et on est toujours curieux de découvrir comment une artiste va s’approprier ce rôle si dévorant.
La soprano allemande Anja Harteros connaît sa Tosca jusqu’au bout des notes, et les Parisiens ont pu l’apprécier voici trois ans, sur la scène de la Bastille, face à Marcelo Alvarez et l’extraordinaire Bryn Terfel.
On est donc heureux de la retrouver, léonine et bouillante, pour cette reprise de l’efficace mais bien grise production de Pierre Audi (où les entractes sont presque aussi longs que l’œuvre elle-même…).
Chaises musicales
Face à elle, pour un duo de choc, le ténor Jonas Kaufmann saura conférer toute sa délicatesse au personnage souvent trop viril (et parfois gueulard…) de Mario Cavaradossi.
Enfin, le Scarpia du baryton serbe Zeljko Lucic aura quant à lui la lourde charge d’exister face à un duo aussi prestigieux.
Mais cette reprise est aussi un festival de chaises musicales, où l’on peut recomposer la distribution au gré des représentations: à Harteros succédera Martina Serafin et, pour deux représentations qui vont être très courues, la merveilleuse Sonya Yoncheva.
De même, Kaufmann sera remplacé à mi-parcours par Marcelo Puente, et Lucic par Luca Salsi.
Il s’agit donc de bien vérifier quelle combinaison de chanteur vous voulez entendre, car c’est un vrai jeu de domino. On oserait presque vous recommander d’y aller deux fois: mettons les 22 mai et 1er juin, pour entendre deux Tosca très différentes (et complémentaires)?
Du côté de la fosse, en revanche, pas d’alternance intempestive. C’est le chef israélien Dan Ettinger qui aura la mission d’enflammer cette admirable mécanique théâtrale et de pousser le drame jusqu’au bout de sa terrible logique.
Tosca, Opéra Bastille, Place de la Bastille (XIIe). Tél.: 08 92 89 90 90. Dates: du 16 mai au 23 juin à 19 h 30. Places: de 15 à 231 €.
Source Le Figaro
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