Des manifestations "en solidarité avec la mosquée Al-Aqsa et Jérusalem" ont eu lieu mardi soir à Jaffa, un quartier du sud de Tel Aviv. Mais ce-dernier, qui est considéré comme un symbole de la coexistence entre Arabes et Juifs, a été le théâtre d'affrontements entre les manifestants et la police. Plusieurs officiers ont été blessés, et des émeutiers ont été arrêtés. Autant d'évènements qui ne sont pas courants dans ce coin de Tel Aviv...
Sami Abu Shehadeh, un ancien conseiller municipal, explique à i24news que les médias ont amplifié les événements survenus à Jaffa, "car ils n'étaient pas sur le terrain au moment des faits".
"La manifestation a attiré l'attention en raison de sa situation géographique, au centre de l'Etat d'Israël, là où, si on ferme une rue principale, cela devient alors un événement", précise-t-il.
Et Abu Shehadeh d'ajouter : "Bien sûr qu'il y a des adolescents à Jaffa sensibles à la politique du gouvernement Netanyahou concernant la mosquée al-Aqsa, et ses tentatives de changer le statu quo. Tout cela conduit à des tensions".
"Nous faisons partie du peuple palestinien, nous nous identifions à lui quand il est ciblé. Nous ne faisons même pas assez pour lui", indique-t-il.
Selon Abu Shehadeh considère que la coexistence qui prévaut ici est "une coexistence entre un maître et son esclave, et nous ne sommes pas intéressés par ce type de coexistence.
Ceux qui sont pour celle-ci pensent que la situation est bonne. Il règne un certain calme à Jaffa, mais cela ne signifie pas qu'il y a une égalité et de bonnes relations (entre Juifs et Arabes)", conclut-il. "
Pour le commentateur politique Ali Waked, lui-même résident à Jaffa, "les habitants de la ville font partie de la société arabe. Ils ont été provoqués par les récents événements à Jérusalem, et si vous regardez un peu plus loin et la situation sociale et économique de certains de ces garçons, nous pouvons comprendre la raison pour laquelle les choses ont été hors de contrôle. Une partie d'entre eux vit dans une grande détresse, et lorsqu'à cela s'ajoute la colère provoquée par ce qui se passe à Jérusalem, arrive ce qui est arrivé".
Selon lui, "les résidents de Jaffa suivent ce qui se passe à la mosquée Al-Aqsa et mènent des actions de solidarité, car ils font partie du tissu social palestinien".
Waked estime "si les tensions à Jérusalem et Al-Aqsa se poursuivent, il y a de fortes chances que ce type d'événement se reproduise".
D'autres habitants arabes de Jaffa vont plus loin, à l'image d'Omar Saksak, propriétaire d'une boutique d'électroménager pour qui, ce qui est arrivé à Jaffa cette semaine n'est qu'"une étincelle".
Selon Saksak, une colère autrement plus violente pourrait éclater si Israël ne reconnait pas qu'il y un peuple qui veut vivre dans la dignité et la liberté, et veut un avenir sécurisé pour lui et ses enfants dans ce pays ".
Nahida Saksak, écrivain et résident de Jaffa a une opinion différente: "En toute circonstance, je suis opposé à la violence, mais ce n'est pas contradictoire avec le droit d'exprimer une opinion et de protester.
Les Arabes en Israël sont une partie inséparable du peuple palestinien, mais il y a une amitié très étroite entre les Juifs et les Arabes vivant dans les villes mixtes. Je suis opposé à toutes les formes de violence qui pourraient conduire à une rupture dans la société israélienne, mais je ne peux pas nier l'injustice commise à l'endroit de la mosquée Al-Aqsa".
L'analyste politique juif Eran Zinger estime lui que les résidents de Jaffa sont "responsables de l'avenir du quartier, de la coexistence qui y règne et du désir de vivre ensemble".
"Ces manifestations violentes sont un test pour les habitants de Jaffa. Quelle serait leur réaction face au comportement des jeunes, quelle sera la réaction de la rue juive, s'ils vivent des événements semblables à ceux d'octobre 2000, lors du déclenchement de la deuxième Intifada", s'interroge-t-il.
"Les citoyens arabes de Jaffa ont subi de plein fouet une crise économique après les événements d'octobre 2000. Si leur situation s'est depuis considérablement améliorée, elle n'a pas encore égale à celle des Juifs", explique Zinger.
"Il y a une crainte chez les résidents arabes de voir leur situation se dégrader à nouveau. C'est pourquoi il faut être à l'écoute de la rue arabe, comme de la rue juive, et être attentif aux plaintes des restaurateurs et commerçants arabes. Ils sont plusieurs à se plaindre d'une forme de boycott économique, mais cela est vrai des deux côtés", ajoute Zinger.
Lisa Levy, propriétaire d'une boutique à Jaffa, s'inquiète de voir ces événements se reproduire. Mais selon elle, les échauffourées de cette semaine sont davantage liés au rapport conflictuel entre émeutiers et policiers, qu'à la situation politique qui prédomine actuellement.
"Il y a des sujets qui font du bruit, mais si on regarde bien ce qu'il s'est passé, on s'aperçoit que les manifestants étaient pour la plupart des jeunes, et que la plupart des révendications étaient avant tout sociales, et pas seulement politiques. Au gouvernement d'y être attentif".
Source I24News