mardi 3 février 2015

Serbie : le Palestinien Mohammed Dahlan obtient la nationalité serbe pour « services rendus »

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Le gouvernement serbe d’Aleksandar Vučić a octroyé la nationalité serbe au sulfureux homme d’affaire palestinien Mohammed Dahlan. Personnage douteux, qui serait lié aux services secrets israéliens, il a été l’un des artisans du rapprochement entre Belgrade, Podgorica et Abou Dabi. Officiellement, Mohammed Dahlan a été récompensé pour « services rendus » à l’État serbe...


Le site anglophone d’information BIRN a révélé vendredi dernier que le gouvernement d’Aleksandar Vučić avait octroyé la nationalité serbe au sulfureux politicien et homme d’affaires palestinien Mohammed Dahlan.

Selon la Gazette officielle de l’État, 12 personnes ont obtenu la nationalité serbe entre février 2013 et juin 2014 : Mohammed Dahlan, sa femme Jalila, leurs quatre enfants, un neveu et cinq proches. Tous ont été récompensés pour « services rendus » envers l’État serbe.
En avril 2013, Mohammed Dahlan avait reçu des mains du Président Nikolić la Médaille du drapeau serbe, la plus haute distinction nationale. Depuis février 2014, Mohammed Dahlan et sa famille loueraient une luxueuse villa sécurisée à Dedinje, dans les beaux quartiers de Belgrade, à deux pas de l’ambassade de Palestine, révèle également BIRN.
Q
ui est Mohammed Dahlan ?

Ancien « enfant chéri » de Yasser Arafat, qui a fait de lui le chef de la Sécurité à Gaza en 1994, Mohammed Dahlan est devenu un rival de l’actuel Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Contraint à l’exil en 2007, au moment de la lutte entre Fatah et Hamas, Mohammed Dahlan a trouvé refuge en Égypte, où il s’est rapproché du clan Moubarak, puis dans les pays du Golfe, notamment dans les Émirats arabes unis.
Exclu du Fatah en 2011, et devenu persona non grata dans les territoires palestiniens, il a été accusé par Mahmoud Abbas d’espionnage et de trafic d’armes au profit d’Israël. La rumeur circule qu’il aurait fait empoisonner Yasser Arafat. Une chose est sûre : ses responsabilités l’ont amené à fréquenter la CIA, les services de sécurité israéliens, russes, arabes et européens.
Selon les analystes du Proche-Orient, fort de ses appuis et d’une fortune qui se chiffrerait à des centaines de millions de dollars, il s’apprêterait depuis Belgrade à faire son come-back et à renverser Mahmoud Abbas.
Ce dernier fait tout pour l’en empêcher.
Condamné une première fois à deux ans de prison début 2014 pour insulte aux institutions de l’État et diffamation envers le président de l’Autorité palestinienne, Mohammed Dahlan doit aujourd’hui affronter un nouveau procès, cette fois pour corruption. « Un procès politique », dénonce-t-il. À la mi-janvier, des affrontements ont éclaté dans les rues de Gaza entre ses partisans et ceux de Mahmoud Abbas.
Selon BIRN, l’Autorité palestinienne serait sur le point d’envoyer une lettre de protestation au Premier ministre et au président serbes, leur demandant de reconsidérer l’octroi de la nationalité serbe à Mohammed Dahlan, sa famille et ses proche affiliés.

« L’homme aux clés d’or »

Peu connu du grand public dans les Balkans, Mohammed Dahlan est surtout considéré comme l’homme qui a ouvert la voie aux investissements du Golfe en Serbie et au Monténégro. Il a notamment facilité les relations des Premiers ministres serbe et monténégrin, Aleksandar Vučić et Milo Đukanović, avec la famille royale Al Nahyane, d’Abou Dabi.
L’intérêt de la famille Dahlan pour les Balkans remonte à 2006, quand Mohammed Dahlan, son frère Abdrabou et des neveux ont investi en Serbie et au Monténégro dans le domaine des services de conseil et de management, et dans le développement de projets immobiliers.
En 2010, indique BIRN, Mohammed Dahlan et son épouse ont obtenu la citoyenneté monténégrine à l’initiative de Milo Đukanović, qui a décrit au Parlement Mohammed Dahlan comme un « ami ».
Son « terrain de chasse » s’est ensuite déplacé vers la Serbie. En 2012, Aleksandar Vučić s’est rendu à Abou Dabi. Il y a rencontré le cheik Mohammed bin Zayed Al Nahyane, ministre de la Défense, dans un cadre privé, en compagnie de Mohammed Dahlan.
Depuis, les relations « amicales » entre la famille régnante Al Nahyane et le gouvernement serbe se sont concrétisées par la signature d’une série de contrats aussi spectaculaires que controversés : Etihad Airways, Al Dahra Agriculture, ou encore Beograd na vodi.
D’autres contrats ont été signés dans le secteur de l’armement, notamment entre l’entreprise serbe Yugoimport SDPR et la société Emirates Advanced Research and Technology Holding (EARTH).
Grâce à ses « protecteurs » serbe et monténégrin, Mohammed Dahlan peut désormais voyager tranquillement dans les pays de l’Union européenne, à l’exception du Royaume-Uni et de l’Irlande.
En janvier dernier, le magazine Time a révélé qu’il avait rencontré le ministre des Affaires étrangères d’Israël, Avigdor Lieberman, à Paris. A-t-il utilisé son passeport serbe ? Comme le note BIRN, le fait que l’on puisse se poser la question est en soi remarquable.
Source Balkans Courrier