Dans les années qui suivirent la fin de la Seconde guerre mondiale, des milliers de nazis prirent la fuite pour échapper aux poursuites. La plupart prirent la direction de l'Amérique du Sud, mais quelques dizaines d'entre-eux se rendirent au Proche-Orient pour y bâtir une armée capable de détruire le jeune État d'Israël, à la demande de la Ligue arabe, révèle la journaliste française Géraldine Schwarz sur le site du quotidien allemand Die Welt...
Elle a consacré une longue enquête à cet aspect méconnu du conflit israélo-arabe et a notamment réalisé à ce sujet le documentaire Exil nazi: La promesse de l'Orient, sorti en 2014, comme le rapportait alors le site du JDD.
Comme elle l'explique, les puissances de la Ligue arabe voulaient moderniser leurs armées suite à leur défaite face à Israël en 1948.
Les anciens nazis furent avant tout recrutés non pas pour des raisons idéologiques mais pratiques :
«Leurs dirigeants se sont donc dit: nous n'avons qu'à demander de l'aide à des experts, par exemple à l'étranger. Mais à qui? Il était hors de question de demander aux Britanniques et aux Français.
On les haïssait, ces vieilles puissances coloniales. Par ailleurs, les Britanniques contrôlaient encore des territoires importants de l'Égypte, en particulier le canal de Suez. Quel intérêt aurait-ils à former une armée arable, qui aurait pu rapidement sortir de leur coupe?»
Les nazis déchus, eux, n'avaient d'une part plus rien à perdre, et d'autre part ils étaient de bon stratèges, maîtrisaient les armes et les techniques militaires. De plus, ils étaient à la recherche d'un refuge, donc faciles à convaincre.
Ces derniers voyaient bien évidemment dans cette reconversion professionnelle l'opportunité de poursuivre leur objectif de destruction des juifs. Recruté par l'Égype, l'ancien général de la Wehrmacht Artur Schmitt analysait en ces termes la défaite des troupes égyptiennes dans un rapport destiné aux autorités:
«Une direction égyptienne incapable, qui n'était pas en mesure d'utiliser les avantages de la première semaine, de mettre les juifs au pas et de détruire l'État d'Israël lors d'une Blitzkrieg de deux semaines tout au plus.»
En parallèle, la Syrie recruta une cinquantaine d'anciens militaires nazis: anciens pilotes de la Luftwaffe, membres des S.S., soldats de la Wehrmacht, mais aussi des criminels de guerre, tels Gustav Wagner et Franz Stangl, anciens directeurs des camps d'extermination de Sobibor et Treblinka, mais aussi Alois Brunner, le bras droit de l'officier SS Adolf Eichmann.
Comme l'expliquait l'hebdomadaire Der Spiegel en 2014, celui-ci a notamment formé les services secrets aux méthodes de la Gestapo, notamment à celle de «la chaise allemande», un instrument de torture pendant les interrogatoires, et qui est aujourd'hui toujours utilisée en Syrie:
«Le détenu est placé sur un appareil ayant l'apparence d'une chaise, qui est composé de parties amovibles avec lesquelles le corps du prisonnier est distendu. Cette méthode conduit souvent à ce que la colonne vertébrale de la victime soit brisée.»
Les anciens nazis étaient recrutés grâce à une filière animée par l'ancien S.S. Walter Rauff depuis Rome, dans des locaux appartenant à l'Église catholique. Le Vatican était au courant, comme l'attestent plusieurs documents, mais a laissé faire.
De même que le gouvernement allemand de l'époque, dirigé par Konrad Adenauer, a eu connaissance de ces activités, mais a préféré rester discret, espérant que la présence de ces anciens militaires nazis au sein des armées égyptiennes et syriennes pourraient permettre de rapporter de gros contrats d'équipement à l'Allemagne, qui était alors en pleine reconstruction.
Source Slate.fr