Le moins que l’on puisse dire c’est que le président de l’AP - qui est devenu le 29 novembre le président de la « Palestine » - a réussi le projet qu’il préparait depuis de longs mois, ce que Yasser Arafat lui-même n’avait pas obtenu : faire accéder l’entité palestinienne au statut d’État au sein de l’ONU. Analyse des causes de ce tournant qui, pour l’instant, ne change pas grand-chose sur le terrain.
Même si les 193 pays membres de l’Assemblée générale de l’ONU (dont 138 ont voté pour, 9 contre et 41 se sont abstenus) n’ont nullement le pouvoir - contrairement à ceux du Conseil de sécurité - de « créer » eux-mêmes un État, mais simplement de l’admettre en son sein après qu’un tel État a été en principe proclamé par ses propres habitants et reconnu par une majorité de pays, le fait est que Mazen a réussi son coup.
Tenter de reprendre la tête du mouvement national palestinien
Du point de vue interne de l’Autorité palestinienne (AP), on comprend bien ce qui a motivé Mazen à agir ainsi après son premier échec de septembre 2011 à l’ONU : très amoindrie par la totale hégémonie, depuis 2006, du potentat du Hamas sur la Bande de Gaza et par la profonde division existant à la tête du mouvement national palestinien entre le Fatah de Ramallah et le Hamas de Gaza, l’autorité et le prestige politiques du président de l’AP allaient s’amoindrissant… Au point de faire ressembler Abou Mazen à un pantin politique ou à un « coq sans plumes » comme l’avait déjà qualifié Ariel Sharon en 2001. D’autant que justement en Judée-Samarie et jusqu’aux alentours de Ramallah, le Hamas, qui ne reconnaît ni l’autorité de Mazen et encore moins Israël (même dans ses frontières d’avant juin 1967), n’a cessé, ces derniers temps, de faire travailler clandestinement ses fameuses « cellules dormantes » pour, le moment venu, lui ravir par la force le pouvoir en Judée-Samarie…
Une marginalisation d’autant plus accentuée qu’après la confrontation armée de la mi-novembre entre Israël et le Hamas - où ce dernier s’est glorifié d’avoir pu tirer quelques missiles sur Tel-Aviv et Jérusalem sans se voir opposer aussitôt une entrée massive de Tsahal dans Gaza -, le Fatah et son chef Abou Mazen en sont ressortis encore plus affaiblis.
Bien qu’il constitue un tournant sur la scène mondiale et qu’il atteste d’un changement symbolique effectif dans la rue palestinienne - d’ailleurs bien plus en Judée-Samarie qu’à Gaza où les festivités ont été très modestes -, ce « coup diplomatique » du 29 novembre, s’il rehausse fortement le statut de Mazen au plan international et même au niveau interne palestinien, est loin d’avoir résolu tous ses problèmes… Et ce sera bel et bien le cas tant que le Hamas contrôlera la Bande de Gaza et qu’il existera donc sur le terrain deux Palestine(s) aux orientations idéologiques très différentes !
La démission d’une bonne partie des pays européens apeurés…
Or c’est en s’appuyant justement sur les « affres » de la dernière confrontation entre Israël et le Hamas que Mazen a pu enfoncer le clou de son projet onusien engagé depuis longtemps : en se présentant comme une « alternative modérée » au Hamastan de Gaza, il a réussi au finish à convaincre les gouvernements de nombreux pays européens (dont la France) désemparés, voire apeurés par l’acuité du face-à-face militaire entre Israël et Gaza ; et ce, compte tenu des risques toujours prégnants des retombées internes violentes dans les fameux et fort nombreux « quartiers » à dominante musulmane de ces mêmes pays…
Alors que les Accords d’Oslo proscrivent par définition toute démarche unilatérale de ceux qui les ont signés - l’Union européenne comprise ! - en privilégiant la voie négociée comme seul moyen de régler le statut final des territoires palestiniens et de parvenir à la fin du conflit, ce « succès » diplomatico-médiatique de Mazen, qui risque fort de s’avérer sur le terrain comme un coup d’épée dans l’eau, a cependant à ses yeux un objectif bien plus insidieux et dangereux pour l’État hébreu : éviter, en signant la fin du conflit, de négocier sur le fond avec Israël le tracé des frontières, les arrangements de sécurité, le statut de Jérusalem, etc. - et donc de devoir reconnaître le caractère juif de cet État ! Ce qu’aucun dirigeant palestinien d’aujourd’hui ne souhaite faire- ne serait-ce que pour rester fidèle aux lois de l’islam « en terre d’islam »… et surtout ne pas risquer sa propre vie.
Source Hamodia