L’Érythrée, avec pour capitale Asmara, a une position stratégique dans la Corne de l’Afrique parce qu’elle est limitrophe du Soudan, de l’Éthiopie, de Djibouti, de l’Arabie saoudite et du Yémen et qu’elle se situe face à l’Iran. Longtemps rattachée à l’Éthiopie avec qui elle a eu un passé d’affrontements dans une lutte trentenaire, l’Érythrée a obtenu son indépendance en 1993. Israël avait beaucoup contribué à l’avènement de ce nouveau pays en aidant les indépendantistes grâce à de l’armement et à un financement parce qu’il se sentait proche de la petite majorité de chrétiens orthodoxes coptes, qui y vivaient souvent en danger.
Issayas Afeworki
Israël entretient avec l’Éthiopie et l’Érythrée des relations diplomatiques étroites. En raison de sa position, l’Érythrée est devenue une zone d’influence pour Israël et pour l’Iran. Dictature la plus sanglante d'Afrique, ce pays de cinq millions d'habitants est devenu un immense camp de travail forcé, un bagne, car le quotidien de l'Érythrée est fait de rafles et de torture. A sa tête, un homme, Issayas Afeworki, contrôlant un système mafieux et considérant que le pays est sa propriété. Il a résisté et vaincu l'Éthiopie de Hailé Sélassié, appuyée par les États-Unis, et celle de Mengistu, soutenue et armée par les Soviétiques et les Cubains.
C’est pourquoi ce pays n’est pas exclusif dans ses amitiés car il privilégie uniquement ses intérêts économiques. Ses relations sont donc tout azimut. En échange d’armes et d’aide financière, ce pays pauvre est prêt à offrir des facilités à toute puissance intéressée à bâtir une base logistique pour exercer son influence dans la Corne de l’Afrique. Il dispose d’une force de nuisance capable de déstabiliser la Corne de l'Afrique puisqu’il fournit des armes et un entraînement aux shebabs islamistes de Somalie. Il accepte tous les concours sonnants et trébuchants sans lien avec ses convictions politiques. La Chine joue à la fourmi, le Qatar aligne les dollars, la Mafia italienne exploite des hôtels sur la mer Rouge sans oublier l’aide de l'Union européenne qui a fourni, en 2007, 122 millions d'euros pour cinq ans.
C’est dans ce contexte que la rivalité entre Israël et l’Iran s’exprime sur le terrain. L’Iran avait signé en 2008 un accord pour installer une présence militaire à Assab sous prétexte de protéger la raffinerie de pétrole construite par les russes, en échange d’une aide financière et militaire. Depuis décembre 2008, des unités de Pasdarans, les Gardiens de la Révolution, ont débarqué en Erythrée. Selon plusieurs sources occidentales, des navires mais aussi un sous-marin ont mouillé dans le port d’Assab.. Mais l'Érythrée était allée plus loin dans son engagement en soutenant ouvertement en 2009 le programme nucléaire iranien dès lors où les mollahs s'étaient montrés très généreux en donnant l’ordre à l'Export Development Bank of Iran de transférer 35 millions de dollars pour soutenir l'économie érythréenne.
Mais parallèlement, Asmara qui avait été aidée par l'Etat juif durant sa guerre d’indépendance, ne veut pas renoncer à son amitié avec Israël . Elle veut utiliser sa proximité à la fois des États-Unis et de l’Éthiopie pour tout soutien international. Par ailleurs le pays doit doter son armée d’un matériel moderne et en particulier de systèmes de défense aérienne pour se prémunir contre une attaque éthiopienne. En se fournissant auprès d’Israël, l'Érythrée affiche sa volonté d’équilibre en faisant oublier sa relation douteuse avec l’Iran qui cherche à écarter Israël de la Corne de l’Afrique.
Israël y trouve aussi son intérêt car il peut garder l’œil et l’oreille sur l’Iran. Des services de renseignements occidentaux révèlent que des petites équipes navales opèrent dans l’archipel des Dahlak et Massawa sur la Mer Rouge et qu'un poste d’écoute est basé à Amba Soira. Les équipes israéliennes, en faible nombre, ont un rôle essentiel de collecte d’informations sur les mouvements de navires, sur les manoeuvres au Soudan et sur les activités iraniennes en raison de la proximité avec les frontières. Discrètes, elles n’ont aucune mission d’interférer dans les affaires intérieures du pays ni dans le conflit entre l’Érythrée et l’Éthiopie car Israël tient à ses bonnes relations avec ces deux pays.
Contrairement à l’Iran, l’État juif n’a aucune volonté d’hégémonie ni de prosélytisme en Érythrée. Il tient plutôt à surveiller les activités du gouvernement islamique du Soudan qui apporte une aide concrète au Hamas et aux groupements terroristes d’Al-Qaeda au Sinaï. Par ailleurs, sa présence à proximité lui permet d’assurer la sécurité à laquelle il s’est engagé pour le Sud-Soudan et pour le Kenya soumis à des troubles générés par les islamistes.
Incendie a Yarmouk ( Soudan )
Mais ces centres de renseignements permettent aussi de contrôler les transferts d’armes entre l’Iran et le Soudan à destination du Sinaï et de la bande de Gaza. Il s’agit du centre névralgique de la contrebande qui inonde les marchés des rebellions arabes et islamiques. Israël n'hésite pas à prendre l’initiative d’agir quand sa sécurité est en jeu. D’ailleurs, les services occidentaux lui attribuent le bombardement d’une usine d’armement à Yarmouk au Soudan, le 23 octobre 2012.
Cette usine stockait et fabriquait des armes à destination des islamistes de tous bords. Des témoins avaient affirmé que des explosions, suivies d'un gigantesque incendie, s'étaient produites dans l'usine militaire de Yarmouk, au sud de Khartoum. Le ministre de l'Information, Ahmed Bilal Osman, avait alors affirmé que : «Quatre appareils militaires furtifs, venus depuis l'est de l'usine, ont attaqué l'usine de Yarmouk». En Israël, l'armée n'avait pas réagi à ces accusations tandis que le ministère des Affaires étrangères s'était refusé à tout commentaire. Il n’est pas dans l’habitude d’Israël de commenter les accusations étrangères.
La présence navale israélienne renforce l’armada américaine du Golfe Persique afin de s’opposer à «la stratégie de la République islamique d'Iran d'étendre sa présence navale dans les eaux internationales». Plusieurs navires militaires iraniens de la 22ème flotte avaient mouillé dans un port soudanais.
Source Temps et Contretemps