jeudi 19 novembre 2020

Après l'élection de Biden, Abbas tente un retour au «business as usual» avec Israël


Rassurée par la défaite de Trump, l'Autorité palestinienne a annoncé mardi soir la reprise de la «coordination» sécuritaire et administrative avec Israël. Une décision qui met fin à l'asphyxie financière mais enterre toute chance de réconciliation intra-palestinienne........Décryptage.........

C’est le début de l’ère post-Trump en Israël-Palestine. Mardi, Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien, s’est résolu à décrocher son téléphone et à appeler Joe Biden, allant jusqu’à –  enfin ! – utiliser le terme «président élu» pour le désigner. 
Presque simultanément, à Ramallah, Hussein al-Cheikh, le ministre des Affaires civiles palestinien, annonçait la reprise de la «coordination sur les questions financières, sanitaires et politiques» avec l’Etat hébreu. 
Depuis mi-mai, l’Autorité palestinienne (dite «Sulta» en arabe) avait coupé les ponts avec Israël, en protestation contre le projet d’annexion du gouvernement Nétanyahou en Judée Samarie.
Pendant plus de six mois, les arrangements sécuritaires ont été suspendus, bien qu’un canal de communication indirect avait été conservé pour prévenir des risques d’attentat majeur. 
En outre, durant toute cette période, la Sulta de Mahmoud Abbas a catégoriquement refusé d’accepter le transfert des taxes douanières perçues par Israël en son nom, se mettant virtuellement en faillite, ces revenus constituant plus de la moitié de son budget. 
Une posture doloriste, voire masochiste, sans aucun impact sur l’Etat hébreu mais qui a été payée au prix fort par la population palestinienne – qu’il s’agisse des patients en état grave privés de traitements dans les hôpitaux israéliens ou des fonctionnaires, véritables moteurs de l’économie locale, voyant leur salaire divisé de moitié en pleine pandémie, jusqu’aux policiers palestiniens au rayon d’action réduit à peau de chagrin. 
En revenant à la normale sur tous les fronts sans avoir rien obtenu d’Israël – qui n’a fait que «reporter» ses velléités annexionnistes en échange d’un accord de normalisation avec les Emirats arabes unis –, Abbas compense l’impopularité de la reprise des contacts par le soulagement économique d’une population asphyxiée, et l’assurance de voir s’installer à la Maison blanche une administration moins hostile. 
Car cette décision est surtout vue comme le premier signe concret d’une détente entre Ramallah et Washington, après trois ans de boycott en réponse à l’ultra-partisane politique de Donald Trump en faveur d’Israël. 
Se faisant, Abbas met aussi un terme à la théâtrale tentative de réconciliation intra-palestinienne avec les frères ennemis du Hamas, péniblement mise en scène ces derniers mois. 
Immédiatement après l’annonce, le mouvement islamiste, au pouvoir à Gaza, a dénoncé un «coup de poignard dans les efforts visant à construire l’unité nationale». 

«Pas de plan B»

Selon un analyste basé à Ramallah et proche des services de renseignement palestinien, la décision a été prise «par Abbas seul, avec une paire de ses plus proches conseillers» : 
«Les cadres du Fatah [en pourparlers au Caire avec le Hamas, ndlr] l’ont appris en regardant la télé ! Autant dire que les négociations avec le Hamas ont totalement explosé. Abbas était obnubilé par son duel avec Trump, obsédé à l’idée de lui survivre. 
Il n’avait pas de plan B, et il a eu de la chance que Biden gagne, sinon il nous aurait affamés quatre ans de plus… Il attend son invitation à la Maison blanche maintenant, peu importe ce qu’il en coûte sur la scène nationale.»
Pour Diana Buttu, ancienne conseillère du raïs, le timing de cette annonce, à la veille de l’arrivée du secrétaire d’Etat trumpiste Mike Pompeo en Israël pour une visite déjà controversée, est «autant le signe de la pression financière intense sous laquelle se trouvait l’Autorité, qui ne pouvait guère plus attendre au risque de voir tout le système s’effondrer, qu’une manière de dire à Biden : "Hello, les affaires reprennent, business as usual"».
En somme, s’agace cette ex-négociatrice devenue féroce critique du régime d’Abbas et du lymphatique processus de paix, un retour aux temps des négociations stériles et du ronron impuissant de l’avant-Trump. 
«La réconciliation des factions palestiniennes, les élections promises de longue date : on peut faire une croix dessus, poursuit Buttu. 
Désormais, l’excuse est toute trouvée : ce n’est plus le moment puisqu’il faut travailler avec Biden. 
C’est épuisant, à croire que la Sulta n’a d’autres ambitions que de nous voir rester sous le joug israélien pendant que les colonies se multiplient, plutôt que de chercher à construire un mouvement de libération.»  

Gage 

De son côté, la future administration Biden s’est déjà engagée à reprendre langue avec Ramallah et restaurer ses versements à la Sulta et à l’UNRWA, l’agence pour les réfugiés palestiniens. 
En revanche, l’ambassade américaine à Jérusalem ne bougera pas. 
Le New York Times suggère que la reprise de la coordination n’est qu’un premier gage de bonne volonté demandé par les démocrates américains aux Palestiniens en échange d’une reprise sérieuse de pourparlers sous l’égide de Washington.
Un second geste, bien plus coûteux politiquement pour Abbas, serait une réforme des allocations versées aux prisonniers palestiniens et aux familles des «martyrs». 
Des versements décriés par les Israéliens et un nombre grandissant de députés et sénateurs américains comme «des salaires de terroristes», là où la Sulta revendique un filet social indispensable pour les «victimes de l’occupation». Abbas ira-t-il jusqu’à franchir cette ligne rouge pour l’opinion palestinienne ? «Pourquoi pas ?, répond Buttu. 
La tactique d’Abbas, car ça n’a rien d’une stratégie, est de vouloir prouver aux Américains qu’il est le gentil, tout le temps, même quand il a face à lui un Premier ministre israélien qui franchit toutes les limites sans jamais en payer le prix.»

Source MSN
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