Premier stop, deux passagers. Deuxième stop, deux passagers, dont Ran Golden, 48 ans, et son père, qui avance avec une canne. "Ce bus est une bénédiction. Désormais je peux aller à la plage le samedi ou faire comme aujourd'hui, un tour avec mon père. Il y a des activités le samedi mais sans bus vous ne pouvez pas faire grand chose", dit-il.
En Israël, des voitures, des taxis, les minibus privés peuvent circuler lors du shabbat, jour de repos hebdomadaire dans le judaïsme qui s'étire sur près de 25 heures à partir du coucher du soleil le vendredi soir.
Mais pendant cette période, il n'y a aucun transport public dans les villes juives. Ou presque...
Cet été, Ramat Gan et son maire Carmel Shama-Hacohen ont lancé le "sababus", un car public, gratuit, qui circule pendant le shabbat de la banlieue aux plages de Tel-Aviv, avec ses clubs, ses terrasses, son surf, sa douce drague sur fond de vagues.
Contraction des mots "sababa" - "cool" en hébreu - et "bus" tout en rappelant le shabbat, le "sababus" touche une corde sensible en Israël, au coeur de la campagne pour les législatives du 17 septembre: la relation entre Etat et religion, ou plus exactement entre laïcs et orthodoxes.
- Laïcs "extrémistes" -
Les partis ultra-orthodoxes, des alliés clés dans les coalitions de droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont accusé Ramat Gan et son maire d'avoir franchi une "ligne rouge" avec ses "sababus".
"On est contre le transport public pendant le shabbat.
Quelqu'un qui a une voiture peut sortir et faire ce qu'il veut (...) mais nous voulons laisser une identité juive au pays, qui est le seul pays juif au monde", souligne Yossi Taïeb, candidat sur la liste du Shass, un parti ultra-orthodoxe qui avait obtenu 6% lors des dernières élections.
"Il y a une minorité extrémiste, laïque à outrance, qui nous casse les pieds", lance Henry Kahn, un rabbin ultra-orthodoxe, qui se dit cependant confiant dans le fait que les orthodoxes se mobiliseront pour faire barrage aux laïcs lors des élections.
Anaya connait la chanson. Assise au fond du "sababus" avec son copain Edan, la jeune femme vient d'une famille religieuse où elle évite ce genre de discussions.
"La plupart des membres de ma famille pensent que c'est une mauvaise idée, que nous sommes un Etat juif... mais la question est de savoir ce que signifie un Etat juif.
Je ne pense pas (qu'interdire les transports publics le samedi) est la voie à suivre car dans ce cas les seuls qui peuvent bouger le samedi sont ceux qui possèdent une voiture. C'est fou!".
- "Effet domino" -
Les bus de Ramat Gan à Tel-Aviv sont opérés par l'ONG Noa Tanua, qui milite pour le transport public le samedi et gère aussi un trajet entre Beer Sheva dans les terres et Ashkelon en bord de mer.
But de l'opération: permettre à tous de sortir le samedi tout en réduisant les émissions polluantes.
"A partir du moment où une ou deux villes prennent les devants, les autres se disent que la demande du public est là et cela favorise un effet domino", constate Noam Tel-Vered, cofondatrice de Noa Tanua.
"Dans les deux derniers mois, nous avons commencé à travailler avec huit municipalités (...) et les gens continuent de nous contacter".
10H47, le "sababus" pointe le bout de son nez sur les rives de Tel-Aviv. Beny, short orange fluo, t-shirt élimé et casquette aux couleurs de l'armée, se prépare à gagner la plage.
Beny est cash: "je m'en fous de ce que disent les religieux, qu'il faudrait rester à la maison à ne rien faire lors du shabbat, ou aller à la synagogue.
Ils n'ont pas à dire aux gens comment vivre leur vie", tranche-t-il, disant souhaiter un prochain gouvernement "sans religieux".
Source L'Obs
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