Alors que la rentrée des classes a lieu dimanche 1er septembre, plusieurs polémiques ont éclaté cet été sur la place de la religion dans les écoles.......Détails........
Petit quizz en provenance d'Israël ? Qui a dit : « Celui qui étudie la Bible n'a plus aucune interrogation concernant notre droit sur la Terre d'Israël.
Finies aussi les interrogations sur l'échelle des valeurs de notre merveilleux peuple » ?
Qui a dit encore : « À l'époque biblique, à la place des universités, il y avait des écoles de prophétie.
Eh bien, aujourd'hui, nous avons fait de grands pas en avant vers le rétablissement de la prophétie en Terre d'Israël » ?
La réponse a peut-être de quoi surprendre.
Mais l'auteur de ces propos n'est autre que le nouveau ministre de l'Éducation, le rabbin Rafi Peretz, nommé à ce poste, en juin dernier, par Benjamin Netanyahu.
Avant de devenir, il y a à peine un semestre, l'homme fort des nationalistes religieux, Peretz était surtout connu pour avoir fondé et dirigé une académie prémilitaire installée dans une ville juive de Gaza.
Après l'évacuation de ce territoire, en 2005, elle fut réinstallée dans une ville juive de Judée Samarie, où, sous le nom d'Otzem, elle entend former les leaders de demain du camp nationaliste religieux, ceux qu'on appelle les sionistes religieux.
Un ultrareligieux à l'Éducation
Reste que depuis son entrée en fonction comme ministre de l'Éducation, Rafi Peretz a mis de l'eau dans son vin.
Il veut montrer son sens des responsabilités avec deux axes prioritaires : prouver qu'il a les compétences requises pour mener à bien sa mission et faire taire ceux qui l'accusent de vouloir mettre en pratique un agenda religieux extrémiste.
Et pourtant, l'été n'a pas été de tout repos pour ce néophyte de la politique nationale.
À deux reprises, il s'est retrouvé dans l'œil du cyclone médiatique. D'abord en raison de ses propos en faveur de la thérapie de conversion en hétérosexuels de jeunes homosexuels, que, a-t-il révélé, « j'ai personnellement pratiquée ». Au vu du tollé général, il a tenté de faire une mise au point où il qualifiait cette thérapie de « mauvaise ».
Quelques semaines plus tard, rebelote ! Sa déclaration selon laquelle le mariage interreligieux au sein du judaïsme américain est « une nouvelle Shoah » devait provoquer un autre ouragan.
Dans tous les cas, critiques ou pas, le nouveau ministre israélien de l'Éducation a bel et bien l'intention de renforcer autant que possible les cours de religion, avec en priorité l'étude de la Torah – déjà au programme, mais enseignée comme seule vérité historique, culturelle, archéologique, etc.
N'a-t-il pas déclaré, lors d'une récente interview radio : « Un ordinateur pour chaque élève, c'est bien. Une Torah par écolier, c'est encore mieux ! »
De quoi inquiéter, en cette rentrée des classes, les parents des élèves inscrits dans la branche dite « laïque » de l'enseignement public.
D'autant plus que ce retour à l'école se fait à l'ombre d'une campagne électorale où la droite nationaliste, religieuse ou pas, multiplie ses attaques contre la gauche, le judaïsme pluraliste et les partisans de la séparation de l'État et de la religion.
Une prière pour la pluie dans un manuel de sciences
Toujours est-il que cette entrée en force de la religion dans le système scolaire israélien ne date pas d'aujourd'hui.
De fait, le prédécesseur de M. Peretz, Naftali Bennett, – à l'heure actuelle numéro deux de la liste Yamina (en français « À droite »), une alliance des partis nationalistes religieux – en fut le maître d'œuvre. Selon une enquête réalisée en 2017 par le groupe de réflexion Molad, « les cours d'éducation juive reçoivent 119 fois plus de subventions de l'État que ceux portant sur la démocratie ou la coexistence ».
Par ailleurs, durant toutes ces années, de multiples associations religieuses juives ont poussé comme champignons après la pluie, grâce à des budgets publics qui ont plus que doublé en dix ans.
Leurs représentants interviennent dans de nombreuses écoles où ils dispensent, souvent gratuitement, un enseignement religieux.
« Au début, il s'agit d'apprendre aux élèves les fêtes juives. Puis, comme l'explique Ram Vromen, fondateur de l'ONG Forum séculier à une journaliste de Haaretz, on passe très vite à des cours de préparation à la bar-mitsvah, la communion juive effectuée par les garçons à l'âge de 13 ans.
Ensuite, toujours dans le cadre du judaïsme orthodoxe, on enseigne les valeurs familiales.
Enfin, éventuellement, on peut débattre de l'assassinat d'Yitzhak Rabin… » Pour Ram Vromen, un homme d'affaires telavivien, tout a commencé en 2011, avec la distribution à sa fille, alors en troisième classe du primaire (équivalent du CM1) d'un fascicule portant sur la compréhension des textes.
« On y décrivait comment un juif, Suleïman, vivant dans un pays arabe, fut le seul survivant avec sa famille d'un pogrom qui avait eu lieu un Shabbat. Tous les juifs avaient décidé de s'enfuir.
Sauf lui, car il pensait qu'honorer le Shabbat était plus important. Ceux qui avaient fui furent finalement tous massacrés.
Morale de cette histoire : si Suleïman et sa famille ont eu la vie sauve, c'est pour cause de ferveur religieuse.
Venaient ensuite les questions, dont celle-ci : « Comment chez vous observe-t-on le Shabbat ? »
Stupéfait et indigné, Ram Vromen décide de créer Forum séculier. Sa mission : repérer le discours religieux introduit dans les disciplines scolaires. Parmi les « perles » découvertes, cette prière pour la pluie incluse dans un manuel de sciences.
Polémique autour d'un manuel scolaire
Autre affaire : il y a une dizaine de jours environ, la municipalité de Tel-Aviv a fait parvenir à l'ensemble de ses écoles primaires, un ouvrage pour enfants destiné à tous les élèves entrant en CP.
Publié il y a quelques mois, il s'agit d'un dialogue entre une mère et sa fille. Toutes deux discutent à bâtons rompus de sujets qui font débat en Israël : la démocratie, le genre, les élections, les décisions à prendre, les choix à faire. La fillette pose les questions.
La mère y répond.
Bémol : l'inspectrice générale pour l'enseignement public religieux à Tel-Aviv, Shoshana Nagar, a donné l'ordre à l'ensemble des établissements dont elle a la charge de retourner à l'expéditeur toutes les copies du livre.
La raison invoquée : un passage sur l'absence de transports publics, le Shabbat et dans lequel il est suggéré que la décision de voyager ou non le samedi revient à chaque individu et pas à l'État.
Selon Mme Nagar, il s'agirait d'une offense, d'une insulte « à la vision du monde du sionisme religieux qui veut une éducation en conformité avec la Torah et l'esprit du système scolaire public religieux ».
Shoshanna Nagar devrait être promue très bientôt directrice de la branche religieuse de l'enseignement public au sein du ministère de l'Éducation. Elle serait le premier choix du ministre Rafi Peretz. Toujours est-il que le maire de Tel-Aviv résiste.
Il a fait renvoyer le livre censuré aux établissements concernés, tout en affirmant dans une interview radio : « Il s'agit d'une opération visant à transformer la démocratie en autocratie.
Si les sujets de démocratie et de tolérance envers l'autre sont interdits d'enseignement dans les écoles religieuses, alors il faut comprendre qu'on a affaire, là, à un courant antidémocratique. »
Les écoles religieuses plus subventionnées que les laïques
Au-delà de cette guerre de positions, entre deux conceptions de la vie juive en Israël, il y a ces chiffres : chaque lycéen de la branche religieuse de l'enseignement public est subventionné par l'État à hauteur de 40 mille shekels (10 000 euros) par an alors que le même condisciple, mais cette fois dans la branche laïque, devra se contenter d'un budget annuel de 31 mille shekels (8 000 euros).
Et M. Peretz a été très clair. Il veut encore augmenter les budgets attribués aux élèves religieux.
Par ailleurs, selon un rapport de l'OCDE, 14 % des heures d'enseignement en Israël sont consacrés à la religion, soit trois fois et demie de plus qu'en Europe.
Même dans des pays considérés comme très catholiques, le pourcentage est beaucoup plus faible : 10 % en Irlande, 7 % en Italie.
Tout cela alors que les résultats des jeunes Israéliens au PISA, ce test international évaluant le niveau des élèves en lecture, anglais, mathématiques et science, ne sont pas bons.
Les taux d'échec sont une fois et demie supérieurs à ceux enregistrés au sein de l'OCDE.
Toutefois, pour les politiques de droite en campagne, là n'est pas la question. Ni le renforcement du religieux dans le primaire et le secondaire, ni les mauvais résultats au plan international des élèves israéliens, ni la pénurie de profs en maths, physiques ou anglais, ni les classes surchargées, ni les bas salaires des enseignants ne sont évoqués.
Ce qui importe au Premier ministre et son gouvernement, c'est une rentrée des classes en bon ordre et le jour dit.
Un calme qui doit régner jusqu'aux élections du 17 septembre. Après, on verra.
Par Danièle Kriegel
Source Le Point
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