Le titre de ce livre pourrait être celui d’un texte dadaïste — son auteur, Emil Szittya (1886-1964), ayant fréquenté les milieux d’avant-garde au début du xxe siècle. Mais le sous-titre, Pendant la guerre 1939-1945, suggère, lui, une prise en compte de la réalité, celle qui rend les cauchemars bien palpables........Détails.........
Quatre-vingt-deux rêves, donc, et autant de personnages que rencontre Emil Szittya dans toute la France, des deux côtés de la ligne de démarcation. Insatiable, ce collecteur de rêves, qui se défend de vouloir les interpréter, demande à tous ceux qu’il croise de les lui raconter, d’expulser les images venues troubler leur sommeil.
Des histoires qu’il note scrupuleusement, sans qu’on sache toutefois exactement comment il travaillait.
La précision de certains récits laisse à penser que Szittya y a peut-être lui-même participé, pour tenter de lier ou de reconstituer certaines images afin de les rendre cohérentes.
A Paris, Toulouse, Senlis ou Grenoble, il est à l’écoute : architectes, commerçants, paysans, coiffeurs, prostituées, exilés, réfugiés, juifs, Républicains espagnols, résistants et autres combattants de l’ombre… chacun formule ses rêves, violents, colorés, résonnant des fureurs de l’Occupation. « Tout ce qui se passe en nous est contrôlé par les conventions.
Mais il pousse dans nos rêves tellement de mauvaises herbes qu’elles empoisonnent notre vie », dit une actrice. Pourtant, rêver peut aussi sauver une vie.
Une Juive polonaise raconte qu’un jour, lors de l’appel dans le camp de concentration où elle était internée, elle faillit se laisser aller d’épuisement et de froid, quand, subitement, elle rêva debout que son père lui déposait de la confiture entre les lèvres.
« Je suis persuadée, confie-elle, que ce rêve m’a permis de survivre jusqu’à la libération du camp. »
82 rêves pendant la guerre 1939-1945 de Szittya Emile
Préface d’Emmanuel Carrère, éd. Allary, 224 p., 20,90 €
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