vendredi 9 octobre 2015

Paracha béréchit : "Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre..."





       
"Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. (1, 1)". Le Midrach Tan‘houma yachane objecte : La Tora aurait normalement dû commencer par présenter les mitswoth au peuple juif. Elle a cependant voulu devancer les futures protestations des Gentils qui nous accuseront d’avoir volé la terre d’Israël aux sept peuplades cananéennes...


Aussi débute-t-elle par le récit de la Création afin de démontrer que le monde entier appartient à Hachem et qu’il peut le répartir selon Son choix. Comme l’a déclaré le roi David : « La puissance de Ses hauts-faits, Il l’a révélée à Son peuple, pour lui donner l’héritage des nations » (Psaumes 111, 6).
Rav Mordekhaï Gifter indique que lorsque les Sages nous conseillent de « savoir comment répondre à un hérétique » (Avoth 2, 14), leur intention s’applique à notre propre édification et non à la sienne. Ses préoccupations ne sont pas de notre responsabilité ! La nôtre est de savoir nous protéger contre les arguments néfastes de l’agnostique et de préserver vigoureusement la pureté de nos convictions.
C’est pourquoi, quand la Tora anticipe les accusations futures des Gentils et qu’elle leur réplique, la réponse est pour notre propre profit : Nous devons nous sentir renforcés dans la conviction que la terre est légitimement nôtre. Tel est aussi le message implicite du verset affirmant qu’Il a révélé « la puissance de Ses hauts-faits »: C’est à Son peuple qu’Il l’a divulguée, et non aux nations dont Il a confisqué l’héritage pour le transférer à la Sienne.
Pourquoi alors le Midrach nous dit-il que la Tora devance les futures protestations des Gentils ? Même s’ils n’avaient jamais élevé d’objection à notre encontre, la Tora n’aurait-elle pas dû nous rassurer à notre propre bénéfice, afin que nous ne pensions pas un seul instant – Hachem nous en préserve ! – qu’Il nous a incités à perpétrer une injustice ?
La réponse réside dans la foi naturelle du Juif. Dans le cours normal des événements, nous n’éprouvons aucune difficulté à accepter l’idée de nos droits de propriété sur Erets Yisrael. Nous reconnaissons le bien-fondé de la mitswa de le conquérir, de même que nous reconnaissons celui de tous les autres commandements. Cependant, lorsque les hérétiques et les incroyants nous attaquent avec leurs arguments, un petit élément de doute germe en notre esprit, et nous nous mettons à vaciller. C’est pour parer à une telle éventualité – et seulement pour cela – qui la Tora a dû rassurer le peuple juif sur la justesse de sa possession de la Terre.

Rav El‘azar Schakh souligne que ces mots – les premiers de la Tora – constituent la préface et la base de tous les commandements qu’elle contient. Pour les appréhender correctement, il faut considérer et reconnaître qu’il existe une logique fondamentale dictant l’idée selon laquelle il doit y avoir des règles et des lois pour gouverner le comportement humain.
Quand on se rend compte que l’univers entier est l’œuvre du Créateur et qu’Il en est le Maître, le bon sens exige de comprendre qu’Il a dû nécessairement édicter certaines règles régissant le comportement de ceux qui peuplent Son monde. S’imaginer qu’Il puisse permettre à quiconque de piétiner délibérément l’univers créé par Ses soins et de le détruire reviendrait à heurter la logique la plus élémentaire.
Quels sont dès lors ces règles et ces principes ? Ce sont les mitswoth de la Tora. Hachem seul connaît les forces intérieures du monde, et Lui seul peut déterminer quel comportement est bénéfique au monde et lequel est destructif.
C’est ce qu’Il a voulu dire quand Il a déclaré à Adam : « Prends soin de ne pas corrompre ni détruire Mon monde ! ». S’il avait désobéi aux commandements de Hachem, il aurait mis la création en danger.

Dans le même esprit, le Tiféreth Tsiyon explique qu’en décrivant le monde dans un état de chaos et d’obscurité à l’instant de la Genèse, la Tora entend nous faire connaître que telle est, en réalité, sa situation naturelle. Le monde luxuriant et verdoyant qui nous entoure existe uniquement parce que Hachem, dans Son infinie bonté, a choisi de bénir la terre par une émanation particulière. Si donc les humains suivent Ses ordres, ils mériteront de recueillir Sa bonté. Sinon, le monde reviendra à ce qu’il était aux origines : un chaos.
La Michna dans Avoth (5, 1) nous apprend :
« Le monde a été créé par dix paroles divines. Qu’est-ce que cela vient nous apprendre ? Il aurait certainement pu être créé par une seule ! Toutefois, le but de Hachem en utilisant dix paroles pour créer l’univers était de récompenser les justes qui soutiennent un monde créé par dix paroles, et de punir les pécheurs qui détruisent un monde créé par dix paroles. »

Cet enseignement semble obscur. En quoi le nombre de paroles par lesquelles le monde a été créé concerne-t-il le châtiment des impies et la rétribution des justes ?\r\nRav Ya‘aqov Kanievsky, le Steipeler, explique que ces dix paroles représentent les dix niveaux progressifs de liaison à Hachem par lesquels l’univers a été généré. Par conséquent, ces différents niveaux de Création fournissent beaucoup de voies d’accès par lesquelles nous pouvons nous rapprocher de Lui.
Certains peuvent L’aborder par l’étude de la Tora, d’autres par l’observance méticuleuse de Ses commandements, d’autres encore par la prière, par la pratique de la bienfaisance. Nous savons, certes, très bien que des personnes ordinaires ont été trouvées dignes de recueillir une inspiration divine (roua‘h haqodech) uniquement pour leurs activités charitables.
Ces dix paroles sont, par conséquent, comme dix doigts accusateurs pointés en direction de ceux qui repoussent toute proximité avec Hachem et qui choisissent de mener une vie critiquable. Ils ne pourront pas prétexter : « Nous avons trouvé trop difficile l’étude de la Tora ! » Ils ne pourront non plus alléguer : « Nous n’arrivions pas à nous concentrer dans la prière ! » Car ils auraient sûrement pu trouver au moins un chemin d’accès vers Hachem parmi les dix qui s’offraient à eux.
En revanche, les personnes vertueuses ne se contentent généralement pas d’un seul de ces moyens pour se rapprocher de Hachem. Celui qui est grand dans l’étude de la Tora brille le plus souvent aussi dans la prière et la bonté, tout comme il accomplit des actes charitables au mieux de ses possibilités. Et pour chaque voie d’accès qu’il emprunte pour être plus près de Hachem, il reçoit une récompense supplémentaire.
Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. (1, 1)
Rachi fait observer que le récit de la Création désigne son Auteur sous le Nom de Eloqim, qui signifie le « Seigneur » et qui souligne Son Attribut de stricte justice. Cependant, une fois l’univers achevé, la Tora parle du « jour où Hachem-Eloqim fit la terre et les cieux » (2, 4). Le Créateur s’y trouve également identifié sous le Nom de Hachem, qui Le désigne sous Son Attribut de justice miséricordieuse.

Rachi conclut qu’Il avait d’abord l’intention de créer le monde exclusivement avec l’Attribut de stricte justice, mais Il a alors vu que le monde ne pourrait pas se maintenir dans des conditions aussi exigeantes. Aussi décida-t-Il de le générer dans une combinaison de droit strict et de justice miséricordieuse.
Le Sefath Emeth émet une objection : Il est inconcevable, affirme-t-il, que Hachem ait pu changer d’avis dans Son approche de la Création. De plus, indique-t-il, le verset énonce qu’Il a réellement « créé » les cieux et la terre. Comment Rachi peut-il dire alors qu’Il avait d’abord l’intention de créer l’univers uniquement avec l’Attribut de stricte justice, mais qu’Il ne l’a pas fait ?
Hachem, explique le Sefath Emeth, savait certainement d’emblée que le monde ne pourrait pas se maintenir dans des conditions de stricte justice, mais que c’est elle qui aurait dû le caractériser. Pour cette raison, Il a incorporé dans la Création le projet d’utiliser la stricte justice, et elle seule. Même si, pour des raisons pratiques, Il a dû employer également une justice miséricordieuse, Son intention d’atteindre un niveau plus élevé imprégnerait ainsi à tout jamais l’univers.
De plus, en agissant de la sorte, Hachem a établi un exemple à suivre dans notre conduite personnelle. Nous devons toujours nous efforcer de servir le Créateur avec perfection. Et même si, dans la pratique, cette aspiration s’avère le plus souvent irréalisable, notre seule intention suffira à élever nos accomplissements à un niveau plus élevé.


Source Chiourim