Une équipe de chercheurs de l’École de médecine de l’Université de Tel-Aviv, sous la direction du Prof. Udi Kimron, propose une nouvelle méthode qui attaque le mécanisme de résistance des bactéries et leur rend leur sensibilité aux antibiotiques...
L’étude, menée en collaboration avec le Dr Ido Yosef et les doctorants Miri Manor et Ruth Kiro vient d’être publiée dans la prestigieuse revue PNAS de l’Académie américaine des Sciences, et est susceptible entre autre de ramener sur les étagères des pharmacies les anciens antibiotiques ayant perdu leur efficacité.
Selon les chercheurs, la course de vitesse accélérée que se livrent au cours de ces dernières décennies les antibiotiques et les bactéries risque d’être perdue par l’homme; le pourcentage de germes résistants aux antibiotiques est en croissance constante, les anciens médicaments perdent de leur efficacité, et les nouveaux ne parviennent pas sur le marché au rythme nécessaire. L’Organisation mondiale de la Santé commence même à parler d’une ère “post-antibiotique”.
“L’utilisation répandue des antibiotiques a créé chez les bactéries une sélection évolutive les rendant résistantes aux antibiotiques”, explique le professeur Qimron.
“Dans l’environnement dans lequel nous vivons, il y a très peu de pressions évolutives inverses capables de réduire la résistance bactérienne, ce qui est précisément l’objectif de notre recherche: tenter accroître les pressions de sélection en faveur des bactéries sensibles aux antibiotiques”.
Leur approche innovante est basée sur le système immunitaire des bactéries, un mécanisme de défense nommé CRISPR-CAS conçu pour détruire l’ADN des principaux ennemis des bactéries, des virus connus sous le nom de phages. D’après le Prof. Qimron ce mécanisme, découvert il y a quelques années, a révolutionné le domaine de l’ingénierie de l’ADN, “car il peut facilement être reproduit et programmé en laboratoire, et permet de couper l’ADN d’une manière qui nous est favorable.
Dans la présente étude, nous avons utilisé le système immunitaire de protection des bactéries comme une épée à double tranchant agissant contre celles qui résistent aux antibiotiques”.
Les chercheurs ont injecté aux bactéries de l’ADN codé selon la protéine CRISPR-CAS conçu de manière à annuler l’action des gènes responsables de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries. Parallèlement, ce même ensemble CRISPR-CAS a eu une autre action: elle a immunisé ces bactéries, qui sont devenues désormais sensibles aux antibiotiques, contre des phages de type spécifique.
En outre, lorsque l’ensemble de la population des bactéries a été exposée à ces phages, seules les bactéries résistantes aux antibiotiques ont été attaquées. Cette double action a augmenté de façon significative le pourcentage de bactéries sensibles aux antibiotiques dans le cadre de l’environnement traité en laboratoire.
“La méthode que nous avons conçue peut être utilisée comme base pour le développement de produits nouveaux, qui feront pencher la balance en faveur des bactéries sensibles aux antibiotiques, par exemple, dans des environnements critiques tels que les hôpitaux”, conclut le professeur Qimron. “Ainsi, on pourrait développer un pulvérisateur pour le nettoyage des chambres d’hôpitaux, ou des additifs aux solutions avec lesquelles le personnel se lavent les mains, opérant une sélection parmi la population des bactéries en place. Les bactéries résistantes traitées par notre CRISPR-CAS deviendront sensibles aux antibiotiques, et cesseront de propager des gènes de résistance aux autres bactéries, comme c’est le cas aujourd’hui.
Peu à peu, nous pourrons rendre aux bactéries leur sensibilité aux antibiotiques, et réutiliser les anciens antibiotiques qui ont perdu de leur efficacité. Nous pourrons ainsi gagner la guerre d’usure de l’homme contre les bactéries”.
Source SiliconWadi