vendredi 23 mai 2014

Escapade à Jérusalem


Elle veut faire bouger les lignes. Bousculer le statu quo qui la condamnerait à tourner en silence les pages des livres saints, pendant que sa rivale, Tel-Aviv, en rirait et danserait jusqu'au bout de la nuit. En quelques quartiers plus bobo que Brooklyn ou le Marais, avec des restaurants, des bars et des boutiques qui décoiffent, Jérusalem pétille. Voilà qu'elle joue pierre séculaire avec baskets fluo, qu'elle s'invente des repaires où trinquer tous ensemble, sans souci d'origine ni de confession...



Michaël Greilsammer, la trentaine, violoniste, chanteur et chef de bande, le dit tout net: «Enfant, j'ai vécu au rythme des bombes, chaque jour des bombes. Aujourd'hui, ma génération n'en peut plus de la politique. Nous voulons chanter ensemble des lendemains de vie.» Les colonies radicales d'Yitzhar et les familles de dix enfants, on verra plus tard. Sans attendre, Jérusalem savoure son renouveau, les élans qui donnent à ses ruelles une joie libérée des devoirs du ciel. On dirait que c'est le printemps.

Premier regard

La ville (800.000 âmes) s'observe depuis le mont des Oliviers, 823 m. Ici, Jésus fit la pause en arrivant de Jéricho, avant de franchir la Porte dorée. La photo intègre le cimetière juif qui dévale la pente (en revenant, le Messie le traversera, annonce la prophétie), le cimetière arabe, les magnifiques remparts, la Coupole du Rocher et son esplanade, le campanile de l'église du Saint-Sauveur, le toit rond et gris du Saint-Sépulcre… Dommage, des tours disgracieuses piquées sur les collines environnantes gâchent l'image. À l'intérieur de ses murailles, Jérusalem rayonne de sa pierre blonde, joyau millénaire, point zéro de l'histoire méditerranéenne, des hommes peut-être.
Une fois à l'ombre de ruelles jamais bien droites, la Ville sainte révèle ses accents méditerranéens. On parle fort, on se claque la bise, à tu et à toi, déjà cousin, et les conversations durent à l'infini. Les femmes sont en formes et ravies de ces charmes, leurs compagnons jamais bien rasés jouent les machos et tout le monde s'en réjouit.
Autre instantané, les signes extérieurs de religiosité, élémentaire militantisme local. La kippa, le foulard (net avantage Burberry), la barbe, la voilette brodée, la toque, les papillotes, le chapeau noir, le shabbat qui ferme toutes les boutiques, etc. Chacun sa déclaration d'humilité publique. Enfin, total sentiment de sécurité, de jour comme de nuit, et propreté frappante des trottoirs. Le très visible quadrillage militaire et policier dissuade toutes les incivilités.

À l'intérieur des remparts

À l'abri de ses murailles, Jérusalem raconte 3500 ans d'histoire. Les guides savants en détaillent chaque pierre, du Mur des lamentations au chemin de Croix. Après ces passages obligés, laisser faire l'inspiration. Pavés polis, échoppes d'épices, une église ici, une mosquée à deux pas, une fontaine et son mince filet d'eau, un souk, un autre souk, des bains publics, un vendeur de jus de fruits et légumes pressés à la demande, la foule qui glisse, une librairie, un café, un brouhaha de marché… On est en Orient, c'est réjouissant.

Pause en France

Bienvenue en… France. L'église Sainte-Anne est propriété de la République. Le drapeau tricolore flotte sur l'édifice. Ce délicieux havre de sérénité avec jardinet fleuri, oiseaux et bancs de pierre, est veillé par les Pères blancs. Marie serait née ici et Jésus aurait guéri un paralytique juste à côté. Le bâtiment religieux a été construit au XIIe siècle par les croisés avec une singularité: sa voûte à l'acoustique exceptionnelle. Les visiteurs viennent y pousser la chanson, chorales religieuses et fans de gospel en tête. Il arrive que des émules de Kiri Te Kanawa ou d'Adele y passent des heures. Applaudissements.

Trois verres en musique

À l'intérieur des remparts, pousser la porte de l'Hospice autrichien (37, via Dolorosa). Idéalement situé, le bâtiment est un hôtel de 31 chambres (moins de 60 €, www.austrianhospice.com). Ouvert à tous, il vaut aussi pour sa terrasse qui domine la Vieille Ville, ainsi que pour son café installé dans un jardinet où, comme à Vienne, on savoure le petit noir avec une pâtisserie onctueuse et Mozart en sourdine.
Autre style, le Ha Sira (rue Ben Sira). Ce bar de nuit est installé dans un dédale de pièces voûtées totalement taguées. On y siffle sa bière avec des airs de conspirateurs qui tapent du pied au rythme electro d'un DJ plein de ressources. Le lieu est élu par les jeunes, juifs autant qu'arabes, pour refaire le monde et surtout, la paix. Cela mérite bien une deuxième tournée.
Enfin, direction Haoman (17, Haoman Street), le club qui fait danser Jérusalem. Religieux, passez votre chemin. Ici, la jupe est courte, la vodka coule librement et on communie avec Rihanna parce que la vie, c'est beau la nuit !

Coulée verte

Elle conduit de la porte de Jaffa à l'ancienne gare, esplanade marchande tendance du jour: huile d'olive bio, artisanat fait main, cafés avec Wi-Fi, miel direct de la ferme, etc. Affluence chic chaque week-end. Pour y arriver depuis les remparts, jolie promenade (Azrieli) entre parcs publics, allées piétonnes bordées de maisons coquettes (Yemin Moshe, dominé par un moulin), jardins pour les enfants et les amoureux. Après la gare, c'est le quartier German Colony, un vrai îlot bobo. Vélos, iPad, poussettes et confidences entre copines sont les signes de reconnaissance. On s'y presse en terrasse dès les premières douceurs du printemps.

 Un marché éternel

Au sympathique souk de la Vieille Ville, préférer le marché Mahané Yehuda. Jérusalem y est dans son jus. D'interminables allées et 350 échoppes pour remplir son cabas à ras bord. Fruits et légumes, pains et pâtisseries, épices et huiles, viandes et poissons (certifiés kasher, évidemment). Foule dense, appels des marchands et montagnes de tout ce qui s'avale, le spectacle est permanent. Nombreux petits bistros et restaurants semés ici et là face au bal des ménagères. Tout au bout du marché, halte à la Trattoria (119, Yafo Street, www.habarest.co.il), une table façon loft de Manhattan. La maison appartient à des boulangers venus d'Irak il y a 80 ans. Au piano, Michaël Katz, un artiste français. On fait la queue pour ses sardines et ses légumes bio croquants.

 Moderne shopping

Un nouveau quartier est né il y a peu, la Design Artery Mamilla, entre la porte de Jaffa et l'hôtel Mamilla. Cette rue piétonne alterne boutiques griffées, sculptures modernes et façades aux pierres numérotées, prélevées sur de vieilles masures rebâties à l'identique. Splendide. De chaque côté, la mode pousse ses derniers cris. 
CARNET DE ROUTE

Y aller Avec El Al, la compagnie israélienne, vols directs quotidiens  de Paris-CDG à Tel-Aviv.  L'aéroport est à une cinquantaine de kilomètres de Jérusalem. Également, plusieurs liaisons hebdomadaires depuis Marseille. Les vols durent 4h15. Compter autour de 500€ l'AR.  Tél.: 01.40.20.90.90 et www.elal.fr . Il faut ensuite une heure de route pour rejoindre Jérusalem. Taxi: 50€.
Formalités Passeport valable six mois.  Visa délivré sur place.
Heure À midi en France,  il est 13 heures à Jérusalem.
Argent : Le shekel vaut 0,24 euro.  L'euro s'échange contre  environ 4,5 shekalim.

Se loger L'Hôtel Mamilla est la nouvelle étoile de Jérusalem. Signée  de l'architecte Moshe Safdie et du designer italien Piero Lissoni, la maison abrite 194 chambres. Pierre blonde et design contemporain font très bon ménage.  Un spa, un bar bondé, un café brillant et un restaurant au sommet de l'affiche… le Mamilla est le rendez-vous obligé de ceux qui réinventent Jérusalem.  À partir de 260€ la chambre double. La suite, à partir de 360€. 11 King Salomon Street. Tél.: 00.972.2.548.22.22  et www.MamillaHotel.com . Pour faire religieux chic, viser Notre-Dame de Jérusalem.  Les tours de l'institut pontifical dominent la vieille ville. À l'intérieur, 150 chambres à partir de 200 € la double. Messe chaque jour à 18h30. 3 Paratroopers Road. Tél.: 00.972.2.627.91.11  et www.notredamecenter.org

Se restaurer Mention spéciale à Mona, une table cosy installée dans l'École des Artistes. Tenue  par Lioa (elle parle le français)  et son gang de jolies serveuses, elle propose des assiettes subtiles et fraîches. Idéal  pour les amateurs de verdure  et de poisson. Environ 30€.  12 Shmuel Hanagid. T él.: 00.972.2.622.22.83  et .  Le toit-terrasse de l'hôtel  Mamilla, haut lieu des «young and beautiful». Ambiance légère comme un soir de vacances, assiette correcte et vue grand écran sur les murailles.  Compter une trentaine d'euros.  Tél.: 00.972.2.548.22.33.

Se laisser guider  Alice Marciano est incollable  sur Jérusalem. Francophone,  elle en connaît tous les recoins. 250€ la journée quel que soit  le nombre de personnes.  Tél.: 00.972.54.499.09.19  et alice.marciano@gmail.com.

Se renseigner Office national israélien  du tourisme (Paris IXe). T él.: 01.42.61.01.97  et www.otisrael.com .
Source Le Figaro