jeudi 19 novembre 2020

Le Bruxellois Paul Sobol, rescapé d'Auschwitz, est décédé


Nous avons appris ce 18 novembre le décès de Paul Sobol. Cet homme a passé de longues années à raconter partout ce qu’il avait vécu pendant la Seconde Guerre mondiale et dans le camp d’Auschwitz, en 1945. Son histoire est un témoignage précieux et émouvant. Voici ce qu’il nous avait expliqué en 2015........Détails..........

Paul Sobol est né en 1926 à Paris et a grandi à Bruxelles.
En 1940, les Allemands envahissent la Belgique. À la tête de l’Allemagne, Hitler veut éliminer les Juifs (peuple de religion juive). 
Or, la famille Sobol est d’origine juive. Paul Sobol raconte: 
«Au début, les nazis allemands s’installaient. Ils nous laissaient tranquilles. Puis les interdictions ont commencé: les Juifs ne pouvaient plus exercer les métiers de médecin, avocat… Ils ne pouvaient plus aller dans certains magasins, à la piscine, dans des écoles non-juives… Ma famille était d’origine juive mais nous n’étions pas religieux, je ne me sentais pas Juif. 
Mais je devais respecter ces lois allemandes, évidemment.»

Une étoile de shérif

«En 1942, il y a eu une nouvelle réglementation: les Juifs ont dû porter une étoile jaune sur leur vêtement. Au début, on en riait, mes amis catholiques m’appelaient le shérif. Mais j’ai vite compris que ça signifiait autre chose car les nazis allemands ont commencé à faire des rafles: ils ont bouclé des quartiers et pris des familles juives entières. 
Ils ont dit qu’ils les envoyaient travailler dans des pays de l’Est. Mais mon père avait des nouvelles de Pologne, où des familles mouraient. Il a donc décidé qu’on allait se cacher. 
Il connaissait des gens qui nous ont laissé deux pièces dans une maison. On s’est organisés pour y vivre à cinq. Ma sœur et mon frère dormaient dans la chambre de mes parents et moi, on m’ouvrait un lit de camp tous les soirs.
On a aussi fait des faux papiers d’identité. 
Je me suis fait appeler Robert Sax. Et je me suis inscrit sous ce faux nom pour faire du sport: du hockey sur glace, du water-polo, de la gymnastique… C’est en patinant que j’ai rencontré des jeunes de mon âge, 16-17 ans, tous catholiques. Parmi ces jeunes, il y avait Nelly. On a formé un petit couple.»

L’arrestation

Paul Sobol et sa famille vivent cachés ainsi pendant deux ans. Un jour, ils sont dénoncés. 
«Malheureusement, le 13 juin 1944, en pleine nuit, la Gestapo (la police spéciale des nazis) nous a pris et nous a emmenés à la caserne Dossin à Malines. Il y avait là au moins 1 500 personnes qui devaient être emmenées ailleurs. Mais on savait que les Allemands perdaient des villes. On espérait être libérés et ne jamais quitter la Belgique.»
Le 26 juin 44, le jour de ses 18 ans, Paul Sobol est toujours à Malines. «Ce jour-là, j’ai reçu un petit colis.»
Nelly avait cherché Robert, avait découvert qui il était vraiment et ce qui lui était arrivé. 
« Elle était venue m’apporter ce cadeau. Dans la boîte, il y avait quelques fruits, un cake et, au fond, une petite photo d’elle. Un miracle! C’était extraordinaire de savoir que, à l’extérieur de cette prison, quelqu’un pensait à moi.»
Le 31 juillet 1944, un dernier train part de Malines avec 750 prisonniers environ. Parmi ces prisonniers, les Sobol. 
«On était à peu près 50 par wagon, des wagons à bestiaux, en bois, sans aucun confort. Dans ce wagon, j’ai écrit une lettre sur un petit papier. J’ai noté l’adresse de Nelly dessus et je l’ai glissée entre les planches du wagon. Un cheminot l’a trouvée sur les rails, l’a mise dans une enveloppe et l’a envoyée à Nelly! Elle a reçu ma lettre et j’avais sa photo.» 
Cette photo, Paul la cachera sur lui, en permanence, jusqu’à son retour en Belgique. Elle lui donnera la force de tenir bon pendant un an d’épreuves terribles.

Auschwitz

«La troisième nuit, le train s’arrête. Les portes s’ouvrent, on est éblouis par des projecteurs, et des voix crient «schnell!» («vite!» en allemand). 
On nous pousse en avant comme un troupeau. Les femmes doivent aller à gauche, les hommes à droite. Puis chez les hommes, ils écartent les tout vieux, les tout jeunes, les malades...»
Paul se retrouve avec son père dans le groupe des hommes de 18 à 40-45 ans. «Ils nous ont mis en rang par trois puis, on a marché jusqu’à un bâtiment. On a dû se déshabiller complètement. 
Là, j’ai vu pour la première fois des hommes avec un curieux costume rayé gris et bleu, comme des bagnards (prisonniers). L’un d’eux m’a pris par la nuque et m’a tondu tous les cheveux et les poils du corps... »
Paul doit donner son nom, son prénom, son âge... Puis on lui marque le bras avec un numéro: B3635. « Je ne comprends pas pourquoi on me marque comme un animal.»
À partir de ce moment, Paul Sobol n’a plus de nom. On l’appelle dorénavant B3635. Il reçoit des vêtements de bagnard, lui aussi. Et, comme il y a une poche, il y cache vite la petite photo de Nelly, son amoureuse...
Le lendemain à 5h du matin, Paul est réveillé. «À coup de bâton, on apprend à devenir un bon esclave, à répondre à notre nouveau «nom», à saluer... Nous ne sommes plus des êtres humains normaux.»
«Puis, arrivent des tailleurs qui vont coudre sur nos vestes des triangles qui disent pourquoi on est là. 
En tant que Juifs, nous avons deux triangles superposés, un jaune et un rouge, qui font une étoile. 
Et en dessous, ils vont mettre notre numéro. Pendant que le tailleur s’occupe de lui, mon père demande entre ses dents où nous sommes. Il apprend ainsi que dans ce camp d’Auschwitz 1, en Pologne, il y a entre 15 000 et 18 000 prisonniers. Il apprend aussi que là où le train était arrivé, à 3 km de là, se trouve le camp d’Auschwitz Bir­kenau. »
Le tailleur explique que là, les plus faibles ont été emmenés quelque part pour prendre une douche et qu’on les a tués en envoyant du gaz au lieu de l’eau! «Comment croire ça? On ne voulait pas. Le tailleur nous dit encore que dans ce camp de Birkenau, il y a 100 000 prisonniers!»

Travailler pour manger

Paul comprend que s’il veut rester en vie, il doit être «rentable», «utile». Ce camp de la mort est comme une immense usine très bien organisée. Les prisonniers sont comme des pièces détachées, des outils qu’on garde tant qu’ils servent à quelque chose! 
«Un jour, on demande un menuisier. Je lève la main. Si je veux manger, un quart de pain tous les soirs, je dois travailler.»
« J’entre dans un bâtiment et je vois que le seul autre menuisier vient de fabriquer une jolie boîte. 
Mais moi, je ne suis pas capable de faire ça, puisque je ne suis pas vraiment menuisier! 
Si on découvre que j’ai menti en disant que je suis menuisier, je vais mourir. Alors je prends un pinceau, de la peinture de différentes couleurs, une des boîtes blanches, et je peins un paysage dessus.» 
Le kapo (le prisonnier responsable de son groupe de prisonniers) accepte que Paul Sobol continue à peindre car les boîtes décorées ont plus de valeur. Comme le kapo fait du troc (des échanges) avec ces boîtes, ces peintures lui permettent de gagner plus! 
«Il faut savoir que le peu de nourriture qu’on recevait était calculé pour qu’on tienne trois mois. Si on ne trouvait pas de nourriture supplémentaire, on mourait au bout de trois mois. Donc, le kapo faisait des échanges pour recevoir plus de nourriture. Et il m’en donnait un peu aussi. J’ai ainsi survécu jusqu’au 17 janvier 1945. »

Le départ

Dans la nuit du 17 au 18 janvier 1945, les Allemands évacuent Auschwitz car les soldats soviétiques (russes) menacent d’attaquer. Dans la neige, Paul Sobol et des dizaines d’autres milliers de prisonniers doivent marcher pendant trois jours jusqu’à un autre camp. 
Beaucoup meurent de froid, d’épuisement, de maladie... Paul est ensuite emmené en train vers le camp de Dachau. Les conditions de voyage sont terribles. Plus de 80% des prisonniers n’y survivent pas!
Paul Sobol travaille encore des semaines comme un esclave. «Pour tenir, j’avais quelque chose en plus que les autres. J’avais la petite photo de Nelly! Je la regardais et ça me donnait de l’espoir.»
En avril 1945, lors d’un bombardement, Paul s’évade. Quelques semaines plus tard, il parvient à rentrer en Belgique. De sa famille, seule sa sœur reviendra en vie. Heureusement, Nelly l’attend... 
En 1947, ils se marient. «Vous voulez voir sa photo?», demande Paul Sobol. Septante ans plus tard, la petite photo est toujours là, bien conservée. «Bien sûr!», nous dit-il.

Source L'Avenir
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