dimanche 8 novembre 2020

Élection américaine : la politique étrangère de Joe Biden sera bien peu différente de celle de Donald Trump


Après les années Trump marquées par une diplomatie souvent imprévisible, Joe Biden va-t-il tout bousculer ? Le démocrate ne partage pas les obsessions antichinoises ou hostiles à l’Iran de son prédécesseur, mais les fondamentaux de la diplomatie américaine ne devraient guère changer........Décryptage........

Avec Joe Biden à la Maison Blanche, la promesse du retour dans l'Accord de Paris sur le climat - que souhaitent une immense majorité de démocrates - sera tenue, la politique d’isolement de l’Iran peut devenir moins agressive, et le soutien à l’expansion des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens moins inconditionnel. 
Pour le reste, les États-Unis conserveront sans doute les mêmes priorités. Bref, le ton et la méthode vont changer, mais la politique en elle-même devrait rester la même.
Le directeur de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques, Pascal Boniface, pronostique d'ores et déjà :
Même s’il met un peu de multilatéralisme dans sa politique étrangère, Biden ne sera pas un président multilatéral parce qu’aucun président américain ne l’a réellement été.
L’engagement de revenir dans l'Accord de la COP21 fait partie de cette inflexion, qui ne sera pas une rupture. 
La deuxième chose qu’il va faire sera de rassurer les alliés européens et asiatiques - Corée du Sud et Japon - qui ont eu peur d’être abandonnés par Donald Trump et livrés à eux-mêmes. Joe Biden voudra restaurer les alliances malmenées, ajoute Pascal Boniface. 
Ces rapprochements pourraient constituer l’Acte I de la nouvelle diplomatie américaine à compter de janvier 2021.

Retour aux partenaires privilégiés en Europe

Donald Trump avait divisé et inquiété une Europe déjà fragilisée par le Brexit, en rudoyant parfois les partenaires historiques des USA. La forme des relations pourrait changer. Une façon de renouer les liens et de marquer sa différence. 
Si cela se trouve, son premier déplacement sera pour Berlin, suggère le directeur de l’IRIS. 
Mais c’est vrai qu’en Europe il risque de plus s’appuyer sur les Allemands que sur les Français, du fait du poids économique de l’Allemagne, même si stratégiquement la France est plus importante. 
Car la question de la participation européenne à la sécurité - chantier ouvert par Trump - reste pendante. 
Les tensions sur le fameux "partage du fardeau" pour la défense de l’Europe occidentale ne disparaîtront pas comme par enchantement. 
De même, les chances que Washington  se désolidarise de la Turquie au sein de l’OTAN malgré les mises en garde européennes et notamment celles de la France, restent minces. 

Au Moyen-Orient, un repli constant

Si les Mollahs iraniens avaient pu voter à la présidentielle américaine, ils auraient choisi Biden. Le retrait des États-Unis du JCPoA - l’accord sur le nucléaire - les a lourdement pénalisés. 
Or sur son site de campagne, Joe Biden promet de réintégrer l’accord si les Iraniens le respectent à leur tour. Ce qui, compte-tenu de l’avancement de leur programme nucléaire, paraît assez utopique. 
Aujourd’hui, la politique d’isolement de l’Iran menée par Donald Trump menace la théocratie au pouvoir à Téhéran. 
De même, le renforcement de l’Etat hébreu, ennemi juré du régime iranien fait partie de cette stratégie. 
Après avoir, à l’initiative de Washington, normalisé ses relations avec Abou Dhabi et Bahreïn, Israël vise un rapprochement avec Ryad qui inquiète l’Iran. Joe Biden ne fera pas volte-face avec les Iraniens mais pourrait négocier avec Téhéran. 
Les rebelles afghans eux, auraient voté indifféremment Trump ou Biden, tant la politique de concessions initiée par Obama et poursuivie par son successeur leur convient. 
Sauf surprise, Biden devrait poursuivre le désengagement militaire américain en Afghanistan, ce qui revient, à court ou moyen terme, à livrer le pays aux Talibans. 
Et en Irak, rien ne semble pouvoir freiner le retrait militaire des États-Unis. Le bilan de Joe Biden sur le dossier irakien - que Barack Obama lui avait demandé de superviser dès le début de son premier mandat en 2009 - n’est pas convaincant, les États-Unis ayant alors été incapables de freiner l’essor du Groupe État Islamique ni l’influence intrusive du pouvoir iranien sur l’Irak.

L’allié israélien privilégié, les Palestiniens abandonnés

En mai 2018, Donald Trump concrétise ce dont nombre de ses prédécesseurs rêvaient sans même oser le murmurer : le transfert de l’ambassade des États-Unis en Israël, de Tel Aviv à Jérusalem.  
Joe Biden a déjà fait savoir qu’il ne reviendra pas sur cette décision, même s’il affirme que la représentation diplomatique n’aurait pas dû être déplacée sans un large accord de paix au Proche-Orient. 
En avril 2020, deux ans après ce déménagement, le candidat Biden s’engage à rouvrir un consulat à Jérusalem-Est et à conserver la perspective d’une solution à deux Etats. 
Formule confondante qui acte de l’inertie du camp démocrate sur ce dossier. 
Joe Biden va reprendre le discours hypocrite qui est tenu par l’ensemble de la communauté internationale - les deux États - sachant très bien que ce qui était difficilement réalisable il y a quatre ans l’est encore moins aujourd’hui résume Pascal Boniface. 
De fait, si les Palestiniens pouvaient à juste titre redouter la politique de Trump, ils n’ont aucune raison d’espérer dans celle de Biden.

La Chine et la mondialisation sous surveillance

Barack Obama avait réorienté la diplomatie américaine vers l’Asie. Donald Trump a poursuivi cet effort avec un autre objectif, lutter contre l’expansionnisme commercial chinois aux États-Unis et plus généralement contre certains effets de la mondialisation.
Il y a une prise de conscience dans une grosse partie de la société américaine que cette mondialisation s’est retournée doublement contre les États-Unis, assure Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales. 
D’abord parce qu’elle a appauvri la classe moyenne traditionnelle et parce qu’elle a provoqué des flux démographiques qui mettent en passe les blancs de devenir minoritaires dans leur propre pays. 
Biden ne peut pas ignorer cela. Et le modèle néo-libéral pro-mondialisation est contesté à l’intérieur du camp démocrate. 
Entre les nostalgiques de l’ère Obama et les jeunes de la gauche du parti opposés à la mondialisation pour des raisons de justice sociale, Biden aura du mal à faire une synthèse et à construire une politique étrangère cohérente. 
Enfin, le non interventionnisme désormais revendiqué par l’essentiel de la classe politique aux États-Unis ne résout pas la question que Joe Biden devra affronter. 
Cette diplomatie américaine qui n’avait pas à se poser de questions depuis 1945 est maintenant tout à fait incertaine sur son mode d’insertion dans le système mondial. 
Autrefois superpuissance hégémonique, elle n’arrive pas aujourd’hui à se trouver un nouveau statut dans le jeu international, juge Bertrand Badie.

Source France Culture
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