mercredi 26 août 2020

Israël et les pays du Golfe : naissance d’une alliance


L’accord entre les Émirats arabes unis et Israël constitue une étape de plus dans le rapprochement entre l’État hébreu et les monarchies du Golfe. Une alliance stratégique pour contenir l’influence iranienne dans la région........Décryptage.........


Rouge, vert, blanc et noir. Le 13 août dernier, la façade de la mairie de Tel-Aviv s’est parée des couleurs du drapeau des Émirats arabes unis (EAU) (Un État fédéral composé de sept émirats : Abou Dabi, Ajman, Charjah, Dubaï, Fujaïra, Ras el Khaïmah et Oumm al Qaïwaïn) pour célébrer l’accord historique qu’Israël doit signer d'ici quelques semaines avec Abou Dhabi. 
Le texte qualifié de « traité de paix » édicte que les EAU reconnaîtront officiellement l’État hébreu. 
En échange, Israël s'est engagé à « reporter » son projet d'annexion des territoires palestiniens. Ironie de l’histoire : le rouge, le vert, le blanc et le noir sont aussi les couleurs du drapeau palestinien... Les Palestiniens ont, eux, qualifié cet accord de « trahison ». 
Et pour cause : la normalisation avec les pays du Golfe était jusqu’à présent une carte maîtresse dans les négociations avec Israël pour la création d’un État palestinien. 
Une manière de faire pression sur la diplomatie israélienne pour obtenir une résolution juste du conflit. 
L’État hébreu n'avait ainsi été officiellement reconnu que par l'Égypte, avec laquelle les Israéliens ont signé un traité de paix en 1979, et la Jordanie, en 1994. 
Pour les monarchies du Golfe, toute reconnaissance d’Israël semblait donc jusqu'à maintenant soumise à un règlement préalable du conflit. 
Mais dans les faits, cela fait plusieurs années que les deux parties se rapprochent peu à peu. 
Jusqu’à dessiner une nouvelle alliance au Proche-Orient. C’est d’ailleurs la mission fixée par la Maison blanche défendue avec zèle par le Secrétaire d’État Mike Pompeo actuellement en tournée dans la région. 
Jared Kushner, le très influent gendre et conseiller de Donald Trump devrait se déplacer à son tour au Proche-Orient début septembre pour tenter lui aussi de faire basculer d’autres pays dans le camp dans la normalisation.

De « l’ennemi sioniste » à la normalisation

Dès la guerre de 1967, les monarchies pétrolières adoptent un discours anti-Israël. 
L’État hébreu, est « l’ennemi sioniste » qu’il faut combattre à tout prix. « Le soutien à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), la préservation de la solidarité et du consensus arabe sunnite étaient considérés comme essentiels pour la stabilité des monarchies golfiennes », analyse ainsi la spécialiste du Proche-Orient Elisabeth Marteu dans un article pour l’Institut français des relations internationales (IFRI). 
Dans les années 80, l’OLP aurait même reçu plus de 10 milliards de dollars de la part de l’Arabie saoudite, du Koweït et des Émirats arabes unis ! 
Mais les monarchies du Golfe ont parfois mis de l’eau dans leur vin, quand leurs intérêts rejoignaient ceux de l’État hébreu… Tel-Aviv et Riyad ont, par exemple, coopéré secrètement lors de la guerre au Yémen dans les années 60.
A partir des années 2000, les relations fluctuent en fonction des soubresauts du conflit israélo-palestinien. Mais les monarchies ne perdent pas de vue l’idée d’une normalisation.
Les choses changent dans les années 90, à la suite des accords d’Oslo conclus avec les Palestiniens. 
Israël noue alors peu à peu des relations économiques avec Oman et le Qatar, qui deviennent les premiers États du Golfe à faire du commerce avec Tel-Aviv. A partir des années 2000, les relations fluctuent en fonction des soubresauts du conflit israélo-palestinien. 
Mais les monarchies ne perdent pas de vue l’idée d’une normalisation. 
Après le 11 septembre 2001, dans un souci d’apaisement, l'Arabie saoudite soumet même une initiative selon laquelle les États arabes se disent prêts à nouer des relations diplomatiques avec Israël en échange d'un État palestinien dans les frontières de 1967.

L’Iran : un ennemi commun

Le tournant véritable a lieu en 2011 avec les révolutions arabes et surtout la montée de l’influence iranienne dans la région. 
Car l’Iran est l’ennemi commun. Le régime des Mollahs est, à la fois la bête noire de Tel-Aviv qui craint que Téhéran ne possède un jour la bombe nucléaire, et l’adversaire historique de l’Arabie Saoudite. 
Voisines, ces deux grandes puissances pétrolières et gazières ne cessent de se jauger. 
Avec un avantage économique pour l'Iran, qui contrôle le détroit d'Ormuz, où transitent 30% du pétrole vendu dans le monde. 
Ces dernières années, celles-ci se livrent même une sorte de « guerre froide » en multipliant les conflits par procuration comme en Syrie et au Yémen. 
Or Téhéran a, ces dernières années, considérablement étendu son influence grâce à ses relais régionaux, ses « proxies » qui se trouvent dans plusieurs pays de la région : les Houthis au Yémen, le Hezbollah au Liban, les Hashd al- Chabi (« forces de mobilisation populaire ») en Irak. 
De quoi effrayer les monarchies du Golfe - Saoudiens en tête - qui font tout pour contenir l’expansion iranienne. Et faire peur aux Israéliens qui craignent l’encerclement.
Jusqu’à présent, ce sont les petites monarchies qui ont joué les poissons pilotes en multipliant les gestes symboliques de rapprochement. 
Comme cette visite « historique » du Premier ministre israélien à Oman en octobre 2018. 
Et lorsqu’en janvier 2020, Donald Trump présente son fameux « accord du siècle », le « plan de paix » censé clore le conflit israélo-palestinien mais qui évince les Palestiniens, les ambassadeurs du Bahreïn, d’Oman et des Émirats arabes unis sont présents à la Maison Blanche…

Vers un accord entre Israël et l'Arabie-saoudite ? 

Mais, après l’accord EAU-Israël, il se pourrait bien que l’État hébreu et l’Arabie saoudite, le vaisseau amiral de la région, officialisent leurs relations dans un avenir proche, même si Riyad a clamé haut et fort, le 19 août dernier, qu’il n’y aurait pas de normalisation avec Israël avant la conclusion d’un accord de paix israélo-palestinien.
Car depuis la promotion de Mohamed Ben Salman, dit MBS, au titre de prince héritier du trône saoudien en juin 2017, ce qui semblait inimaginable il y a encore quelques années devient de plus en plus réaliste… 
MBS lui-même a affirmé lors d’une interview en 2018 pour le magazine américain The Atlantic que la paix avec Israël était possible. 
De fait, c’est un nouvel axe Arabie Saoudite / Israël / États-Unis qui s’est renforcé ces dernières années, surtout depuis le retrait de Washington en mai 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien. 
Washington, qui dispose de plusieurs bases militaires dans les pays du Golfe, est même allé plus loin en ciblant délibérément le 3 janvier 2020, le général iranien Ghassem Soleimani en Irak, l'un des hommes forts de la République islamique.
Reste à savoir si les opinions publiques des deux côtés suivront cette alliance étonnante. 
« La jeunesse des pays du Golfe ne perçoit plus la question palestinienne comme centrale, écrit Élisabeth Marteu. Elle est plus intéressée par les retombées des réformes économiques annoncées par ses dirigeants que par la lutte politique. Il y a donc peu de risques qu’elle bouscule les pouvoirs en place pour défendre les Palestiniens… » 
Les Israéliens, davantage préoccupés par la crise sociale et politique intérieure, ne semblent pas non plus s’enthousiasmer pour cet accord. 
Chaque samedi, depuis juin, des milliers d’entre eux se rassemblent devant la résidence de Benyamin Netanyahu pour exiger sa démission en dénonçant la corruption du gouvernement et sa mauvaise gestion de l’épidémie de Covid 19.

Source La Vie
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