La physionomie de la situation militaire depuis la disparition de l’URSS est celle d’une supériorité absolue des Occidentaux, basée sur la technologie. En réalité, les « guerres » sont des expéditions faciles contre des pays faibles, mais diabolisés pour favoriser l’intervention.
Toutes les guerres sont déséquilibrées, obligeant les agressés à élaborer des stratégies « du faible au fort ».
En 2006, le Hezbollah fait une démonstration de sa stratégie en refoulant une invasion israélienne du Liban. Situation nouvelle, Israël subit des dommages sur son territoire lors d’une attaque contre ses voisins.
Le temps des promenades-massacres sans conséquences pour l’agresseur est révolu ; il y a maintenant un prix à payer et guère d’assurance de succès.
Le Hezbollah illustre comment remporter une guerre asymétrique. Sa performance fait école.
Les Palestiniens de Gaza en tirent des leçons ; les Ansarullah (Houthis) yéménites s’en inspirent.
L’opération du 14 septembre 2019 est un coup de tonnerre. Les systèmes américains de défense antiaérienne ne voient rien venir et ne servent à rien. Un équipement payé en dizaines de milliards de dollars est déjoué par des engins ne coûtant que quelques milliers de dollars et capables de produire des milliards de dollars de dégâts. Surprise : l’armement du pauvre l’emporte sur celui du riche.
La clôture de l’ère de l’impunité s’annonce. Ainsi la guerre projetée contre l’Iran est reportée sine die et l’attaque israélienne contre le Liban est en suspens. La démonstration du 14 septembre fera des adeptes partout. Les cartes sont rebattues.
La technologie est désormais accessible aux plus faibles. Elle devient un facteur de rééquilibrage et un antidote aux agressions.
Le dénouement de l’imbroglio syrien est proche. Le retrait annoncé des États-Unis représente l’abandon par l’État qui dirige la coalition qui s’en prend à la Syrie. En jetant l’éponge, Trump reconnaît ipso facto l’échec. Faute de perspectives et devant le besoin d’un résultat de valeur électorale, il cherche à se dégager d’une guerre perdue.
Les néoconservateurs de l’« État profond » ont souvent forcé Trump à faire volte-face.
Si l’orientation est vers le départ, les États-Unis conservent une capacité de nuisance en s’emparant du pétrole syrien pour gêner la reconstruction du pays et en rejouant la carte kurde plus au sud toujours aux fins de balkanisation de la Syrie. Toutefois ce n’est qu’une action de retardement.
Cette guerre est un conflit hybride dissimulant une agression étrangère derrière des troubles intérieurs.
Les fantassins sont des bandes djihadistes agissant comme supplétifs pour le compte de leurs commanditaires.
C’est une guerre d’un type nouveau, car les djihadistes font du terrorisme leur arme principale de combat. Elle constitue le conflit le plus important de l’après-guerre froide.
Les néoconservateurs visent la mise en coupe réglée du monde arabe, l’éclatement des structures étatiques et leur remplacement par des entités confessionnelles sectaires, dysfonctionnelles et manipulables. Des entreprises de déstabilisation sous forme de « guerres sans fin » devaient généraliser le désordre dans un « Moyen-Orient élargi ».
En Syrie se déroule l’épisode le plus affirmé de cette politique du chaos. Il se solde par un échec.
Les implications sont majeures. En Syrie s’affrontent les camps qui incarnent les deux axes des relations internationales contemporaines. D’un côté, les États-Unis et leurs alliés essaient d’installer un monde unipolaire, notamment au moyen d’ingérences et de « changements de régime ».
De l’autre, un camp émerge qui rejette cet unilatéralisme et rappelle les règles de la souveraineté et de la non-ingérence enchâssées dans le droit international. Que la politique des souverainetés l’emporte sur la politique du chaos est une issue de portée mondiale qui dénote la recomposition de l’ordre international.
Source Le Devoir
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