"Ils sont venus au beau milieu de la nuit. Ils ont pris d'assaut l'immeuble, notre appartement.
La plupart d'entre eux étaient cagoulés, ils n'avaient pas de mandat, ne nous ont donné aucune explication", a raconté la jeune femme mardi lors d'une conférence de presse à Paris.
"Nous sommes restés sans nouvelles de Ramy pendant 36 heures. Il a eu 'la chance' de ne pas être torturé ni de disparaître plus longtemps, sans doute grâce au fait qu'il est connu.
Car, en dépit de la dureté de ce qu'il traverse, il y a des cas beaucoup plus difficiles", a souligné Mme Lebrun.
Des milliers de personnes, militants, opposants, blogueurs ou journalistes, sont détenues arbitrairement en Egypte, dans des conditions inhumaines, accusent régulièrement des ONG.
Le Caire, qui bénéficie de solides alliances internationales, justifie la répression par les impératifs de lutte contre le terrorisme, et Abdel Fattah al-Sissi, élu président en 2014, s'est imposé comme l'une des figures les plus autoritaires du Moyen-Orient.
"En Egypte, il y a une expression désormais pour parler des détentions préventives. On dit "mettre les gens au frigo". L'Etat peut mettre les gens au frigo pendant des mois ou des années", selon Céline Lebrun.
Son époux, accusé "d'assistance à un groupe terroriste", est en détention préventive depuis 150 jours, et aucun de ses avocats n'a eu accès au dossier, affirme-t-elle.
Il a comparu pour la première fois devant un juge lundi, lors d'une audience dont la date avait été avancée par surprise.
"Les observateurs internationaux n'ont pas pu y assister. Ramy était derrière une vitre insonorisée, il n'entendait pas ce qui se disait à l'audience, spectateur d'un spectacle qui se jouait sans lui.
On a appris par voie de presse que sa détention était prolongée de 45 jours", a raconté Mme Lebrun, qui n'a pas eu de contact direct avec son époux depuis son arrestation.
Tout en reconnaissant des démarches de la part des autorités françaises concernant son époux, elle a réclamé une "prise de parole plus forte" de Paris. "Mon mari a été arrêté en juillet.
Le mois suivant, le tapis rouge était déroulé pour Sissi au G7 de Biarritz", a-t-elle déploré.
"La France et les autres alliés de l'Egypte ont un rôle très important à jouer, ils ont des moyens de pression", abonde Ayman Salah.
Ce militant de 36 ans, en France depuis un an --il y a demandé l'asile-- dit avoir été arrêté neuf fois au total depuis le début des années 2000, et a subi sa plus longue détention, 14 mois, en 2013.
"Les conditions de détention en Egypte... Essayez d'aller au plus profond de votre imagination, vous n'aurez pas l'idée de ce que c'est", élude cet homme qui a été détenu pour assistance au terrorisme.
"Tous les moyens sont bons pour obtenir des aveux", dit-il, alors qu'Amnesty International évoque des sévices avec des décharges électriques ou des suspensions dans des positions douloureuses pendant des heures.
Il raconte la peur de disparaître, d'être "effacé" de la surface de la Terre. "Si vous êtes victime d'une disparition forcée, c'est comme si vous n'existiez pas".
"Pendant ma détention, j'ai perdu la notion du temps, je ne savais plus si c'était le jour ou la nuit", se souvient Ayman Salah.
"J'en ai même presque oublié mon prénom. Ils ne m'appelaient que par un numéro. '18'. Depuis, je déteste ce numéro, le 18".
Source TV5 Monde
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