mardi 5 novembre 2019

Val-d’Oise : Frania Eisenbach Haverland raconte l’horreur des camps à la jeune génération


Rescapée des camps d’extermination nazis, cette habitante de Margency témoigne inlassablement pour que ce terrible pan de l’histoire ne soit jamais oublié. Elle vient de donner son nom à un collège, à Menucourt.......Détails........


« J'ai survécu et je dois à l'humanité de raconter ce qu'il s'est passé. C'est mon devoir comme tous ceux qui ont assisté à un crime », affirme Frania Eisenbach Haverland. 
Le 11 octobre dernier, le collège de Menucourt La Taillette a été rebaptisé par le conseil départemental du Val-d'Oise en l'honneur de cette rescapée des camps d'extermination nazis, née dans une famille juive en Pologne il y a 93 ans.
Depuis plus de vingt-cinq ans, cette habitante de Margency témoigne inlassablement aux quatre coins de l'Hexagone de l'enfer de la Shoah pour que jamais ce terrible pan de l'histoire ne soit oublié. 
« C'est arrivé et tout cela peut arriver de nouveau », comme l'écrit Primo Levi, que ce petit bout de femme fragile et tellement forte à la fois, aime à citer.

«Je ne pourrai jamais tout dire»

Sa voix tremble fréquemment lorsqu'elle entame son récit. 
Le plus souvent devant des classes entières d'élèves très vite captivées et émues. 
De son enfance heureuse avec un père chef d'orchestre et une mère pianiste, jusqu'à l'invasion de la Pologne, son pays de naissance, par l'Allemagne en 1939. Avec bientôt les premières persécutions parce que juifs, les arrestations, le ghetto, ses frères raflés… 
Frania a 15 ans quand elle se retrouve orpheline et que son atroce parcours de camp en camp — quatre au total — commence.
En 1945, quand le camp de Flossenburg en Allemagne où elle se trouve est enfin libéré, Frania a 19 ans. Elle est alors la seule survivante d'une famille de 60 personnes. 
Six ans d'une vie volée, meurtrie, qu'elle a en partie racontés fin 2007 dans son livre « Tant que je vivrai ». « On y pose des mots de tous les jours, mais il n'y a pas de mots. Je ne pourrai jamais tout dire », souffle-t-elle.

«J'étais une migrante à Paris»

Après la guerre, la jeune femme choisit de rejoindre la France pour tenter de retrouver son père. 
« Je me disais que s'il avait survécu, il m'attendrait à Paris. Il me disait toujours qu'il y dirigerait un jour un orchestre… Dans la patrie d'Emile Zola et de Léon Blum qu'il aimait tant et qui, pour lui, était forcément synonyme d'égalité, de fraternité et de liberté », souligne-t-elle. 
Mais lui aussi a été emporté par la barbarie nazie, elle ne le reverra jamais. Frania, qui ne connaît alors personne en France et ne parle pas la langue, n'apprendra que bien plus tard l'histoire de Vichy et de la collaboration.
« J'étais une migrante à Paris, tout simplement. 
Tout le monde peut l'être un jour, rappelle Frania, choquée par le rejet dont les migrants sont victimes aujourd'hui. 
Qui a envie de quitter les siens, de s'arracher de son pays pour aller dans un endroit inconnu ? Personne sauf si on y est obligé. » 
Quelques années plus tard, cette désormais grand-mère et arrière-mère rencontre Maurice, un ancien prisonnier de guerre chrétien, qui deviendra son mari. Un couple uni jusqu'à la mort de ce dernier en 2007.

Des années avant de témoigner

« C'est lui qui m'a fait découvrir la fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), dont je suis actuellement coprésidente, pour que je puisse rencontrer d'autres gens qui avaient vécu l'horreur des camps et parler car il me voyait en souffrance », explique Frania entre deux quintes d'une toux datant de son passage dans les camps.
Car, si aujourd'hui cette « survivante » témoigne en public dès qu'elle y est invitée, il lui aura fallu attendre des années avant d'en être capable. Un terme lourd à porter estime-t-elle. 
« On est tatoué, marqué. On est et sera toujours des déportés. » Mais aussi de trouver des oreilles prêtes à entendre son terrible récit. « Nous en parlions peu à l'extérieur. 
À la fois parce que le traumatisme était trop à vif mais aussi parce que les gens ne nous croyaient pas. Et en France, l'heure était à la réconciliation », explique-t-elle.
C'est en 1993 que des recherches menées avec la sortie du film « la Liste de Schindler », se déroulant dans le camp de Płaszów (en Pologne) dans lequel elle est restée dix-huit mois, la décideront. 
« C'est de là que c'est parti », précise l'actuelle présidente d'honneur de Margency, ville qu'elle aime tant, en montrant une lettre du réalisateur, Steven Spielberg, la remerciant personnellement.

Protéger la jeunesse d'aujourd'hui

« J'ai la naïveté de penser que c'est mon devoir de témoigner pour tenter de protéger les jeunes d'aujourd'hui. 
À mes 13 ans, je ne savais pas que l'être humain pouvait être capable de telles horreurs et pourtant. 
Alors il faut le dire, il faut qu'ils sachent. Mais aussi crier haut et fort qu'il n'y a qu'une seule race, la race humaine », lance-t-elle.
Pourtant, Frania les yeux souvent humides à force de réminiscences, ne le cache pas. Chaque intervention est douloureuse. « Le pire, c'est d'avoir survécu seule. On vit avec et ça n'a pas de fin. 
Mais ça ne m'empêche pas d'aimer le monde, les gens, la vie. Elle est belle si des humains ne la gâchent pas. Il ne doit pas y avoir de place pour la haine. »
Et puis pour Frania, ses témoignages, mêmes difficiles, sont également des instants précieux. 
« Je donne mais je reçois beaucoup. De l'amour et l'attention de tous ces enfants qui viennent m'écouter, de leurs professeurs qui font un travail formidable et qui sont un peu devenus une famille », souligne la nonagénaire, qui croule sous les demandes d'intervention à l'heure où les dernières voix des témoins directes de la Shoah s'éteignent peu à peu.
Enfin et peut-être surtout, chaque intervention est aussi pour Frania un moyen de faire vivre quelques instants tous ses proches disparus. 
C'est pourquoi de voir aujourd'hui son nom sur le fronton d'un collège l'émeut autant. 
« C'est le mien bien sûr, mais c'est celui de mon père et de sa famille. Grâce à cela, ils ne seront pas oubliés. »


Source Le Parisien
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