Le chef d’origine indienne célèbre son 80e anniversaire à l’unisson de l’Orchestre philharmonique d’Israël, qu’il accompagne depuis près de cinq décennies. Très attaché à sa “famille adoptive”, il critique ouvertement la politique des dirigeants de l’Etat hébreu....
Dans son autobiographie publiée en 2006, Zubin Mehta écrivait « espérer un jour avoir la chance d’accueillir un musicien palestinien au sein de l’orchestre philharmonique, de voir cette formation se produire à Aman, Damas et au Caire ». Las, le célèbre chef d’orchestre d’origine indienne, qui fête ce vendredi 29 avril 2016 son 80e anniversaire, à l’instar de l'Orchestre philharmonique d'Israël – dont il a été nommé conseiller musical en 1968 puis « directeur artistique à vie » en 1981, n’a pas réalisé son rêve.
Figure culturelle majeure de l’Etat hébreu, le maestro, qui a mené une carrière internationale mais totalise plus de 2 000 concerts avec le seul Orchestre philharmonique d'Israël, n’a jamais caché son attachement pour sa « famille adoptive ».
Connu pour ses interprétations de la musique symphonique néoromantique, le charismatique virtuose est même intarissable sur son idylle avec l’auguste institution sise à Tel-Aviv, qu’il a entamée dès 1961, en qualité de chef remplaçant. « Ce fut le coup de foudre», se plaît-il à raconter.
Zubin Mehta cite notamment la première tournée effectuée avec l’Orchestre philharmonique d’Israël en Inde en novembre 1994, avec les solistes Itzhak Perlman et Gil Shaham. Autre expérience phare : le concert donné en 1999 près du camp de concentration de Buchenwald dans la ville allemande de Weimar, l'Orchestre de l'Opéra de Bavière et l’Orchestre philharmonique d'Israël jouant côte à côte la Deuxième Symphonie « Résurrection » de Mahler.
“Loyauté à l'égard d'Israël”
Et force est de constater que la loyauté de ce musicien à l’égard d’Israël est demeurée sans faille. « Durant l’été 2014, le pays était sous le feu des roquettes. Les habitants étaient protégés par le Dôme de fer (système de défense aérienne mobile, ndlr) et l’on a joué chaque soir. Personne n’est resté chez soi. Cela montre la force de la musique », confiait mi-avril Zubin Mehta, dans l’enceinte de l’auditorium Charles Bronfman de Tel-Aviv. Il était déjà aux côtés des Israéliens pendant la guerre de Six Jours, attrapant un dernier avion pour gagner Tel-Aviv, avant que l’aéroport international ne ferme ses portes. Sans oublier les concerts donnés en 1991, pendant la première guerre du Golfe, quand les missiles Scud irakiens s’abattaient sur le pays…
Certains expliquent sa forte identification avec l’Etat d’Israël par son appartenance à une communauté minoritaire. Zubin Mehta est en effet né dans une famille perse, ces Zoroastriens ayant quitté l’Iran pour l’Inde il y a 1300 ans, afin de fuir les persécutions religieuses. « Nous sommes les Juifs d’Inde, les Perses qui ne se sont pas mélangés », aime-t-il à souligner.
En revanche, le regard que ce polyglotte (six langues et sept avec le yiddish partiellement maîtrisé) porte sur la politique des dirigeants israéliens reste sévère. « Je suis un grand admirateur des Israéliens, de leur patience à l’égard de la politique de statu quo que mène l’actuel gouvernement. Une politique qui ne fait guère avancer la situation », confiait-il voilà peu au critique musical du quotidien Haaretz. « Je suis également très inquiet, en tant que personne qui connaît l’image du pays à l’étranger. Israël est de plus en plus isolé. Je n’ai eu de cesse de le répéter. »
Toutefois, Zubin Mehta n’a pas totalement perdu espoir. « Lorsque nous nous produisons avec le Philharmonique d’Israël dans le monde entier, nous montrons les aspects positifs de ce pays, soulignait-il encore à la veille de son 80e anniversaire. Mais pour se réconcilier, Juifs et Palestiniens doivent le vouloir.
Le problème c’est que chacun a son agenda politique. Moi je mets au défi les jeunes générations de se parler, sans passer par leurs dirigeants. »
L’une de ses plus grandes sources de fierté tient d’ailleurs à l’établissement d’un programme d’éducation musicale de haut niveau dans les villes de Shfaram et Nazareth (au Nord du pays), qui compte 150 élèves arabes israéliens. Et peut-être, qui sait, une future recrue de l’Orchestre philarmonique israélien ?
Par Nathalie Hamou
Source Telerama