mardi 25 août 2015

Le FC Bâle joue son avenir européen à Tel-Aviv


Breel Embolo. A 18 ans, le jeune attaquant bâlois porte déjà le poids de la qualification sur ses épaules. ( Keystone)


Malmené au match aller (2-2), le club rhénan doit aller chercher en Israël sa qualification pour la Ligue des champions. En cas d’échec, Bâle serait reversé en Ligue Europe, une compétition nettement moins intéressante financièrement...


Petite cause, grands effets. Le FC Bâle joue ce soir à Tel-Aviv sa place en Ligue des champions à cause d’une minuscule modification du règlement intervenue l’an dernier dans l’indifférence générale.
Gagner la Ligue des champions vaut en effet au club vainqueur, outre beaucoup d’argent et de bonheur, une place pour l’édition suivante. Si ce club est déjà qualifié par le biais de son championnat national (comme c’est le cas pour le FC Barcelone, champion d’Espagne), son ticket d’entrée était jusqu’ici donné au club champion du pays classé 13e à l’indice UEFA (les clubs champions des pays classés aux douze premières places étant directement qualifiés).
Cette année, le 13e c’est la Suisse, et donc le FC Bâle. Sauf que, pour relancer l’intérêt de sa seconde compétition de clubs, l’UEFA a décidé que cette place directe en phase de poule reviendrait dorénavant au club vainqueur de la Ligue Europe (le FC Séville).
Voici comment Bâle se retrouve à jouer deux tours qualificatifs, et ce match de tous les dangers ce soir en Israël après le match nul (2-2) concédé au Parc Saint-Jacques dans le temps additionnel. Rien n’est perdu, Bâle a l’habitude de ce genre de rencontre et son meilleur atout, Breel Embolo, a été ménagé samedi à Lugano (victoire 3-1).
Mais en football, tout est possible…
Les dirigeants du FC Bâle le disent: une non-qualification ne serait pas un drame. Et c’est vrai. En 2013, la FC Basel 1893 AG avait réalisé un chiffre d’affaires de 88 millions de francs; en 2014, elle a passé pour la première fois la barre des 100 millions de francs de chiffre d’affaires (105,2 millions précisément).
Ces dernières années, le club a pu se bâtir un capital propre de 33 millions de francs. Le FCB peut supporter une année sans Ligue des champions. Le plus important cette saison sera de remporter un septième titre national consécutif. Pas pour la gloire (c’est déjà fait) mais parce que le champion de Suisse 2016 sera directement qualifié pour la phase de poule de la Ligue des champions 2016-2017.
Depuis qu’il enchaîne les titres nationaux, le FC Bâle n’a manqué qu’une fois son rendez-vous avec le gratin européen. Lors de la saison 2012-2013, les Bâlois se faisaient surprendre en barrage par les Roumains de Cluj. Reversés en Ligue Europe, ils réussissaient un parcours brillant, seulement stoppés en demi-finale par le futur vainqueur, Chelsea. Paradoxalement, cette épopée demeure comme l’un des meilleurs souvenirs auprès des supporters. Financièrement parlant, ce n’est toutefois pas la même musique.
Cette saison, la participation à la phase de poule de la Ligue des champions rapporte 21 millions de francs: 12 millions versés par l’UEFA, 9 millions de recettes au stade. Sans compter les primes de match: 540 000 francs le point, toujours offerts par l’UEFA.
Si le FC Bâle échoue en Ligue Europe, il ne touchera que 2,4 millions garantis. Il peut tomber sur des adversaires prestigieux (Liverpool, Naples, Marseille, Schalke 04), mais aussi voir ses coûts d’organisation augmenter considérablement. La Ligue Europe, parce qu’elle invite des clubs souvent moins habitués aux compétitions européennes et moins bien structurés, peine à juguler la violence de quelques supporters (Feyenoord Rotterdam à Rome et Dynamo Kiev à Guingamp l’an dernier).
Lors de l’année 2014, le FC Bâle a participé aux deux compétitions européennes. La lecture du bilan comptable 2014 montre bien la différence entre les deux: «Nous avons reçu 0,2 million d’euros pour le 1/16e de finale de l’Europa League, 0,35 million pour le 8e de finale, 0,45 million pour le quart de finale», détaille le directeur financier du club, Stephan Wertmüller. En mars 2014, Bâle sera éliminé par le FC Valence.
Six mois plus tard, le club revient en Ligue des champions et le comptable reprend son énumération: «Nous avons reçu 8,6 millions d’euros de bonus de démarrage pour la phase de groupe […], 2,5 millions d’euros de primes (deux victoires à 1,0 million d’euros, un nul à 0,5 million d’euros) et le paiement supplémentaire de 1 million d’euros pour la Ligue des champions 2013-2014.»
Dans son management, le FC Bâle distingue sa gestion nationale de sa gestion internationale.
Il estime sa stratégie nationale «bien financée, malgré un très petit marché intérieur et des recettes de télévision marginales». En revanche, la stratégie internationale «reste dépendante de revenus supplémentaires». Si le club se félicite d’enregistrer pour la troisième année consécutive un bénéfice d’exploitation supérieur à 10 millions de francs, le rapport souligne que ce résultat est dû «en grande partie à la participation à la phase de groupe de la Ligue des champions de l’UEFA ainsi qu’au revenu des transferts de Mohamed Salah (Chelsea), Yann Sommer (Mönchengladbach) et Valentin Stocker (Hertha Berlin).» Bâle, qui avait encore vendu cette année-là Kay Voser (Fulham) et Endogan Adili (Galatasaray Istanbul) et touché des primes liées à la performance des cessions précédentes de Granit Xhaka (Mönchengladbach) et Jacques Zoua (Hambourg), a ainsi engrangé 36 millions de francs de la vente de joueurs en 2014.
La Ligue des champions fait plus que distribuer beaucoup d’argent; elle en crée en valorisant les joueurs qui y participent. «La valeur du marché de l’équipe est bien supérieure à sa valeur comptable», résume le directeur financier du FCB. Ainsi le Paraguayen Derlis Gonzalez, vendu cet été pour une somme estimée à 10 millions de francs.
En une saison, le jeune attaquant n’a marqué que six buts pour le FC Bâle mais les deux qu’il a inscrits contre le Real Madrid et le FC Porto ont fait le tour du monde. «L’édifice est fragile», prévenait en mai dernier dans Le Temps Edmond Isoz, senior manager à la Swiss Football League (SFL). «Si le club échoue à se qualifier, il aura plus de peine à retenir ses meilleurs joueurs et à attirer de bons étrangers.»
Le cercle vertueux dans lequel Bâle se trouve depuis une dizaine d’années pourrait rapidement se casser. On se souviendrait alors que le club reconnaît depuis plusieurs années un déficit structurel de 15 millions de francs et que cette machine pour l’heure bien huilée coûte cher: le club compte 227 salariés, dont 60 pour l’équipe première, dont 32 joueurs, pour une masse salariale globale de 45,176 millions de francs. Pointant une hausse de 22% entre 2013 et 2014, le club a déjà entamé un dégraissage.
En cas de non-qualification, le FC Bâle vendra peut-être un joueur ou deux avant la fin du marché des transferts (31 août) ou cet hiver. Il n’y est pas obligé. Il pourrait aussi décider de faire contre mauvaise fortune bon cœur et jouer le coup à fond en Ligue Europe. Cette saison, la finale aura lieu… à Bâle.


Source Le temps