Après six semaines d’intenses combats entre l’armée irakienne et les djihadistes sunnites de « L’État islamique d’Irak et de Syrie Levant » (EIIL - le même groupe qui s’oppose au régime d’Assad dans la Syrie voisine) qui ont pris, entre autres, Mossoul, la 2e ville du pays, et la province de Ninive, ainsi que le complexe pétrolier de Baiji (raffinerie N° 1), l’Irak continue d’être à feu et sang, pendant que l’État lui-même est au bord du gouffre. Mais qu’est-ce que l’EIIL qui vient de proclamer voilà quelques jours dans cette région un « califat », et quels sont ses objectifs et ses méthodes ? ...
Voilà déjà six mois que l’EIIL contrôle la grande ville de Falloudjah (320 000 habitants), ainsi qu’une bonne partie de la cité de Ramadi, le chef-lieu de la province d’Al-Anbar, et son université, là même où l’insurrection sunnite avait commencé. Après avoir ainsi pris le contrôle des grandes villes irakiennes, l’EIIL, qui a encerclé Bagdad, compte bien s’emparer bientôt de la capitale. Une marche fulgurante face à laquelle l’armée irakienne tente, en ce début de semaine, de se regrouper pour une contre-offensive, afin notamment de reprendre Takrit à l’EIIL, la ville de l’ex-dictateur Saddam Hussein voisine de la raffinerie-clé de Baiji.
Qu’est-ce que l’EIIL et qui le dirige ?
L’EIIL (Daech en arabe) est un groupe djihadiste qui compte entre 5 000 et 7 000 miliciens sunnites s’opposant depuis des mois au gouvernement irakien à dominante chiite installé à Bagdad par les USA et dirigé par le Premier ministre Nuri Maliki. En Syrie, l’EIIL (que l’on appelle parfois État islamique en Irak et au Levant) compte près de 10 000 hommes qui se battent en même temps contre le régime Assad et aussi contre les autres groupes rebelles.
Le chef suprême de l’EIIL est l’Irakien Abou Bakr al-Baghdadi. 43 ans, docteur en Études islamiques de l’université de Bagdad. À l’époque de Saddam Hussein, il était un fidèle très pieux de l’islam fréquentant les mosquées. Bien que la CIA et les agences occidentales de renseignements ne savent pas grand-chose de lui - l’US. Army l’avait pourtant arrêté et détenu quelques mois en juin 2004 -, il est devenu, surtout depuis la mort de Ben Laden, N° 1 d’Al-Qaïda, le chef vénéré du mouvement djihadiste mondial actuel.
Arrivé en Irak après la chute de Saddam Hussein en avril 2003, c’est le Jordanien Abou Moussab Al-Zarkaoui qui fonde en 2004 Al-Qaïda en Mésopotamie. Dans sa lutte contre les Américains, Al-Qaïda Irak bénéficie d’un gros apport en combattants étrangers venus d’Arabie saoudite, du Yémen, de Libye, de Jordanie et d’Égypte. Mais très vite des divergences émergent entre Zarkaoui, dont les excès sanguinaires et la haine anti-chiite lui valent le surnom de Lion de Mésopotamie, et le QG. central d’Al-Qaïda. À la mort de Zarkaoui en juin 2006 dans un bombardement américain, al-Baghdadi, qui était alors totalement inconnu, devient le N° 1 de l’EIIL et s’affirme comme un leader farouche et cruel.
En fait, l’EIIL a un peu plus de dix ans : créé en 2003 pendant l’invasion américaine en Irak, « L’État islamique en Irak » (ISI) multiplie alors les attentats meurtriers contre l’US Army, mais aussi dans les quartiers chiites de Bagdad : une campagne de terreur sanglante qui a fait des milliers de victimes ! Bagdadi envoie en janvier 2013 certains de ses proches compagnons d’armes fonder en Syrie le Front al-Nousra afin de s’opposer au régime Assad.
Puis, en avril 2013, il annonce que l’ISI et Al-Nousra comptent fusionner pour devenir L’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Mais Al-Nousra, qui, contrairement à al-Baghdadi, préfère rester dans le giron des réseaux Al-Qaïda, refuse de faire partie de l’EIIL, ce qui amènera ces deux groupes à s’affronter en Syrie armes à la main, tout en menant séparément la guerre contre les forces d’Assad…
Et ce, alors que ces deux organisations veulent fonder un califat (État islamique fondé sur la charia) censé s’étendre du Liban à l’Irak et qui redessinerait toute la carte du Moyen-Orient tracée depuis presque un siècle. Or il s’avère qu’ayant des buts bien plus internationalistes que al-Nousra, l’EIIL enrôle la plupart des jeunes Européens venus faire le Djihad en Syrie. Ce qui fait entrer l’EIIL en concurrence directe avec le QG. central d’Al-Qaïda, dont il n’a jamais voulu reconnaître le leadership.
Ne bénéficiant pas de l’aide directe d’un État précis, l’EIIL a de puissants donateurs individuels, la plupart originaires des pays du Golfe (dont des Koweïtiens), ainsi que par de riches personnalités tribales irakiennes. C’est l’EIIL qui détient la plupart des otages occidentaux, journalistes et humanitaires.
Des méthodes terroristes pires que celles d’Al Qaïda…
En Syrie, cette volonté hégémonique de l’EIIL et les atrocités qu’il a commises (enlèvements et exécutions de civils et de rebelles des mouvements rivaux, détention de centaines de gens ayant simplement fumé une cigarette ou ouvert une page sur la toile) ont incité les différents groupes rebelles à retourner leurs armes contre lui.
Pire encore : pour la 2e année consécutive, l’EIIL, qui a le sens de l’innovation et de la communication sur Internet, a publié fin mars dernier un rapport annuel chiffrant sur 400 pages ses différentes « activités » entre novembre 2012 et octobre 2013, soit 10 000 opérations armées en Irak, 1 083 assassinats, 4 465 explosions d’engins piégés,
8 villes conquises, 30 barrages permanents dressés sur les routes, des centaines de prisonniers libérés et autant d’« apostats repentis ». C’était avant sa chronique en « temps réel » sur les médias relatant, à l’aide de photos atroces d’exécutions sommaires, sa récente conquête de Mossoul et les crimes de masse perpétrés par ses miliciens en Irak.
Source Hamodia