Le ministre israélien de l’Économie vient de déclarer que l’économie d’Israël peut se développer même sans paix; l’Histoire montre le contraire. « Le boycott des produits israéliens nuira, certes, à l’économie d’Israël, mais la création d’un Etat palestinien détruirait l’économie israélienne » : de tels propos sortant de la bouche d’un ministre israélien, et pas n’importe lequel, celui de l’Économie Naftali Bennett, méritent réflexion.
Un bref regard en arrière, sur les soixante dernières années de l’État d’Israël, prouve le contraire : il existe un lien très étroit entre les périodes de renforcement de l’économie israélienne et les périodes durant lesquelles les négociations avec les palestiniens laissaient naître un espoir de paix. Autrement dit, le conflit israélo-palestinien nuit à l’économie israélienne : voici quelques points de repère en guise de démonstration.
DÉCENNIE PERDUE – Depuis sa création, l’Etat d’Israël connaît un développement économique qui varie au gré des situations de guerre ou de paix avec ses voisins arabes. Par exemple, à la suite de la guerre de Kippour en 1973, l’économie israélienne a connu une « décennie perdue » : les années 1973 à 1984 se sont caractérisées par des taux de croissance faible et par une forte inflation.
PAIX AVEC L’ÉGYPTE – La paix égypto-israélienne, signée en mars 1979, s’est traduite par la restitution du Sinaï occupé par Israël (en avril 1982) et par la normalisation de leurs relations diplomatiques. La coopération économique entre les deux partenaires s’est concrétisée d’abord par la fourniture de pétrole égyptien à Israël (de 1979 à 1994), puis par la signature d’une cinquantaine d’accords bilatéraux dans le domaine agricole, touristique, commercial et scientifique.
GUERRES AU LIBAN – L’invasion israélienne du Sud-Liban en 1982, puis le déclenchement de la première Intifada en 1987, ont interrompu les relations bilatérales entre Israël et l’Egypte, au profit d’une « paix froide ». Et si le processus de paix israélo-palestinien a relancé la coopération entre les deux pays, la menace du boycott arabe associée à la crainte d’une domination commerciale d’Israël a toujours maintenu les échanges entre les deux pays à un faible volume.
PREMIÈRE INTAFADA – Chacune des deux Intifada, en 1987 et en 2000, a plongé l’économie israélienne dans une récession qui durera près de trois ans à chaque fois. C’est ainsi qu’au moment du déclenchement de la première Intifada en décembre 1987, l’économie connaissait un taux de croissance annuel de 6%. Or ce conflit, qui allait durer trois ans, a coûté cher à l’économie israélienne: la croissance du PIB s’est ralentie à 3,6% en 1988 et à seulement 1,4% en 1989.
CONFÉRENCE DE MADRID – Dès la conférence de Madrid pour la paix au Proche-Orient, en octobre 1991, et durant les deux années qui suivront, 32 pays vont établir ou renouer leurs relations avec Israël. Et depuis la signature des accords de Washington en septembre 1993 jusqu’à fin 2004, 36 pays supplémentaires ont renoué leurs relations diplomatiques avec Israël, dont de nombreux pays musulmans comme la Mauritanie et l’Erythrée (1993), le Maroc et la Tunisie (1996), l’émirat de Qatar et le sultanat d’Oman (1996).
ACCORDS D’OSLO – Les années de calme régional ont permis à l’économie israélienne de retrouver des rythmes de croissance particulièrement élevés. C’est ainsi que les années des accords d’Oslo (1993-1995) et celle de la paix avec la Jordanie (1994) ont connu une forte croissance économique, stimulée notamment par l’ouverture de nouveaux marchés extérieurs et par l’afflux de capitaux étrangers. Pour Israël, la paix avec les palestiniens signifiait la fin de son isolement politique, économique et commercial, au Proche-Orient et dans le monde arabe. Sans compter l’intégration d’un million d’immigrants russes qui fut largement facilitée par les accords de paix et l’aide américaine.
DEUXIÈME INTIFADA – La seconde Intifada va reproduire le même scénario que la première: à son début en 2000, l’économie connaissait un rythme de croissance élevé de 9% l’an ; or les trois années qui s’en sont suivi (2001 à 2004) ont constitué une des périodes de récession les plus longues que le pays n’ait jamais connues. La fin de la seconde Intifada palestinienne a permis à l’économie israélienne de connaître une nouvelle phase d’expansion rapide qui s’est poursuivie de 2004 à 2008.
PLOMB DURCI – L’opération militaire israélienne « Plomb durci » dans la bande de Gaza, déclenchée en décembre 2008, a aggravé la récession économique, provoquant une baisse du produit intérieur brut (PIB) par tête de 1% en 2009. Et pour cause: le tourisme a chuté, les investissements étrangers ont fui, des débouchés extérieurs ont été perdus, les dépenses militaires ont fait un bond, etc.
Il faut donc se rendre à l’évidence: le conflit israélo-palestinien ralentit l’économie israélienne et creuse l’écart avec celle des autres pays occidentaux. Cet écart freine son développement et engendre un retard dans la progression du niveau de vie de ses habitants. Et si l’Israélien est parvenu à un niveau de vie proche de 40.000 dollars par tête, il le doit aux périodes d’accalmie et aux différents accords de paix régionaux qui ont permis de doper l’activité économique du pays.
Jacques Bendelac (Jérusalem)
Source Israel Valley