cockpit de la voiture
Plus de sécurité et moins d'embouteillages : c'est ce qu'est censé apporter un véhicule sans chauffeur. Mais beaucoup reste à faire pour y parvenir.
Sur l'autoroute à trois voies, la circulation est dense. Certains véhicules se livrent à un périlleux gymkhana pour passer d'une file à l'autre, d'autres enchaînent les accélérations-décélérations, le tout finissant par créer ce phénomène d'accordéon si caractéristique des routes surchargées.
Cependant peu à peu, des voitures forment un bloc sur toute la largeur de la chaussée, aucune n'étant plus en capacité d'opérer un dépassement. Pourtant, l'embouteillage attendu ne se produit pas.
La vitesse se maintient, régulière, et à un premier peloton de véhicules en succède un autre, puis encore un autre. Ils sont assez espacés pour que la fluidité du trafic n'en pâtisse pas, chaque voiture parvenant à suivre son parcours sans être contrainte de freiner, voire de s'arrêter. Ce phénomène étonnant a une explication : l'irruption dans le trafic de quelques voitures autonomes, au milieu des véhicules conventionnels.
Ce scénario n'appartient pas encore au quotidien des automobilistes. Il s'agit d'une simulation numérique due à deux chercheurs de la faculté de physique de l'université Bar-Ilan (Israël).
Pour ce faire, Amir Goldental et Ido Kanter sont partis du constat que les systèmes de pilotage actuels des voitures automatisées - appellation préférée par les chercheurs à celle d'autonomes - ont été conçus avec un seul objectif : optimiser leurs choix de conduite dans le respect de la réglementation routière et des exigences de sécurité édictées par les pays dans lesquels elles circulent. Aucun système actuel ne tient compte de la volonté d'améliorer globalement le trafic routier.
Autrement dit : chaque voiture autonome ne roule, à tous les sens du terme, que pour elle-même.
Le trafic gagne rapidement en vitesse
Dans leur simulation, qui utilise de véritables algorithmes de conduite sur 5 km de route virtuelle, les chercheurs israéliens ont eu l'idée d'édicter une nouvelle règle : lorsque les véhicules automatisés se repèrent mutuellement, à l'aide de leurs capteurs habituels (caméras, radars, lidars), tous vont faire en sorte de se positionner côte à côte, chacun sur une voie.
De cette façon, ils forment une ligne qui vise à bloquer les autres voitures derrière eux, comme une barrière indépassable. Si d'autres voitures automatisées arrivent, elles reproduisent à leur tour la manœuvre. Se créent ainsi ce que les chercheurs appellent des "constellations", espacées par une distance de sécurité. Résultat : les ralentissements disparaissent, tout comme la conduite par à-coups et la fluidité générale devient optimale. Inutile pour les voitures autonomes de communiquer entre elles.
Le simple fait qu'elles se détectent suffit à déclencher le processus. Et ce, en moins de deux minutes. Mieux : après deux minutes trente, l'ensemble du trafic gagne en vitesse ! Les chercheurs ont obtenu ces résultats en menant des tests avec seulement 1 à 10 % de voitures autonomes et ont même expérimenté l'irruption d'un court rétrécissement de la chaussée. Les constellations et la fluidité du trafic n'en ont pas été affectées.
Certes, il ne s'agit là que d'une "démonstration de faisabilité", sans les aléas et la complexité des conditions réelles.
Mais cette simulation en appelle d'autres. Car l'arrivée, au plus tôt vers 2030, des voitures sans chauffeur suscite déjà de nombreux questionnements tant, comme l'écrivent les chercheurs de Bar-Ilan, "les règles en matière de transport dans un contexte hybride [véhicules autonomes et traditionnels mêlés] et ses possibles impacts sur la circulation ne sont pas claires".
Des infrastructures routières inadaptées
Car si pour ses promoteurs, le véhicule autonome est synonyme de plus de sécurité sur les routes, de moins d'embouteillages et de plus de confort en voiture, la réalité est loin d'être si limpide.
Ainsi, en 2019, un enseignant-chercheur en économie de l'université de Californie à Santa Cruz (États-Unis) a démontré que, selon le prix des parkings payants, il pouvait être plus avantageux financièrement pour un propriétaire de véhicule autonome de ne pas le garer mais plutôt de la laisser tourner en rond à faible vitesse aussi longtemps que nécessaire.
D'où des rues… plus encombrées. "Les nouveaux usages vont dégrader un temps les capacités des infrastructures routières qui ne sont pas prévues pour cela. Il va falloir attendre un niveau très fort d'intégration des véhicules autonomes pour que les choses s'améliorent", estime Dominique Gruyer, directeur de recherche à l'université Gustave-Eiffel à Paris.
La preuve, en juillet 2019, une expérience grandeur nature de navette autonome dans le quartier d'affaires de la Défense, près de Paris, a été arrêtée après deux ans d'activité. En cause, la difficile interaction avec les nombreux piétons et cyclistes.
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