Fallait-il reconfiner ? N’y avait-il pas d’autres alternatives ? À peine le deuxième confinement annoncé par Emmanuel Macron fin octobre, des voix protestatrices pour questionner l’opportunité de la mesure, voire même appeler à la désobéissance civile.
Une étude, réalisée par une équipe en grande partie israélienne, devrait satisfaire les Français fatigués de ces nouvelles restrictions.
La liberté une semaine sur deux
Dans une pré-publication acceptée dans la revue Nature Communications et reprise dans Sciences et Avenir, ces scientifiques avancent une stratégie qui pourrait être presque aussi efficace qu’un confinement classique mais plus supportable : le confinement alterné.
Le principe : chaque foyer serait autorisé à sortir pendant une semaine, puis serait contraint de rester chez lui la suivante. Ainsi seulement 50 % de la population serait en quarantaine simultanément.
Pourquoi cela fonctionnerait mieux qu’un confinement total ? « C’est une sorte de mix entre deux idées qui existaient déjà », a expliqué à Sciences et Avenir, Nava Schulmann, la co-autrice de cette publication et seule chercheuse française qui a effectué les simulations numériques de ce nouveau modèle.
La première stratégie est celle de confiner la moitié de la population, ce qui revient à l’idée de laisser travailler les personnes aux fonctions essentielles et confiner les 30 % des personnes fragiles.
La seconde consiste à confiner tout le monde durant deux semaines. En combinant ces deux idées, l’équipe de chercheurs a imaginé ce confinement alterné une semaine sur deux qui selon eux, obtiendrait des résultats bien meilleurs.
Chaque personne est connectée par cinq poignées de main
« C’est le théorème du petit monde, selon lequel dans le monde occidental, chaque personne est connectée à une autre par environ cinq poignées de mains », précise au magazine scientifique le mathématicien Miquel Oliu-Barton. Si la distanciation ne suffit pas, c’est parce que « le réseau reste connecté », poursuit-il. Par conséquent, selon lui, « quand on divise la population, certaines personnes sont séparées par une distance infinie. Cela change tout. »
Le calcul de cette équipe de scientifiques se base sur la théorie des cinq poignées de mains, qui admet l’hypothèse que toute personne sur la planète est reliée à n’importe quelle autre, par un enchaînement d’au plus de cinq maillons. Quand on divise la population en deux, cela change tout selon eux.
Aussi efficace que le confinement de 80 % de la population
D’après leurs calculs, « leur méthode est nettement meilleure que les deux qu’elle combine ».
Ils estiment que cette alternance hebdomadaire est comparable au confinement classique de 75 à 80 % de la population. Elle réduirait par quatre la contamination, « car chaque personne n’est que la moitié du temps dehors, et à ce moment-là, elle ne rencontre que la moitié de la population » ajoute la chercheuse française.
En l’absence de vaccin efficace, cette stratégie permettrait aux personnes positives au Covid-19 d’éviter de transmettre le virus à d’autres personnes, du fait de « la période d’incubation assez longue ».
Pour cause, ils estiment qu’avec cette méthode, si la personne est contaminée lorsqu’elle a la voie libre, elle sera logiquement confinée chez elle quand, sept jours après, les premiers symptômes se déclareront et qu’elle sera contagieuse.
Éviter le coup de frein économique brutal
Autre atout de cette alternative au confinement total : elle permettrait pour eux de maintenir l’activité économique à 50 %, voire plus pour les secteurs qui peuvent fonctionner en télétravail.
Pour les entreprises, aujourd’hui privées d’activités, comme les petits commerces ou les restaurants, cela permettrait de continuer à tourner avec 50 % de leur personnel et de leur clientèle, avec bien sûr le maintien des gestes barrières indispensables pour endiguer l’épidémie.
Avec cette méthode, les commerces comme les restaurants pourraient continuer leur activité avec 50 % de leur personnel et 50 % de la clientèle.
Comme la circulation alternée lors des pics de pollution
Une difficulté se pose toutefois : comment répartir la population dans les deux groupes chaque semaine et vérifier que tous s’y tiennent ? Les auteurs de cette étude proposent des pistes comme celle de maintenir les membres d’une même famille dans le même groupe pour éviter les transmissions et faciliter l’organisation au sein d’un foyer.
Pour constituer les groupes, ils conseillent de procéder par adresse, en laissant la possibilité de changements de groupe au cas par cas pour les besoins professionnels.
Il ne faudrait cependant pas aller au-delà de 20 % de dérogations au risque que leur modèle ne soit plus efficace contre le Covid-19. Et pour vérifier que tout le monde s’y tient, ils avancent l’idée simple de disposer de pass vert ou rouge selon les semaines pour les contrôles.
Reste à savoir si le côté arbitraire de la répartition des groupes à l’image des droits de circuler les jours de pic de pollution sera accepté par tous. « À long terme, c’est beaucoup plus facile d’accepter d’être confiné une semaine que pendant un mois qui peut se prolonger » considère la Française Nava Schulmann.
Une méthode applicable pour le déconfinement ?
Si à ce jour, ce principe de confinement alterné n’est pas à l’ordre du jour en France, leurs conclusions invitent à réfléchir pour les mois à venir, en attendant la mise au point d’un vaccin.
Il pourrait par exemple avoir son utilité pour un déconfinement progressif ou de manière ponctuelle, sur deux semaines, avec pourquoi pas des tests par région, selon les scientifiques.
Cela permettrait de repérer et d’isoler les cas et d’éviter ainsi un nouveau coup d’arrêt total et long de la société dans son ensemble.
À l’heure où beaucoup de Français confinés commencent à trouver le temps long, et les pays n’arrivent pas complètement à endiguer la propagation du Covid-19 quelle que soit leur méthode, cette idée a le mérite d’innover.
Et preuve qu’elle n’est pas si farfelue : lors de la première vague, le physicien et mathématicien Baruch Barzel, premier auteur de la publication, a été contacté par une quinzaine de pays.
Source Ouest France
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