Le centriste Benny Gantz sera officiellement chargé ce mercredi soir de former un nouveau gouvernement, après l'aveu d'échec du Premier ministre Benyamin Netanyahu. Mais la plupart des observateurs politiques lui prédisent le même sort, et s'interrogent sur les issues à l'impasse politique qui paralyse le pays depuis presque un an........Analyse.......
Mercredi soir, le président israélien, Reuven Rivlin, remettra solennellement à Benny Gantz un petit fascicule en cuir bleu.
Le symbole de son nouveau mandat : celui de former un gouvernement après l’échec de Benyamin Nétanyahou. Si l’ex-général centriste remplit cette mission, il sera Premier ministre et mettra fin au long règne du «roi Bibi», en poste depuis 2009.
Un exploit, d’autant plus pour un homme entré en politique il y a moins d’un an. Sauf que la mission en question, tous les commentateurs s’accordent là-dessus, est impossible.
Sur le papier, Gantz a deux solutions, impliquant chacune une trahison de ses promesses ou de ses partenaires.
Option 1 : il forme un «gouvernement d’union nationale» avec Nétanyahou, selon une formule d’alternance à la tête de l’Etat. Ce qui implique, pour le chef du parti «tout sauf Bibi», de donner une dernière chance au Premier ministre cerné par les affaires et de siéger avec les ultraorthodoxes, allant contre les convictions de l’électorat farouchement laïque de son allié Yaïr Lapid et faisant une croix sur le soutien du nationaliste Avigdor Lieberman, de droite certes, mais désormais antireligieux avant tout. Et ce en espérant que Nétanyahou joue le jeu de la «rotation» du pouvoir…
Option 2 : celle d’un gouvernement minoritaire de centre gauche. Gantz unit ses forces à celles des travaillistes et de la formation d’Ehud Barak (soit un maigre contingent de 44 députés, la majorité étant à 61) et demande à Lieberman et aux partis arabes de le soutenir «de l’extérieur».
Ce serait du jamais vu en Israël et la promesse d’une paralysie politique. Sans majorité, le Premier ministre n’aurait aucun moyen d’imposer son agenda législatif.
Le seul avantage qu’y voient les analystes, c’est le titre de Premier ministre qu’arracherait Gantz à Nétanyahou et qui lui permettrait de cocher sa principale promesse, celle de bouter «Bibi» hors de la rue de Balfour.
Mais ce serait au prix de s’afficher comme un «gauchiste» soutenu par les Palestiniens d’Israël, ce que le très frileux et plutôt droitier Gantz n’a aucune envie de faire.
A l’heure actuelle, l’ex-chef d’état-major de Tsahal semble promis au même mur que celui auquel s’est heurté Nétanyahou lors des deux dernières élections : celui de la froide réalité mathématique.
Depuis que Lieberman s’est retiré de l’équation en refusant de suivre Nétanyahou, ni le Premier ministre ni l’impétrant militaire n’ont les soutiens suffisants pour gouverner.
Mais chacun semble résolu à pousser le processus dans ses retranchements, repoussant les dates butoir et jouant le jeu de l’attente en espérant que le camp d’en face craque.
Une scène à la Sergio Leone, où l’on se fixe dans le blanc de l’œil la main sur le revolver, comme l’a dépeint le magazine le Libéral à sa une.
Pendant ce temps, la crise gouvernementale perdure et va bientôt fêter son premier anniversaire.
Depuis la démission d’Avigdor Lieberman du ministère de la Défense en novembre, la mécanique politique israélienne s’est grippée. Certes, l’Etat continue de fonctionner : les salaires sont payés, les affaires courantes expédiées.
Les Israéliens se sont presque faits à l’idée d’une Knesset comateuse, d’ordinaire lieu de toutes les polémiques et des projets de loi pyromanes. Néanmoins, l’idée de se rendre aux urnes une troisième fois en un an (probablement en mars prochain) les révulse.
D’autant que, d’après un tout récent sondage de l’Institut israélien pour la démocratie (IID), une écrasante majorité d’entre eux comptent voter exactement de la même manière.
Dans ces conditions, à quoi bon relancer les dés ?
Pour en finir, plusieurs voix – dont celle des chercheurs de l’IID – appellent à une réforme du système pour le faire basculer vers le bipartisme, idée plébiscitée par 56% des Israéliens.
L’une des solutions serait de faire voter ces derniers directement pour leur Premier ministre, ce qui était le cas en 1999 et 2001, ou bien déclarer Premier ministre le chef du parti arrivé en tête des suffrages, à la britannique. «La droite, qui reste majoritaire idéologiquement, n’y a aucun intérêt, juge l’analyste Aviv Bushinsky, ancien conseiller de Nétanyahou.
A la rigueur, on pourrait relever le seuil d’éligibilité à la Knesset pour réduire le nombre de partis, mais cela ferait taire des voix minoritaires importantes. Il n’y a pas de système parfait.»
Bushinsky a une autre théorie : pour lui, le système est grippé parce que la question palestinienne, longtemps centrale dans le débat public, a disparu. Et le bipartisme avec.
«Pendant des années, la seule question qui comptait c’était de savoir comment et s’il fallait négocier avec les Palestiniens. C’est ce qui structurait la division droite-gauche.
Aujourd’hui, ce n’est plus réellement dans la discussion, les deux camps ne parlent que de "sécurité", et gauche et droite sont des concepts théoriques plus que pratiques. Le clivage reviendra dès que la question palestinienne réapparaîtra.»
Source Liberation
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