mercredi 23 octobre 2019

Enquête en cours sur l' "Incendie" déposé au musée d'Agen


Le ministère de la Culture a récemment mis en place une «mission de recherche et de restitution des biens culturels de familles juives spoliés entre 1933 et 1945 par le régime nazi», allant de pair avec une augmentation de l'effectif des personnels chargés de cette tâche complexe et souvent longue, pour améliorer l'efficacité des recherches et restituer davantage d'œuvres.......Détails........



Six personnes composent cette cellule d'investigations dirigée par David Zivie.
Trois œuvres au «passé flou» ou susceptibles d'avoir été spoliées par les nazis à des familles juives durant l'Occupation ont volontairement été déposées en 1957 et 1977 au musée des Beaux-Arts d'Agen qui les expose, à l'instar d'autres musées de province.
Le tableau baptisé «Incendie d'une maison» fait particulièrement l'objet d'intenses recherches par le ministère de la Culture pour identifier son propriétaire.

«Incendie d'une maison»

Thierry Bajou est le conservateur en chef du patrimoine à la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 qui dépend du ministère de la Culture. Son service a 2000 œuvres en cours d'instruction.
Joint au ministère, il confirme s'intéresser de près au tableau MNR (musées nationaux récupération) 733 déposé au musée d'Agen «Incendie d'une maison» signé Egbert Van Der Poel (1621-1664) et que ses services sont en train de creuser une piste pour retrouver son propriétaire.
«Ce tableau de Van Der Poel est revenu d'Allemagne après la guerre et est actuellement en dépôt dans les musées français, en l'occurrence le musée d'Agen. 
Il n'appartient donc pas aux collections publiques, et il pourrait sans doute être restitué à son propriétaire légitime (ou plutôt à ses ayants droit), puisque celui-ci pourrait avoir été spolié par l'occupant allemand». 
Il explique que jusqu'à récemment, la seule information détenue était juste que le MNR 733 avait été saisi à une date inconnue par la Möbel Aktion-Bilder (service allemand chargé de vider les appartements laissés vacants par les juifs, qu'ils aient pu fuir ou qu'ils aient été déportés) qu'il avait été transféré en septembre 1942 à l'ERR (l'acronyme du service allemand chargé de spolier les œuvres d'art) qui était installé au musée du Jeu de Paume à Paris, et envoyé au dépôt de Nikolsburg (République Tchèque) le 15 novembre suivant.
Le conservateur en chef indique que si le premier service ne dressait pas d'inventaire, en revanche l'ERR était très «professionnel» et tenait des inventaires précis des œuvres. 
Le numéro attribué au tableau par l'ERR, MA-B n° 301, interdit tout traçage du véritable propriétaire du tableau. Il mentionne que les dépôts allemands comme celui de Nikolsburg étaient le plus souvent des châteaux spoliés eux aussi, ou réquisitionnés par le pouvoir nazi.
Par ailleurs, Thierry Bajou déclare avoir connaissance du fait qu'un tableau de Van Der Poel a été saisi le 17juillet 1942 chez un dénommé Eugène Reisz à Paris. Une œuvre décrite dans l'inventaire comme «Maison en flamme», sans indication de dimensions, estimée à 10 000 francs.
«Dès lors, il est tentant d'associer le tableau et la mention d'archives et de considérer que le MNR 733 n'est autre que le tableau Reisz». 
Après la guerre, M. Reisz, un scientifique né à Budapest et qui a fini ses jours à New York, a revendiqué ses biens spoliés auprès de la «Commission de récupération artistique», organisme français chargé de restituer aux familles les biens culturels qui revenaient d'Allemagne. 
C'est dans ce contexte qu'il a transmis à l'administration française l'inventaire de ses biens spoliés. Les archives de ce service sont aujourd'hui conservées par le ministère des Affaires étrangères.

L'offre de preuve

Mais pour le conservateur en chef du patrimoine, la preuve formelle doit être apportée et la connexion entre le tableau et le potentiel propriétaire démontrée. «Il serait cependant hâtif de prendre cette assimilation pour un fait acquis et avéré, surtout en l'absence des dimensions du tableau Reisz, car Egbert Van Der Poel a peint le thème de maison ou de ferme en flammes à de très nombreuses reprises. 
Les deux mentions se décrivant de la même façon pourraient correspondre en fait à deux tableaux différents».
Il précise que s'agissant du MNR, il a été identifié qu'il était passé en vente à Bruxelles à la galerie Giroux le 5 mars 1928. 
Malheureusement, tant les archives de la galerie que celles de l'huissier ne semblent pas être conservées. «Nos investigations pour trouver un exemplaire annoté du catalogue qui porterait le nom de l'acheteur sont restées pour le moment infructueuses».
Pour tenter d'avancer dans l'identification du véritable propriétaire du tableau, le ministère de la Culture a demandé en juin 2015 à des généalogistes de rechercher les ayants droit d'Eugène Reisz. 
«Ce travail est souvent complexe et il ne suffit pas de regarder les sites de généalogie pour identifier les véritables ayants droit qui ont pu hériter de tel ou tel bien par la volonté d'un testament».
Mais par le jeu des héritages successifs du legs Reisz, une association caritative Krebshilfe, basée au Liechtenstein, serait aujourd'hui l'unique ayant droit exclusif de M. Reisz, a établi la cellule de recherches.
«Contact pris, cette association nous a affirmé n'avoir aucune information, ni conserver aucun document d'archives sur Eugène Reisz, ce qui aurait pu être de nature à conforter l'hypothèse selon laquelle M. Reisz aurait été propriétaire de l'actuel MNR 733. 
En l'état actuel des recherches, il ressort qu'il est toujours impossible d'affirmer en toute certitude que le tableau de Van Der Poel spolié à Eugène Reisz est bien le MNR 733».
Une base nationale de données MNR « Rose Valland » est consultable par le public. 
Du nom d'une conservatrice de musée et résistante, qui a joué un rôle décisif dans le sauvetage et la récupération de plus de 60 000 œuvres d'art spoliées aux institutions et familles juives.

Transparence des musées

L'objectif de cette visibilité publique orchestrée par les musées nationaux gestionnaires de ces collections est d'identifier formellement les propriétaires et de leur restituer les biens, souligne Adrien Enfedaque, conservateur du musée des Beaux-Arts d'Agen. 
À condition que les ayants droit prouvent la spoliation de l'œuvre revendiquée. Les œuvres déposées entrent généralement en cohérence artistique avec les collections des musées qui les accueillent.
Outre l'œuvre «Incendie d'une maison » (huile sur bois) qui est exposée dans la salle des Flamands du musée d'Agen, figurent aussi une «Nature morte au panier de fruits », une huile sur cuivre exécutée par Bartholomeus Assteyn au milieu du XVIIe siècle et «Gibier et chasseurs », une huile sur toile dont l'artiste reste inconnu, mais imputable à l'école italienne du XVIIe. 
La provenance estimée «douteuse» ou comme «très certainement spoliée» est désignée clairement sur le cartel (carton de présentation) des tableaux par le sigle MNR. 
Un acronyme qui suggère de manière sibylline ce pan sombre de l'histoire. Une volonté de politique de transparence voulue par le ministère de la Culture.
En 2012, une exposition «L'Art victime de la guerre» avait mis en lumière les œuvres dites «MNR» qui relevaient de spoliations en Aquitaine. À l'époque, le musée d'Agen, partie prenante de cette exposition, était alors dépositaire d'une quatrième œuvre : «Une esquisse de plafond», une huile sur bois attribuée à Gaspare Diziani (1689-1767) et datée du XVIIIe siècle. 
L'œuvre fut revendue par la suite au futur musée de Linz (Autriche), ville où Hilter a passé son enfance et dont le Führer supervisa personnellement les acquisitions. 
Retrouvée après la guerre, elle fut attribuée au musée du Louvre par l'Office des biens et intérêts privés en 1950, puis déposée à Agen en 1977. 
Elle a, depuis, été restituée en février 2013, via le musée du Louvre et le ministère des Affaires étrangères à ses ayants droit qui ont pu être retrouvés par le service des musées de France et la direction du Patrimoine.

Source La Depeche du Midi
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