Ezra Banoun, expert en énergies renouvelables et membre du comité scientifique de Israël Science Info, montre, dans ce 8ème article, l’effort « herculéen » entrepris depuis la création d’Israël, année après année et sous chaque gouvernement, pour conquérir et faire fleurir le désert du Néguev. La méthode actuelle, qui donne des résultats spectaculaires, repose sur la « démarche High Tech ». Ezra Banoun a été vivement impressionné par les visites effectuées avec la délégation française L’agriculture Hi-Tech en plein désert.......Analyse.......
Israël est un des rares pays développés qui a réussi à poursuivre la croissance rapide de son économie durant la crise mondiale commencée en 2008. La start-up nation a pour locomotive de son expansion la High Tech.
Cette branche n’occupe pourtant que 8% des emplois et ne produit que 10% du Produit Intérieur Brut, même si elle représente 49% des exportations.
Cependant, l’approche High Tech fondée sur la définition de produits à haute valeur ajoutée pour le marché mondial, l’innovation méthodique, l’esprit d’entreprenariat, la recherche scientifique, les investissements dans des domaines « du capital risque », l’initiative, l’utilisation de logiciels et d’algorithmes a influencé toute l’économie.
Caractéristiques du Néguev
Lors de la création de l’Etat, la surface du désert atteignait 12000 Km2 avec un faible peuplement comprenant une proportion importante de Bédouins.
Aujourd’hui la surface désertique atteint seulement près de 9000 Km2.
De Kyriat Gat jusqu’au Sud de Beer Sheva, le désert a disparu et a été remplacé par des champs de grande surface.
Le peuplement du département du Sud atteignait déjà 1,27 million d’habitants en 2017 avec 20% de bédouins.
Le peuplement a été effectué par des immigrants sans expérience de l’agriculture ou du désert. Des formateurs-conseillés les ont aidés. De grands travaux ont été effectués pour transporter des eaux douces du Lac de Tibériade vers le Nord et l’Ouest du Néguev.
En parallèle, les terrains à conquérir ont été préparés : plantation de barrières d’arbres, de protection contre les tempêtes de sable, dépierrage du sol, plantation massive d’arbres pour transformer le sol en humus fertile et régulation des parcours des eaux de pluie.
La mise en exploitation agricole du sol par les fermiers s’est effectuée à partir des plantes sélectionnées pour leur adaptation à l’environnement et au taux de salinité des eaux disponibles pour leur irrigation.
Cet effort était conduit en parallèle avec la stimulation d’entreprises de textile pour donner des emplois a la population non concernée par la mise en culture des espaces conquis.
Malgré tous les succès atteints durant cette période cette méthode a créé des poches de pauvreté et des rancœurs alors que dans le reste du pays le niveau de vie croissait plus vite.
Débuts de l’approche High Tech : le Kibboutz Hatzérim
Le kibboutz Hatzérim, situé à l’ouest du Néguev, est considéré comme l’un des plus riches d’Israël, du fait de la politique économique menée au Kibboutz. En 1965, le kibboutz a créé la société Netafim, inventrice du procédé révolutionnaire de l’irrigation au goutte-à-goutte.
Netafim aujourd’hui emploie 4000 personnes, est propriétaire de 17 usines de production dans 11 pays et de 29 filiales dans 110 pays.
En 2017, Netafim a été vendue à une société mexicaine pour 1,5 milliard de $, société qui s’est engagée à conserver la production en Israël durant 20 ans. Netafim est l’exemple d’une approche High Tech réussie.
L’Université Ben Gourion a investi pendant une dizaine d’années des efforts de recherche et d’essais faire pousser des plantes possédant des propriétés huileuses uniques, résistantes aux insectes, avec un potentiel de rendement élevé.
En parallèle, une étude globale a été entreprise concernant les caractéristiques uniques de l’huile et ses utilisations potentielles.
Huile de Jojoba :visite de la délégation Hi-Tech de France au kibboutz HazérimEn 1989, le Kibboutz Hatzérim a décidé de mettre à jour le programme de culture du jojoba.
Ce processus a été couronné de succès, et actuellement, Israël produit un jojoba de très haute qualité à travers le monde entier. La société « Jojoba Israël », créé par le kibboutz Hatzérim pour développer la croissance du jojoba, a entamé un « plan de croissance sur 10 ans » destiné à doubler le volume du jojoba produit sur une période de 6 ans.
Ce plan aidera Jojoba Israël à devenir le plus grand cultivateur et fabricant de jojoba au monde.
La société exporte de l’huile de jojoba sous forme de conteneurs d’huile d’une contenance de 860 kg, des fûts en métal de 180 kg ou des jarres en plastique de 50 kg / 25kg / 16 kg.
L’utilisation de l’huile de jojoba est un ingrédient essentiel pour la protection de la peau ou des cheveux. Jojoba Israël est l’exemple de l’approche High Tech réussie.
L’introduction de l’usine ultramoderne de production de puces électroniques à Kyriat Gat dans le Nord du Néguev
Depuis 1974, INTEL est devenue le principal employeur du secteur privé dans l’industrie high-tech.
L’idée lumineuse des Autorités israéliennes a été de promouvoir et d’organiser l’installation de l’usine de fabrication de micro-processeurs électroniques à Kyriat Gat dans le Néguev.
Des investissements considérables ont été consentis tant pour stimuler la venue des ingénieurs, des techniciens du personnel spécialisé que pour former localement le personnel de remplacement et élever le niveau d’éducation technologique global dans la région.
Preuve de la réussite du projet, Intel a confirmé son intention d’investir 5 milliards de dollars dans l’extension de son usine de production de Kiryat Gat en Israël.
Intel est en train de devenir une société avec des activités allant de la fabrication de puces au développement de dispositifs de sécurité dans les véhicules, les connexions téléphoniques sans fil, les drones et les technologies basées sur le cloud.
Intel emploie actuellement en Israël 11700 personnes en plus des 1170 employés de Mobileye. Les exportations d’Intel en provenance d’Israël ont atteint 4 milliards de dollars en 2018.
Les mochavim de la Arava
L’implantation des mochavim dans la Arava a commencé dans les années 60 avec le démarrage de Ein Yahav.
Très vite les résidents ont compris que pour développer une activité agricole rentable dans cette région désertique sans ressources en eaux douces, il fallait viser des marchés étrangers ; c’était le début de « l’agribusiness ».
L’idée a consisté à commercialiser en Europe des produits frais arrivant à maturité plusieurs mois à l’avance.
Les produits commercialisés comportent du raisin, des melons, des poivrons, des tomates et des pastèques.
La production est conduite suivant les règles « bio » sans aucun usage de pesticides ou d’insecticides et en utilisant les techniques agricoles les plus perfectionnées et en produisant des produits à haute valeur ajoutée.
Depuis la création de la station de Recherche -Développement et d’essais « Tamar Arava », en 1988, le développement agricole de tous les sept villages de la region « Arava Tichonit » s’effectue en liaison étroite avec les essais effectués dans cette station.
Dans le cadre de la délégation française récente « l’Agriculture Hi-Tech en plein désert » nous avons bénéficié d’une visite organisée de ce centre sous la direction de mon ami le Dr Rami Messalem.
Au Centre Arava-Tamar
Nous avons pu constater une multitude d’essais pour la culture de produits frais destinés à créer de nouveaux marchés pour l’activité agricole des mochavim de la région dont les tomates cherry « super douces » malgré leur irrigation avec des eaux salines et la culture des algues.
Dans le cadre de la visite récente de la délégation française avec pour thèmes « l’Agriculture Hi-Tech en plein désert » nous avons bénéficié d’une rencontre avec Shoula Shaham, une des fondatrices du Mochav et la promotrice de l’Aloe Vera a Ein Yahav.
L’espèce spécifique de l’Aloe Vera poussant au Texas s’est adaptée à la terre de la Arava, au climat et aux caractéristiques des eaux salines du mochav.
Selon le résultat des études effectuées par le Dr Friedman, les cosmétiques et les produits médicamenteux produits en Israël le sont à partir de matières premières fraiches et actives après un pressurage à froid avec un niveau de qualité élevé.
Cette méthode qui contrairement aux procédés utilisés couramment détruisent à chaud l’effet « actif » de la plante constitue « une percée technologique ». Les produits du Mochav Ein Yahav sont réputés sur le marché mondial.
Dans le cadre de la visite récente de la délégation française avec pour thèmes « l’Agriculture Hi-Tech en plein désert » nous avons bénéficié d’une visite dans la ferme Sea-Gal produisant en parallèle des poissons d’ornement et des dattes de haute qualité (Madjloul). Cette ferme se trouve dans le mochav Idan proche d’Ein Yahav.
Là aussi nous avons retrouvé les mêmes caractéristiques que celles de la production des produits frais et de l’Aloe Vera de Ein Yahav : produits destinés à l’exportation (y compris pour les pays arabes pour les dattes avec emballage sans inscription hébraïque), haut standard de qualité haute valeur ajoutée.
Développement de l’approche High Tech : Kibboutzim de la Arava du Sud
Le Conseil régional Eilot constitué en 1964 regroupe des kibboutzim et des dirigeants particulièrement dynamiques.
Le Kibboutz Kétoura a été a l’origine de la culture massive d’algues dans le cadre de la société internationale Algatech.
Cette société produit des micro-algues destinées aux cosmétiques et à l’industrie pharmaceutique. Les algues sont traitées de façon à assurer une croissance optimale. Puis elles sont soumises à des conditions extrêmes pour les amener à se protéger en produisant de l’astaxanthine, rouge. Ce processus s’effectue dans un environnement optimal grâce au désert.
La principale substance extraite des algues est l’astaxanthine, un des plus actifs antioxydants, de 500 à 1000 fois plus actif que la vitamine E, et sans effet secondaire même si on en consomme trop.
Elle améliore la vision, la texture de la peau, et protège contre les rayonnements. C’est également un agent anti-âge. Le chiffre d’affaires d’Algatech en croissance permanente a atteint déjà 15 M€. A ce jour seul 5% des algues ont été étudiées et les recherches continuent pour en exploiter d’autres. https://natureisrael.org/cms_uploads/SPNI%20France/bulletin_SPNI_2015-1.pdf
Alagatech s’intéresse maintenant aux bio-pétrols dérivés des algues. Elle va entamer une collaboration avec la start-up israélo- américaine GreenFuel Technologies dans le but de développer un carburant efficace, économique à partir d’algues se nourrissant d’émissions de dioxyde de carbone
Le Kibboutz Ketoura est aussi a l’origine de la création de la première société d’énergie solaire Arava Power fondée en 2006 par Yossef ABRAMOWITZ, société qui a réalisé le premier champ solaire de la Arava (5MW).
ARAVA Power réalise des installations solaires pour les Bédouins de la Arava (le plus célèbre est Tarabin-1000MW).
Projet 1000MW pour les Bédouins
Yossef ABRAMOWITZ est aussi le fondateur-dirigeant de la société internationale GIGAWATT qui a réalisé un grand nombre de centrales solaires en Afrique (Rwanda, Nigéria, Burundi, Kenya, Libéria, Sud Soudan, Bénin).
Ces réalisations sont exceptionnelles car elles comportent leur exploitation à partir d’équipes locales formées et dirigées par des cadres expérimentés dans le cadre d’un accord engageant les gouvernements de chaque pays et d’un financement pluripartites composant un crédit d’Israël de 1 milliard de $ et des dons de donateurs privés du monde.
Le Conseil régional Eilot a été un pionnier du développement intensif de l’énergie solaire grâce à l’action exceptionnelle de Dorit BENETT. Dorit BENNET pionnière du développement de l’énergie solaire dans tous les villages collectifs de la region Eilot et dans la ville d’Eilat. En 2012, Dorit BENETT a fondé la société d’utilité publique Eilat Eilot, Energies Renouvelables.
Jusqu’à ce jour cette société a réalisé 16 champs solaires qui fournissent 100% des besoins d’énergie consommés de jour de l’ensemble et prépare des solutions de stockage de l’énergie de nuit. Dorit BENETT dirige avec un partenaire l’accélérateur de start-up « Capital Nature » qui a permis de lancer 12 sociétés innovatrices et la tenue de la Conférence Internationale annuelle des Energies Renouvelables.
Dorit BENETT envisage comme Yossef ABRAMOWITZ d’élargir son action au développement des énergies renouvelables en Afrique.
Développement de l’approche High Tech au Conseil Régional du Plateau du Néguev (Ramat Ha Néguev)
La région du Conseil Régional Ramat Ha Néguev est extrêmement vaste : elle couvre 22% du territoire d’Israël.
C’est une région particulièrement dynamique tant sur le plan de la population (7300 hab. croissance 7%/an), qu’à propos de son activité diversifiée dans le domaine de l’agriculture de pointe irriguée avec des eaux très salines, de l’énergie renouvelable (4 grandes centrales solaires d’Ashalim), de l’éducation (centre éducatif de Nizzana/taux de réussite au Bac : 82,4%) du tourisme et du niveau de vie (12% au-dessus du niveau moyen d’Israël).
Les dirigeants de ce Conseil prônent la réalisation de la vision de Ben Gourion de peuplement du désert en transformant les 14 villages actuels éparpillés dans la zone dans une zone urbaine continue.
Le problème principal de la région est le très haut niveau de salinité des ressources en eaux disponibles : entre 1,100 et 2,400 mg/l alors que l’eau potable en comporte jusqu’à 300 mg/l.
En Israël, nous avions déjà acquis de l’expérience dans l’utilisation d’eaux salines de 600 mg/l dans la Arava mais il semblait impossible de le faire avec des eaux de salinité de Ramat Néguev.
Des plantations de 700 ha d’oliviers sont irriguées avec de telles eaux.
La région est en Israël le plus grand exportateur de tomates « cherry » ; ces tomates ont la réputation d’être particulièrement douces et de haute qualité. Les plantations atteignent 250 ha.
La région comporte aussi 25 ha de plantations d’épices, 60 ha de grenades qui murissent bien avant leur concurrents dans le monde, et du raisin qui a permis le développement de 5 vignobles produisant des vins de haute qualité.
Ces résultats ont été obtenus par les efforts du Centre Régional de Recherche de Développement et d’essais que nous avons visité avec la délégation française de « l’agriculture Hi-Tech en plein désert ».
Ce centre conduit des essais surprenants d’adaptation de plantes a l’irrigation par des eaux très salines grâce a la greffe de leurs racines a celles de plantes adaptées (exemple : greffe de racine de citrouille à des racines de melon).
Un accord de coopération entre un notable de Ho Chi Minh Ville (ex-Saigon) et le Conseil Régional « Ramat Ha Néguev » les vietnamiens ont décidé d’investir 1 million de $ pour créer des fermes agricoles familiales communes au Vietnam.
Conclusion : la vision prophétique de Ben Gourion est en train de se réaliser à partir des 4 pôles de développement à l’Ouest Kibboutz Hatzérim(Nétafim et Jojoba) et Kiryat Gat (Intel), à l’Est à Ein Yahav (Aloe Vera) et Idan (poissons d’ornement et dattes Madjloul), au Sud à Ketoura (Algatech et Gigawatt) et dans la région Eilot (Energies Renouvelables de Dorit BENNET) et dans la région la plus difficile de RAMAT NEGUEV (développement agricole et croissance rapide exceptionnelle).
A voir absolument !
Ezra Banoun pour Israël Science Info
Vous nous aimez, prouvez-le....