C'est une visite de travail informelle qui n'a pas fini de faire couler de l'encre: en voyage de cinq jours en Israël, une délégation de parlementaires helvétiques doit visiter ce mardi l'entreprise Extal, à Maale Adumim. Or, cette ville se situe au-delà des frontières de 1967 reconnues par le droit international - et suisse...
Les huit politiciens UDC et PLR, qui se sont envolés dimanche, appartiennent à l'intergroupe parlementaire Suisse-Israël.
Dans un communiqué diffusé avant son départ, cette délégation menée par le conseiller national UDC Erich von Siebenthal annonce que son programme comprend une large palette de discussions avec des représentants politiques, économiques et culturels israéliens.
A Maale Adumim, les parlementaires helvétiques seront reçus par un des investisseurs de la société Extal, spécialisée dans le traitement de l'aluminium. Il est prévu que ce Suisse évoque les «défis posés par le projet dans un contexte politique tendu», peut-on lire dans le communiqué.
L'annonce de ce programme a fait bondir la section suisse de l'organisation Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS).
Dans un communiqué, elle indique que cette visite dans une «colonie illégale» par une délégation parlementaire «contrevient clairement à la position officielle de la Suisse».
En guise de protestation, BDS a d'ailleurs rédigé une lettre ouverte à l'attention de l'Ambassade de Suisse à Tel Aviv.
Se faire une opinion propre
Interrogé lundi par l'ats, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) n'a pas souhaité faire de commentaire. Et de renvoyer à la position officielle de la Suisse, à savoir que «les territoires contrôlés ou annexés par Israël et situés au-delà des frontières de 1967 sont occupés au sens du droit international humanitaire».
De son côté, le porte-parole de la délégation, Markus Hostettler, a expliqué que ce voyage a «un but informatif».
Les parlementaires «veulent aller voir sur place la situation et se faire leur propre opinion. Ils estiment que c'est leur droit ! »
«Maladroit et contreproductif»
Un avis que ne partagent pas tous les observateurs, et de loin. «Ce choix de visite est maladroit et contreproductif», commente Hasni Abidi, le directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. «Non seulement il n'apporte rien de positif au niveau des relations Suisse-Israël, mais en plus il pourrait nuire à l'image de la Suisse auprès de la Palestine et de la communauté internationale.»
Le spécialiste estime que le moment est particulièrement malvenu, la première conférence internationale pour tenter de relancer le processus politique entre Israéliens et Palestiniens se tenant ce mois-ci à Paris.
«Cet investisseur suisse, les parlementaires auraient pu le rencontrer ailleurs qu'à Maale Adumim», souligne Hasni Abidi.
Prise de position indirecte
Pour Riccardo Bocco, professeur à l'Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID) de Genève et spécialiste du Proche-Orient, la visite de la délégation dans ces territoires s'apparente à une «prise de position publique indirecte».
Or, en tant que dépositaire des Conventions de Genève, «et surtout de la quatrième», qui porte sur la question de la colonisation, la Suisse se doit d'être particulièrement prudente.
S'il ne va pas jusqu'à y voir un signe de cautionnement de l'occupation israélienne, Riccardo Bocco peine tout autant à croire à une maladresse. «Les parlementaires sont beaucoup trop bien informés et conseillés pour ça ! »
Source La liberté