vendredi 25 décembre 2015

Paracha Vayehi : Comment éradiquer l'origine de nos fautes ?


« Réouven, tu es mon aîné, ma force et les prémices de ma vigueur ; le premier en dignité, le premier en puissance. Impétueux comme l’eau, tu ne seras plus en première place ! Car tu es monté sur le lit paternel, tu as profané Celui Qui réside au-dessus de ma couche. » [1]...



Le Séfer Beréchit termine par les bénédictions que Yaacov Avinou donna à ses fils ; certaines de ces « bénédictions » apparaissent en réalité comme de fortes réprimandes.
C’est le cas de Réouven, l’aîné des douze tribus – Yaacov lui reproche l’impétuosité qu’il manifesta en déplaçant la couche de son père. [2].
Les commentateurs expliquent qu’en tant que fils aîné, Réouven aurait dû bénéficier de privilèges spéciaux tels que la malkhout (royauté), la kehouna (sacerdoce) et le droit d’aînesse (double part réservée au premier-né). Or, en raison de son attitude impulsive, Yaacov lui retira ces trois avantages. Cette sévère sanction semble difficile à comprendre ; ‘Hazal font l’éloge de Réouven qui a fait techouva de sa faute. [3]
En effet, Rachi, dans Parachat Vayéchev, note que Réouven n’était pas présent lors de la vente de Yossef, parce qu’il jeûnait et s’isolait, vêtu de toile à sac, parce qu’il avait délocalisé le lit de son père [4] — la vente se déroula plusieurs années après l’incident en question, et Réouven se repentait continuellement sur son méfait. Après une techouva si sincère de la part de Réouven, pourquoi Yaacov n’accepta pas ses regrets, pourquoi cette faute eut-elle encore des conséquences fâcheuses ?!
La clé pour répondre à cette question semble figurer dans les Hilkhot Techouva du Rambam. Après une analyse profonde sur la façon dont il faut se repentir de ses fautes, le Rambam ajoute qu’il existe un autre aspect fondamental concernant la techouva. Il écrit : « Et ne crois pas que la techouva n’est nécessaire que pour les actes, comme l’immoralité, le vol, etc.
De la même manière que l’on doit se repentir pour ces actions, il faut sonder ses défauts et s’en défaire ; il s’agit par exemple de la colère, de la haine, de la jalousie… Et ses fautes sont plus nuisibles que celles qui sont accompagnées d’un acte, parce que quand une personne en est imprégnée, il lui est très difficile de s’en débarrasser. » [5]
Nous apprenons de ce Rambam qu’en plus du repentir concernant les mauvaises actions, nous devons faire techouva sur les midot (traits de caractère). Il note, de surcroît, qu’il est plus laborieux de se repentir des mauvaises midot que des mauvaises actions.
Le Gaon de Vilna précise que chaque faute résulte d’une mida négative [6] ; donc, quand quelqu’un transgresse un interdit, il fait preuve d’un mauvais trait de caractère. Ainsi, chaque faute nécessite deux niveaux de techouva – l’un pour l’acte et l’autre pour la mida qui en est à l’origine.
Il semble que Réouven se soit repenti de l’acte lui-même, mais qu’il n’ait pas réussi à effacer complètement le mauvais trait de caractère qui l’entraîna à faillir.
Cette réponse est cautionnée par l’explication du rav ‘Haïm Chmoulewitz concernant la réprimande que Yaacov adressa à Réouven. Sur la base du commentaire de Rachi, il souligne que Yaacov critiquait particulièrement la précipitation de Réouven qui l’entraîna à déplacer le lit de Yaacov, plutôt que la faute même. C’est cette irréflexion qui fit démériter Réouven de la royauté et du sacerdoce. [7]
Le rav Chmoulewitz ajoute l’exemple d’un illustre personnage biblique qui se repentit de la faute commise, mais pas de la mida incarnée par l’action : le roi Chaoul se vit retirer la royauté parce qu’il ne respecta pas l’ordre d’Hachem d’anéantir Amalek. Le prophète Chemouel lui reprocha d’avoir cédé aux instances des gens qui l’incitèrent à avoir pitié d’Amalek – c’était preuve d’une modestie déplacée, c’est-à-dire qu’il n’était pas assez ferme et fort de caractère pour défendre ses propres convictions.
Après la longue réprimande de Chemouel, Chaoul avoua son erreur et se repentit. Dans ce cas, pourquoi lui retira-t-on la royauté ? Rav Chmoulewitz explique qu’il ne fit techouva que sur la faute, mais qu’il n’éradiqua pas la mida négative.
Cette mauvaise modestie l’empêcha d’être un véritable roi.
Les exemples de Réouven et de Chaoul sont très pertinents dans nos vies, dans le monde contemporain. Il est très louable de vouloir se repentir sincèrement sur les fautes passées, mais si l’on ne détecte pas la mida qui se cache derrière notre mauvais comportement et qui est l’origine de nos avérot, on ne pourra pas éviter de trébucher à nouveau.
Le reproche adressé à Réouven nous enseigne également que le fait de ne pas améliorer ses midot a une autre grave conséquence sur la réussite spirituelle. Réouven était destiné à la grandeur — il était censé représenter la malkhout (la royauté) et la kehouna (le sacerdoce) dans le Klal Israël, mais son impétuosité l’empêcha de réaliser son plein potentiel dans ces domaines. Nous en déduisons que les mauvaises midot ne nous entraînent pas seulement à fauter, mais elles font aussi obstacle à notre élévation spirituelle.
Entreprendre la tâche difficile d’améliorer notre caractère demande beaucoup de réflexion et de discussion, mais la première étape doit être de repérer la mida qui nous freine.
Il se peut que plusieurs défauts nous portent préjudice, mais il y a souvent une mida principale qui est la base de plusieurs mauvais comportements et elle est l’élément clé qui nous empêche de réaliser notre plein potentiel. On peut, pour essayer de localiser et de comprendre cette mida destructrice, discuter avec son rav ou son ami, ou bien étudier des livres de moussar qui évoquent ces diverses midot.
Une fois que la personne apprend à mieux s’analyser et se connaître, elle peut commencer à parfaire ses qualités de manière efficace et sincère.
Le mois d’Eloul est généralement une période propice à la techouva et au tikoun hamidot (perfectionnement de soi).
Cependant, si l’on ne travaille sur soi que pendant un mois par an, on ne réussira jamais à vraiment se parfaire. La seule façon d’éviter la faute et de retirer les obstacles qui nous empêchent de grandir est de travailler constamment sur le perfectionnement personnel, de manière profonde et sincère. Puissions-nous tous mériter d’être réellement de meilleures personnes.


[1] Parachat Vayé’hi, Beréchit, 49:3-4.
[2] Voir Parachat Vayichla’h, 35:22 pour le récit de cet incident.
[3] Voir Sota, 7b.
[4]  Rachi, Parachat Vayéchev, 37:29.
[5] Hilkhot techouva, 7:3.
[6] Even Cheléma.
[7] Si’hot Moussar, maamar 53, p. 228.


Rav Yehonathan GEFEN


Source Torah Box