lundi 17 août 2015

Exploitation des champs gaziers d'Israël : un accord en trompe l'œil ?


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Alors, bon ou mauvais accord ? Le gouvernement israélien a approuvé l’accord-cadre sur le gaz naturel malgré de nombreuses zones d’ombre. Le Conseil des ministres hebdomadaire a voté dimanche l’accord-cadre sur l’exploitation gazière concocté par le ministre de l’Énergie ; un seul ministre s’y est opposé, celui de la Protection de l’Environnement...

Le premier acte de la saga du gaz s’achève. L’accord sera maintenant soumis au vote des députés ; certains d’entre eux, de la majorité comme de l’opposition, ont déjà prévenu qu’ils s’y opposeraient ou qu’ils en exigeraient des amendements.
L’accord-cadre sur l’exploitation gazière en Israël ressemble étrangement à l’accord sur le nucléaire iranien : ce qu’il ne dit pas est tout aussi important que ce qu’il dit. Renvoyant dos à dos les pessimistes et les optimistes, le gouvernement israélien affirme avoir choisi la voie du pragmatisme.
Pourquoi alors cet accord majeur pour l’économie israélienne attise-t-il les passions ? Si certains articles de cet accord-cadre permettront de mieux réguler le marché de l’exploitation gazière, d’autres en revanche, laissent planer de nombreuses zones d’ombre. Voici les cinq principaux points de friction de cet accord-cadre.


DÉMANTÈLEMENT DES MONOPOLES – L’accord vise à démanteler le duopole de l’exploitation du gaz qui a été concédé à l’américain Noble Energy et à l’israélien Delek depuis les découvertes de 2009. Les deux compagnies se sont engagées à vendre une partie de leurs avoirs dans les puits Tamar et Tanin, dans les six années à venir ; le champ Léviathan ne devrait pas changer de mains.
Les détracteurs de l’accord estiment que le monopole sera maintenu malgré quelques changements structurels. Contrairement à l’exemple norvégien, en Israël ce n’est pas l’État qui a investi dans l’exploration gazière, mais les capitaux privés ; d’où la difficulté aujourd’hui d’exiger l’entrée de nouveaux investisseurs. Résultat : il n’y aura pas de réelle concurrence dans l’exploitation des champs gaziers de la Méditerranée.


CONTRÔLE DES PRIX – À défaut d’une véritable concurrence, le gouvernement israélien a promis d’exercer un contrôle sur le prix du gaz qui sera vendu aux producteurs d’électricité. L’accord prévoit un prix plafond (4,7 dollars l’unité énergétique), qui est inférieur de 16% au prix actuel.
Les détracteurs estiment que le prix plafond reste élevé et son contrôle inefficace ; il dépendra aussi du cours du dollar face au shekel, et il sera donc sujet à de forte variations.


DÉVELOPPEMENT DES CHAMPS – L’accord-cadre oblige les compagnies pétrolières à accélérer le développement des champs pétroliers, notamment le plus important d’entre eux, Léviathan. Les compagnies devront consacrer 1,5 milliard de dollars au développement des puits d’ici à 2017.
L’aspect problématique de cet article est qu’il est dénué de sanctions réelles ; si les compagnies ne remplissent pas leurs engagements d’investissement, l’accord serait annulé. Théoriquement, l’Etat pourrait nationaliser les champs, mais il affirme déjà qu’il n’a pas l’intention de le faire.


RÉGULATION DE L’ÉTAT – L’État s’engage à ne pas modifier l’accord-cadre jusqu’en 2025 ; une clause prévoit aussi une possibilité de prolongation jusqu’en 2030. Cette décision garantit aux compagnies une stabilité de la régulation de l’État au cours des dix prochaines années.
La régulation est un des points les plus controversés de l’accord. L’État s’est engagé à ne pas changer les règles du jeu au cours des 10 ou 15 prochaines années ; ce qui laisse les mains libres aux compagnies pour agir à leur guise. En l’absence de sanctions efficaces, aucune menace sérieuse ne pèsera sur les compagnies qui ne respecteraient pas leurs engagements.


GAZODUC SUPPLÉMENTAIRE – Pour de nombreux experts, l’absence d’obligation de construire un nouveau gazoduc est un des « trous » de l’accord-cadre. Or pour accélérer l’exploitation du gaz et en exporter une bonne partie vers les pays voisins (notamment vers l’Egypte), il sera nécessaire de relier le champ Tamar à la côte israélienne par un autre gazoduc.


Jacques Bendelac (Jérusalem)


Source Israel Valley