mercredi 9 juillet 2014

Marie-Angèle Thulau, « Juste parmi les nations »


Marie-Angèle Thulau, âgée de 99 ans, et qui avait caché une petite fille juive pendant la Seconde guerre mondiale, sera décorée aujourd'hui de la médaille des «Justes parmi les nations». En 2007, année où Jacques Chirac et Simone Veil avaient inauguré une inscription dans la crypte du Panthéon (Paris) pour rendre hommage à ceux qui ont hébergé des enfants juifs pendant la seconde guerre mondiale, ils étaient moins de 250 encore en vie en France...



Aujourd'hui, à partir de 15 heures, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc remettra la médaille des «Justes parmi les nations» à Marie-Angèle Thulau, âgée de 99 ans. Avec ses trois filles et son mari, entré en résistance dans le maquis de Caubiac au nord-est de Toulouse en Haute-Garonne, elle a pris sous son aile la petite Reine Bujor, 8 ans sous l'occupation et décédée en 2010 à l'âge de 77 ans aux États-Unis où elle était partie vivre après la guerre et où elle s'est mariée pour devenir Reine Borg.
Son cousin, Marc Bujor, âgé de 71 ans et qui vit aujourd'hui à Paris, est à l'origine de la médiatisation de cette histoire simple et poignante. En souvenir de sa cousine Reine, mais aussi de son oncle Nathan et sa tante Nina, il a lui-même déposé un dossier de reconnaissance au titre de «Justes parmi les Nations» au Mémorial de la Shoah à Jérusalem (Yad Vashem) pour Lucien Thulau, décédé en 2004, et son épouse Marie Angèle Thulau.
Il a également immortalisé le témoignage de Marie-Angèle, dans un court-métrage qui revisite les lieux emblématiques de Caubiac, là où Reine, devenue la «quatrième» fille des Thulau, a été sauvée de la barbarie nazie.

«Elle est votre sœur…»

«Le père de Reine était parti dans la résistance avec mon mari et puis sa femme, Nina, est venue me demander de cacher sa fille, se souvient Marie-Angèle Thulau qui habite à Toulouse. Je lui ai dit, moi j'ai mes trois filles – Monique, Yvonne et Lilianne –, nous sommes à la campagne, nous travaillons la terre. Trois semaines après, elle est revenue avec la petite. Elle est restée avec nous, je m'en suis occupée, mais j'ai dit à mes filles, Reine est comme votre sœur et on l'a inscrite au nom de Thulau à l'école. Et au catéchisme aussi où elle se rendait avec mes filles. Elle a d'ailleurs fait sa première communion comme mes filles. Il fallait bien le faire. On s'était arrangé avec le curé, qui nous a dit : ne vous en faites pas, elle fera sa première communion comme les autres. Sans dire à personne qu'elle était juive. Seuls le prêtre, l'instituteur et le maire du village de Caubiac étaient au courant».
Pour témoigner de la présence de Reine Bujor à Caubiac, il y a aussi le récit émouvant de Nicole Serniguet, copine de classe de Reine, dont le souvenir «est resté dans mon cœur, même longtemps après qu'elle soit allée vivre en Amérique». «Elle est arrivée à l'école, se remémore Nicole Serniguet, et, comme tous ces enfants de la campagne dans ces années lointaines où on était coupé du monde, nous l'avons d'abord regardé comme un être venu d'une autre planète. Et je crois pouvoir dire que j'ai eu un coup de cœur très intense pour elle, car je me suis attachée. Le souvenir de Reine est resté en moi malgré ensuite son absence».
 
3 769 Justes en France
Selon le Comité français Yad Vashem, 3 769 «Justes parmi les nations» ont été reconnus jusqu'à ce jour en France. En 1953, l'assemblée législative de l'État d'Israël (la Knesset) décida d'honorer «les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs».


Gérald Camier

Source La depeche