Une opération financée par la diaspora juive. La structure du bâtiment, vieille de presque un siècle, est intacte.
Mais le souffle de l’explosion du 4 août a arraché les portes et fait voler les vitres en éclats. Les débris ont endommagé les carreaux au sol, les bancs et la peinture des murs.
Des dommages, dont le coût est estimé à 150 000 dollars, qui restent toutefois minimes comparés à ceux d’autres constructions de la ville. Ultime vestige de Wadi Abou Jmil dévasté par la guerre civile du Liban (1975-1990), un quartier largement rasé, par la suite, par les développements immobiliers lancés par Solidere, la synagogue a été construite en 1926, à l’initiative de Moise Abraham Sassoon et de Josef David Farhi, sur un terrain offert en 1920 par Raphaël Levi Stambouli.
Cette construction, à l’instar d’autres bâtiments et lieux de culte du centre de Beyrouth, n’a pas été épargnée par les bombardements de la guerre civile, les squats et les longues années d’abandon.
Au sortir de la guerre, la synagogue n’avait plus de toit, l’autel avait été démonté et emporté, les banquettes avaient disparu, de même que les fenêtres en bois massif et leurs cadres en marbre.
Tout ce qui n’avait pu être volé avait été saccagé. Seule la double rangée d’arcades en marbre déployée sur 28 mètres x 15 mètres, et 12 mètres sous-plafond avait résisté à la guerre, aux pillards et au temps.
Après que les canons se sont tus, il a fallu encore beaucoup de temps pour que l’idée de restaurer Maghen Abraham fasse son chemin et obtienne l’unanimité de la classe politique libanaise.
Les fonds nécessaires à la restauration ayant été collectés auprès des membres de la diaspora juive, le chantier fut finalement lancé en 2010. Et c’est un lifting complet dont va alors bénéficier Maghen Abraham.
Un couple, Anthony et Zeina Awad, spécialistes dans la restauration de la peinture murale, va redonner au lieu tout son lustre.
Voûte et angles sont constellés de rosaces et d’étoiles de David aux branches peintes à la feuille d’or. L’abside est reconstituée à l’identique pour accueillir le coffret en argent renfermant les rouleaux sacrés (ou Sefer Torah). Cette copie du texte hébreu des Cinq Livres de Moïse est un véritable trésor pour la communauté.
Écrit à la plume, sur une sorte de parchemin, il contient 304 805 lettres. La moindre erreur lors de l’inscription rend la copie non valide. « Il a été offert par la famille de Moise Sassoon pour célébrer les 25 ans de la construction de la synagogue.
En 1976, durant la guerre civile, le pharmacien Joseph Farhi a réussi à déposer ce symbole juif à la banque Safra en Suisse, où il restera en sécurité pendant plusieurs années, jusqu’à la rénovation des lieux », raconte Nagi Gergi Zeidan, auteur d’un récent ouvrage intitulé Juifs du Liban, le fruit de vingt-cinq années passées à rechercher une communauté oubliée et dispersée aux quatre coins de la planète.
La présence des juifs au Liban a été officialisée en 1936, lorsque les Israélites deviennent l’une des dix-huit confessions du pays. « Aujourd’hui, il n’en reste que 29 », selon Nagi Gergi Zeidan.
Ils étaient vingt mille avant 1948. Leur nombre a ensuite augmenté avec l’afflux des familles de Syrie et d’Irak, venues « renforcer le rôle des juifs libanais dans le secteur des affaires, avec des grandes familles de banquiers comme les Safra ou les Zilkha », dit-il.
La guerre des Six-Jours en 1967, puis la guerre civile de 1975 et l’invasion israélienne en 1982 les a poussés à l’exil. Ils se sont réfugiés en France, en Israël, en Amérique du Nord et en Amérique latine.
« Le seul grand rabbin dans le monde arabe actuel est Élie Abadi, fils de Yaacoub, né en décembre 1960 à Beyrouth. Il a été nommé le 16 octobre 2020 pour siéger aux Émirats arabes unis », révèle encore M. Zeidan.
En plus de la Maghen Abraham à Beyrouth, la communauté juive avait bâti des synagogues à Aley (1895), Bhamdoun (1950) et Saïda. Mais la plus ancienne est celle de Deir el-Qamar.
Elle date du XVIIe siècle et se trouve dans l’ensemble du Sérail de Fakhreddine, dominant le souk de la soie. Elle a été vendue en 1900 par les autorités rabbiniques de l’époque.
Sa restauration dans les années 1990 en a fait disparaître tout signe religieux. L’acte de vente traduit par Nagi Girgi Zeidan précise que la communauté israélite émigrée depuis 40 ans de Deir el-Qamar à Beyrouth avait délégué Ishac Efendi Chaaban Srour pour vendre la synagogue à deux habitants du Deir, Daoud Raad Chamoun et Iskandar Mansour al-Kabah, pour un prix s’élevant à 60 livres françaises.
Source L'Orient le jour
Vous nous aimez, prouvez-le....