C'est la première fois que Giselle El Raheb porte tant d'attention à du sport. Pourtant, voilà deux jours qu'elle vit au rythme de cette satanée grande boucle. Satanée parce que ce Tour de France, elle le répète, est celui de la « complicité » et des « compromissions ».
Vis-à-vis d'Israël et de sa politique, « meurtrière ».
Cette année, deux petits nouveaux font leur apparition sur les routes de la grande boucle.
L'équipe Israël Start-Up Nation, tout d'abord, mais aussi son coureur Guy Niv, premier israélien à s'élancer dans cette épreuve.
« Une provocation, éructe-t-elle depuis son appartement de La Rochelle (Charente-Maritime). Ce qu'ils veulent, c'est faire oublier l’apartheid, le masquer grâce au vernis du sport. Et la France, comme la communauté internationale, laisse faire. Pire, ils encouragent cette opération blanchiment ! ».
Cette colère, ce serait dommage de la garder pour soi.
D'ailleurs, Giselle n'a pas vraiment pour habitude de garder ses coups de gueule pour elle. Le Parti communiste local, dont elle a été adhérente, le sait bien.
« J'ai dénoncé une tentative de fraude et ils ont voulu me virer, rapporte-t-elle. Mais c'est moi qui suis partie ! ».
Son maillot du FC Ménilmontant sur les épaules, aux couleurs de la Palestine, elle déplie les tracts, les notes.
Un bazar qui vient s'ajouter au fouillis déjà présent dans son appartement. Entre vieilles reliques et affiches gauchistes.
Sur son frigo, un autocollant « L'humain d'abord ! » et toute une série de gribouillis au feutre Velleda. Un vide-grenier de 20 m2. « Demain, ça va être énorme », dit-elle, en avançant ses lunettes.
Demain, comme aujourd'hui d'ailleurs, Giselle et quelques « camarades » ont prévu de passer à l'action sur les routes du Tour. « Pour dire à Israël que nous sommes, là, vigilants ».
Et ça se passera à Coulon, dans les Deux-Sèvres. Au kilomètre 61 de cette onzième étape. Elle ne pourra y être, mais d'autres prendront le relai. Elle griffonne quelques mots sur un papier.
« Voilà, vous les appelez pour moi, ils vous donneront toutes les indications après avoir effectué des repérages ce soir. Moi, je ne peux rien vous dire pour le moment ». C'est donc ça, une opération commando.
Le soir même, un mail nous est envoyé. C'est Catherine Longueville, 60 ans, qui tient la plume.
« Le rendez-vous n'est plus dans la commune de Coulon, trop compliqué, écrit-elle. Rendez-vous au sud de Benet, autour de 12 heures. Nous serons avec nos drapeaux dans la campagne, visibles ».
En pièce jointe, un scan d'une carte routière d'un autre temps où apparaissent des départementales qui n'existent plus.
« En vert, la route pour le rendez-vous. En rouge, la route empruntée par les cyclistes ». Le lendemain, une heure avant l'heure de rendez-vous, pour éviter la fermeture des voies, nous y sommes.
Plus d'une heure plus tard, pas de nouvelle. Puis un coup de fil.
Catherine : « Nous nous sommes déplacés du côté de Saint-Rémy, au croisement de la D648 et de la D123, c'était plus sûr, rejoignez-nous ». Les routes sont fermées, et huit kilomètres nous séparent. Il va falloir marcher pour rejoindre le maquis.
Après une série de mirages, de sollicitations - « vous pouvez nous prendre en photo m'sieur ? » - et d'encouragements à « ne rien lâcher » à la façon d'un Yohann Diniz (mais sans problèmes gastriques), nous voilà avec la joyeuse équipe. Ils sont six.
Les drapeaux palestiniens, eux, qu'ils ont disposés tout autour, sont encore plus nombreux. Il y a Catherine, bien sûr, grand-mère extrêmement sympathique, adhérente pour sa part de l'AFPS (Association français Palestine Solidarité). Mais aussi Gislaine, 62 ans, aux faux airs de Corinne Masiero, membre pour sa part de BDS (Boycott désinvestissement et sanctions).
Des associations amis, disent-elles, même si par moment leurs discussions ont tout de la cordialité d'un congrès du Parti socialiste.
« - Cette action, c'était nous ! ; - Oui mais l'association pivot, c'est la nôtre ». Une action a cependant été menée en commun : l'envoi de lettre aux trois Français de l'équipe israélienne et au directeur du Tour de France pour les « sensibiliser ». Ils n'ont jamais eu de réponse.
Cette action sur le Tour de France, pour s'opposer au « blocus de Gaza », à « l'occupation de la Palestine », et pour promouvoir « la paix », disent-ils s'inscrit dans un ensemble d'actions.
Chaque jour, sur le Tour de France, une poignée de militants des deux mouvements occupent les bords de route pour hurler leurs slogans.
Au choix : « Israël apartheid nation » ou « Israël hold up nation », caricaturant le nom de la fameuse nouvelle équipe porte-drapeau de l'Etat hébreu. « On est pacifique », promettent-elles en choeur.
Bien que les autres spectateurs, venus uniquement pour la petite reine, ne semblent pas en être si convaincu tant ils les dévisagent.
« Il y a des gens intéressés, qui savent très bien ce qu'il se passe, explique Catherine.
Et d'autres qui nous disent de ne pas tout mélanger. Le plus souvent, ce sont des retraités ». Pas de chance, cette année, ce Tour est celui des aînés.
Crier ne suffit pas. Alors, le plus souvent, leurs opérations se transforment en« atelier d'éducation populaire », expliquent-elles.
Pas aujourd'hui, les spectateurs Deux-Sévriens n'ayant pas l'air très coopératif. Mais habituellement, si, promet Giselle. « On tente de les mettre en situation, décrit-elle.
On leur dit : imaginez la France grignotée par Israël. Et qu'à la fin, il ne reste que la Bretagne et un petit quartier de la région parisienne perdu au milieu de nulle part.
Et bien la situation de la Palestine, c'est celle-là messieurs dames ! ».
Outre les deux dames, Pierre est également venu participer à la manifestation. À la retraite depuis dix ans, l'ex-DRH pour une « grosse boîte » de l'industrie est de tous les mouvements.
Membre d'Attac et opposant à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ce fidèle lecteur du Monde Diplomatique est donc aussi défenseur de la cause palestinienne.
« Allez-y, vous reviendrez changé ! », répète-t-il, mystérieux, frottant sa barbe blanche. Seule Giselle peut le concurrencer : bénévole pour SOS Méditerranée et précédemment interprète dans la « jungle de Calais ».
Assis sur sa petite chaise pliante, Pierre bondit à chaque fois qu'une voiture Israël Start-Up Nation apparaît.
Ses camarades suivent, entre huées et slogans hostiles. La même opération sera répétée au passage des coureurs.
À côté, enfants, parents et cyclistes amateurs qui préfèrent les shorts moulants aux sarouels, les observent, interrompant par moment leur pique-nique entre deux bouchées.
Étrangement, les conducteurs comme les passagers les saluent gaiment. « Ils doivent pourtant reconnaître le drapeau ! », se demande-t-on, interloqué.
Quand une voiture de l'équipe Bahrain-McLaren, menée par l'espagnol Mikel Landa, s'arrête pour mesurer le vent, Pierre tente de lancer une conversation politique dans un anglais hésitant. Sait-on jamais.
« Bahrein not nice with Palestine ! », lance-t-il.
« Désolé mais nous n'avons pas le temps, nous sommes en retard », répond le conducteur dans un français impeccable avant de disparaître. La diplomatie est une matière qui a besoin de temps.
« Et d'argent ! », insistent-ils, en référence au milliardaire Sylvan Adams, qui a investi dans la création de cette équipe pour changer l'image de son pays. Son nom est sur toutes les lèvres. Pas celui de Caleb Ewan, vainqueur de l'étape. Étrangement.
Comment est-il possible que la loi française permette a des individus de harceler d'autres individus au nom de leur appartenance a un pays, a une religion ou tout simplement a une équipe sportive ? Cela je le crois n'est possible qu'en France.......
Pas grave , les chiens aboient et la caravane passe !
Source Marianne & Koide9enisrael
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