Celui qu'on surnommait « un sioniste à part » avait présidé de 1983 à 1989 le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). C'est lui qui fut à l'origine du fameux dîner annuel de l'institution, qui réunit notamment le Premier ministre ou le chef de l'Etat.
Il avait aussi présidé le Congrès juif européen.
Elégant, cheveux souvent en désordre, ce séducteur à l'allure d'intellectuel contestataire n'a jamais cessé de se faire l'avocat des valeurs laïques et républicaines françaises. « Le lieu de ma culture est la France, le lieu de ma spiritualité est Israël », soulignait-il.
Cadre de la Résistance juive
Né le 25 juin 1920 à Paris, cet arrière-petit-fils du grand rabbin de Colmar et fils d'un médecin a été scout chez les éclaireurs israélites.
Pendant l'Occupation, la famille se cache. Son père, membre du consistoire, reste à Paris. Théodore devient, lui, dans les années 1942-1944, l'un des responsables de la Résistance juive en France.
Après Sciences-Po, il étudie le droit avant de devenir avocat à la cour d'appel de Paris en 1945 et au barreau de Jérusalem à partir de 1970. Il dirigera par la suite un des grands cabinets d'affaires parisien, surplombant les Champs-Elysées.
C'est au début des années 1950 qu'il va pour la première fois en Israël : « J'ai eu le sentiment de rentrer chez moi.
Cela peut paraître stupide. C'est comme ça. J'ai une double nationalité, que j'assume et qui me donne un équilibre parfait ».
« Théo Klein était républicain dans son rapport à la France, libéral dans son rapport au judaïsme, humaniste et ouvert dans son rapport à l'autre », a résumé le président de SOS Racisme Dominique Sopo en lui rendant hommage mardi.
Critique sur la politique extérieure d'Israël
Théo Klein a souvent tenu des positions critiques contre la politique extérieure d'Israël et ses soutiens, en particulier le philosophe Alain Finkielkraut.
« Je me bats pour que la reconnaissance de la Palestine vienne du gouvernement d'Israël et ne soit pas imposée à son peuple par une pression extérieure », estimait-il en 2002.
L'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères Hubert Védrine avait estimé, toujours en 2002, que « son autorité morale incontestable lui permettait de contredire tranquillement beaucoup d'assertions martelées par la droite israélienne ».
En 1988, il avait écrit avec Hamadi Essid, chef de la mission de la Ligue arabe de Paris, « Deux vérités en face », un ouvrage dans lequel chacun donnait sa vision du conflit israélo-arabe.
En 2012, il avait dénoncé l'engagement d'un de ses successeurs à la tête du Crif, Richard Prasquier, contre le journaliste de France 2 Charles Enderlin pour un reportage en 2000 sur la mort d'un enfant palestinien à Gaza, au début de la seconde Intifada.
Ami de Shimon Peres
Père de quatre enfants, ce passionné de textes hébraïques ainsi que d'histoire et de géographie de la Terre sainte a, plusieurs années, présidé le musée d'art et d'histoire du judaïsme, à Paris.
Ses rapports avec les rabbins étaient compliqués, certains le traitant de « gauchiste ». Théo Klein, proche des socialistes, n'a jamais caché qu'il était libre penseur et agnostique.
« Dieu ne m'a jamais tourmenté, il faisait partie du paysage, à la fois omniprésent et absent », disait cet ami de l'ancien leader travailliste israélien et président Shimon Peres, tout en ajoutant qu'« on peut lire la Torah sans être croyant ».
Evoquant en 2001 les violences commises en France contre des membres de la communauté juive, Théo Klein avait estimé que « le phénomène de violence dans les banlieues ne concerne pas seulement les juifs. Toutes les frustrations se traduisent par des violences ». « Avant d'employer le mot antisémitisme, avait-il souligné, il faut y réfléchir à deux fois ».
« Je ne suis pas juif parce qu'il y aurait eu la Shoah et que j'aurais pu être parmi les victimes », assurait-il. Il savait que ses opinions divisaient les Juifs de France : « Certains tournent la tête quand ils me voient. Mais il y en a d'autres qui me disent merci (pas toujours à haute voix) ».
Source Le Parisien
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