Le Point : Selon les données communiquées par le ministère de l'Intérieur, les faits antisémites sont de nouveau en hausse (+ 27 %), après le bond de + 74 % enregistré en 2018. Pas moins de 687 faits ont été comptabilisés par les services de police. Comment expliquer cette poussée ?
Frédéric Potier : Ce qu'on peut noter par rapport à l'an dernier, c'est qu'il y a une hausse qui est mesurée.
Elle s'explique en partie par une augmentation des menaces (+ 50 % en un an) et des discours de haine, plus que par des atteintes aux personnes ou des dégradations de biens.
Sur ces actions, les statistiques sont en nette diminution. Face à ces tendances inquiétantes, il y a tout de même une petite note d'espoir qu'il ne faut pas occulter, puisque les faits les plus graves reculent (les atteintes aux personnes ont reculé de 44 % par rapport à 2018, NDLR).
Toutefois, cette progression de l'antisémitisme se traduit par une montée des extrémismes identitaires, un climat de tension anxiogène général.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les actes racistes montent en même temps que les actes antisémites ou antimusulmans. Il y a une forme de matrice de la haine, qui est le rejet de l'autre, le rejet de la tolérance.
Quelles sont, selon vous, les causes exactes de cette poussée de l'antisémitisme ?
Je distingue trois sources. Il existe évidemment un islamisme radical, qui se traduit par des actes striés, et des formes de communautarismes qui sont très présents et qui ont été clairement dénoncés par les plus hautes autorités de l'État.
Il y a aussi la résurgence de l'extrême droite, de groupuscules qui ont réalisé un certain nombre de dégradations, comme on l'a vu notamment dans les cimetières juifs alsaciens. Je dirais donc que le nouvel antisémitisme n'a pas fait disparaître l'ancien…
La dernière source d'antisémitisme, c'est évidemment la haine d'Israël, qui sert de masque à l'antisémitisme.
Ces trois problèmes ne datent pas d'hier, ils ont été identifiés et dénoncés depuis longtemps. Dès lors, comment lutter contre ces différentes formes d'antisémitisme ?
Ces sources-là ne disparaissent pas d'un coup de baguette magique. Ce qu'on essaye de privilégier, ce ne sont pas de grands discours moralisateurs, mais des actions très concrètes.
Sur les discours de haine, il y a notamment la proposition de loi de Laetitia Avia, qui doit permettre de supprimer en 24 heures les contenus de haine sur Internet.
S'agissant des faits antichrétiens, leur nombre est assez stable sur l'année 2019 (1 052 faits recensés), et le nombre d'actes antimusulmans, quant à lui, demeure assez faible (154 faits). Si l'on ne peut que s'en féliciter, comment expliquer la forte différence avec les chiffres concernant l'antisémitisme ?
Il y a une difficulté qui est inhérente à ces chiffres-là : il y a quand même une explosion des actes racistes (qui ont augmenté en 2019, avec 1 142 faits comptabilisés, contre 496 en 2018, NDLR).
Quand une personne se fait insulter de « sale Arabe » dans la rue, ça ne va pas figurer dans la liste des actes antimusulmans, mais dans celle des actes racistes.
Il y a donc une difficulté à saisir tous ces chiffres-là.
Si je prends le côté vraiment religieux concernant les méfaits antichrétiens, ça vise surtout les cimetières.
Là aussi, c'est parfois assez difficile de savoir ce qui dépend d'une profanation avec motivation idéologique ou d'un acte de pur vandalisme.
Vous parliez plus haut de la profanation des cimetières juifs en Alsace, la région est-elle aux prises à l'antisémitisme ?
Je ne dirais pas qu'il y a un antisémitisme alsacien, mais il y a effectivement des groupuscules très actifs, avec des signes de reconnaissance très directs, comme l'utilisation des chiffres 1-8, qui correspondent aux initiales d'Adolf Hitler.
On a affaire à ce type de groupuscules, ils ne sont pas très nombreux, mais, hélas, ils sévissent beaucoup.
C'est la raison pour laquelle le ministre de l'Intérieur a annoncé la création d'un « office national de lutte contre la haine » au sein de la gendarmerie.
Source Le Point
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