dimanche 27 octobre 2019

Turquie : Recep Tayyip Erdogan, le national-islamiste


La trajectoire politique d’Erdogan a été exemplaire. Ses objectifs clairs, affirmés et confirmés à maintes reprises : Redonner une place centrale à la Turquie et prendre le leadership de l’Islam sunnite dans le monde. En effet, Erdogan souhaite détricoter tout ce que Kemal Atatürk a fait. La rupture kémaliste était vécue comme un traumatisme par Erdogan........Décryptage........



Au début de sa carrière Erdogan s’est rapproché de Necmettin Erbakan. Après avoir constaté que celui-ci n’allait pas assez loin dans l’islam politique, il l’a quitté, a créé l’AKP (Parti de la justice et du développement) en siphonnant le REFAH d’Erbakan (Parti de la prospérité).
Cet état des choses a changé fondamentalement avec l’arrivée, en 2002, au pouvoir en Turquie, des islamistes de l’AKP, avec à leur tête Recep Tayyip Erdogan. S’appuyant sur les masses populaires et surfant sur la vague de la croissance économique extraordinaire de la dernière décennie, Erdogan a imposé petit à petit l’islam comme le ciment de la société et de l’Etat turc. Il a réussi à ringardiser totalement les élites laïques, noyées dans les affaires et en manque de leadership charismatique. L’Etat laïc dont rêvait Atatürk est devenu peau de chagrin.
Ahmet Davutoglu, le maître à penser et idéologue de cette politique, estimait que le retrait et le désintérêt marqué d’Ankara pour l’ancien espace ottoman a créé un décalage défavorable à la Turquie moderne. Il considérait que la Turquie moderne, née des révolutions menées par Atatürk, n’avait rien accompli de bon, excepté l’invasion à Chypre et le succès obtenu à Alexandrette (gagnée aux dépens des Syriens - et devenue Iskenderun - après une intervention musclée de l’armée turque à la fin du Mandat français dans les années 1930).
La Turquie devait redevenir un « Etat central » sur l’échiquier mondial et le leader et du monde arabo-musulman. Pour cela il n’hésite pas à instrumentaliser la question palestinienne ou tout autre question s’y prêtant.
Pour arriver à imposer sa conception de l’Etat, le tandem Erdogan-Davutoglu ont procédé à l’instrumentalisation des principes de la démocratie occidentale : au nom de la démocratie et de cette liberté, le pouvoir turc a remis le foulard dans les universités, a interdit la vente d’alcool à proximité des lieux de culte, pratique le prosélytisme à l’encontre des Alévis, etc.
Sur la scène régionale différents sujets sont en souffrance. Voyons comment la Turquie envisage les questions européennes ainsi que ses relations avec les pays de son voisinage :
- Union européenne : La Turquie ne comprend pas pourquoi elle doit changer quoi que ce soit dans son comportement et son attitude dans ses relations avec l’Union européenne. A la limite, ce n’est pas à elle d’adopter l’acquis communautaire pour adhérer à l’Union européenne, c’est, si j’ose dire, à l’Union européenne d’adopter le mode de vie et de comportement turcs, afin que l’adhésion de la Turquie soit possible sans heurts ! Nous pouvons aller encore plus loin : si l’Europe ne veut pas accepter la « particularité turque », comme disent la plupart des politiciens turcs, alors la Turquie constituera à elle seule, un pôle d’attraction, « un centre », plus important que l’Europe, qui concurrencera cette dernière. La conclusion est aisément tirée : soit l’Europe cède à la Turquie sans aucune condition, soit elle sera marginalisée dans le monde turco-centrique !
- Sur Chypre, la Turquie joue le temps. En schématisant, nous pouvons affirmer que son objectif est de conserver tous les « acquis » de l’invasion, avec le contrôle total de la partie nord de Chypre et acquérir, parallèlement, un droit de regard sur l’ensemble de l’île. De plus, aux yeux d’Erdogan l’occupation de la partie nord de Chypre constitue aussi une victoire pour l’islam, un djihad réussi en quelque sorte, raison de plus qui ne milite pas pour un changement de la politique turque à l’égard de l’île méditerranéenne.
- En ce qui concerne la Syrie, Erdogan, après avoir tenté de jouer aux intermédiaires de paix entre la Syrie et Israël, a fait de la chute d’Assad son cheval de bataille, quitte à soutenir comme il l’a fait, les groupuscules islamistes radicaux. Son souci principal était d’empêcher la création d’une quelconque entité kurde à sa frontière sud ; il est en passe de réussir…
- En Irak, elle apporte son soutien aux sunnites contre les chiites, quitte à appuyer l’Etat Islamique, en laissant transiter par son territoire les islamistes de toute provenance pour aller renforcer ce monstre moyenâgeux ou en permettant le transit par son territoire du pétrole des puits saisis en Irak et en Syrie par l’EI et vendu au marché noir par les islamistes, le plus souvent aux trafiquants turcs.
- Les relations avec Israël ont été détériorées de façon durable depuis l’affaire du Mavi-Marmara.
- La question du génocide arménien est au point mort : aucune volonté et aucun signe de sa reconnaissance par la Turquie, à la veille de son centenaire. D’autre part, la Turquie maintient toujours ses frontières avec la petite république caucasienne fermées, ce qui crée des difficultés supplémentaires à cette dernière.
Le coup d’État manqué de juillet 2016 lui a fourni le prétexte idéal pour imposer sa manière de gouverner : l’autoritarisme et le pouvoir personnel et d’écarter tous ses rivaux dont Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis ; il est en train de créer le véritable État islamique en Turquie.

Source Agoravox
Vous nous aimez, prouvez-le....


Suivez-nous sur FaceBook ici:
Suivez nous sur Facebook... 
Sommaire
 Vous avez un business ?