mercredi 23 octobre 2019

Syrie : Trump veut « garder le pétrole »


Le président américain a annoncé qu'il maintiendrait une présence américaine résiduelle pour sécuriser les hydrocarbures de l'Est syrien. " J'ai toujours dit, si on y va, gardons le petrole", a declaré  lundi Donald Trump depuis la Maison-Blanche au sujet de l'intervention americaine en Syrie.......Décryptage.........



Les tomates jetées sur les blindés américains quittant la ville syrienne de Qamichli symbolisent la débâcle des États-Unis en Syrie. La décision de Donald Trump de rappeler du jour au lendemain le millier de soldats encore présents dans le pays le 13 octobre dernier a en effet ouvert la voie à l'invasion turque du nord-est du pays et contraint les forces kurdes, pourtant alliées de Washington contre Daech, de se ranger du côté du régime syrien et de renoncer à ses projets d'autonomie. 
Abandonnées par les militaires américains, les bases depuis lesquelles ces derniers coordonnaient la lutte antidjihadiste ont été réinvesties par les forces spéciales russes. 
Et le chaos provoqué par l'intervention de la Turquie a entraîné l'évasion du camp de réfugiés d'Aïn Issa d'environ 800 proches de djihadistes, favorisant ainsi la résurgence de l'organisation État islamique.
La débandade américaine, contraire aux intérêts des États-Unis et de leurs alliés dans la région, a été fustigée à Washington – du Pentagone jusqu'au camp républicain, et a poussé Donald Trump à faire quelque peu marche arrière. Lundi, le pensionnaire de la Maison-Blanche a déclaré qu'il maintiendrait un nombre résiduel de soldats américains en Syrie. 
À la demande d'Israël et de la Jordanie, environ 150 soldats devraient rester stationnés dans la garnison d'Al Tanf, à la frontière irako-jordanienne. 
« Il s'agit d'empêcher que les djihadistes présents dans la steppe ne profitent du retrait américain pour traverser la frontière et passer en Jordanie », explique le géographe Fabrice Balanche, maître de conférences à l'Université Lyon-2 et spécialiste de la Syrie. 
« Quant aux Israéliens, ils craignent que l'Iran [allié de Bachar el-Assad, NDLR] ne s'installe tout le long de la frontière syro-irakienne. »

Compagnies américaines

Outre le sud du pays, Donald Trump envisage également le maintien de troupes américaines dans l'est de la Syrie. 
Selon le New York Times, qui cite un haut responsable américain, le Pentagone travaille actuellement sur un plan prévoyant le maintien de 200 forces spéciales à la frontière syro-irakienne, notamment pour effectuer des missions de contre-terrorisme et ainsi prévenir la résurgence de Daech. 
À cette fin, ces soldats seront appuyés de leurs collègues stationnés de l'autre côté de la frontière, dans les bases américaines situées dans la province d'Al-Anbar, à l'ouest de l'Irak.
Pourtant, le président des États-Unis a évoqué ce lundi une tout autre raison justifiant selon lui le maintien de forces américaines en Syrie. 
« J'ai toujours dit, si on y va, gardons le pétrole », a déclaré Donald Trump depuis la Maison-Blanche, selon des propos rapportés par l'Agence France-Presse. Et d'ajouter que les États-Unis pourraient « peut-être envoyer l'une de [leurs] grandes compagnies pétrolières pour le faire correctement ».

Propriété de l'État syrien

Ces propos ont provoqué l'ire de Bret McGurk, l'ex-envoyé spécial de la présidence américaine auprès de la coalition anti-Daech. 
« Mais quel pétrole ? Nous étions en Syrie pour protéger le peuple américain de Daech. Notre armée ne saisit pas de pétrole étranger », a réagi sur Twitter l'ancien diplomate, qui a démissionné de son poste en décembre 2018 après l'annonce par Donald Trump d'un premier retrait de forces américaines en Syrie, passant à l'époque de 2 000 à 1 000 soldats. 
S'exprimant lundi devant le centre de réflexion américain Foundation for Defense of Democracies, Bret MacGurk a rappelé que le pétrole en Syrie était la « propriété de l'État syrien ». 
« Il est simplement illégal de la part d'une entreprise américaine de se saisir et d'exploiter ces champs », a-t-il souligné.
Située dans l'est de la Syrie, à la frontière avec l'Irak, la région de Deir Ezzor renferme les principaux puits de pétrole du pays, qui représentent plus de la moitié de la production en Syrie. 
En s'emparant de cette zone en 2014, Daech a pu produire près de 40 000 barils par jour. 
« Daech a en partie bâti sa présence dans la région de l'argent qu'il obtenait de la vente du pétrole et des produits raffinés qu'il produisait (essence) pour l'effort de guerre », souligne Francis Perrin, directeur de recherche à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).

« Royaume de Daech »

À partir de 2017, lorsque les territoires djihadistes sont tombés aux mains des Forces démocratiques syriennes, dominées par les milices kurdes du YPG, celles-ci ont récupéré les champs pétroliers. La production est alors tombée à 30 000 barils par jour. 
« Nous travaillerons […] avec les Kurdes afin qu'ils reçoivent un peu d'argent et qu'ils aient un peu de flux de liquidités », a précisé ce lundi Donald Trump, selon le Wall Street journal. 
D'après Francis Perrin, les ressources pétrolières de l'Est syrien sont pourtant trop faibles pour envisager un investissement américain visant à moderniser les puits en faveur des Kurdes. 
Cela est encore plus vrai concernant les États-Unis.
Premier producteur de pétrole au monde, avec plus de 12 millions de barils par jour, Washington n'a pas besoin du pétrole syrien. « Il s'agit d'un fantasme », souligne Francis Perrin. 
« Le pétrole syrien ne constitue pas du tout une ressource importante pour les États-Unis, ni pour les entreprises américaines, qui n'y investiraient de toute façon pas, pour des raisons évidentes de sécurité. » 
Dès lors, l'intérêt des États-Unis semble davantage de sécuriser les champs pétroliers afin qu'ils ne retombent pas entre les mains des cellules djihadistes présentes dans la région, ou de l'armée syrienne et de milices chiites pro-iraniennes situées juste de l'autre côté de l'Euphrate. 
Une situation qui pourrait rapidement devenir internable pour les derniers soldats américains présents à Deir Ezzor. « La nuit, c'est le royaume de Daech », confie le géographe Fabrice Balanche qui revient de Syrie. « Il n'y a plus de sécurité. 
De nombreuses cellules djihadistes sont stationnées dans la zone et les forces kurdes, mobilisées au nord de la Syrie contre la Turquie, ne les combattent plus. »

Source Le Point
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